Interview de Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports, dans "Le Parisien" du 7 octobre 1999 sur les 35 heures, les indemnités de licenciement de l'ex PDG d'Elf et sur la manifestation du 16 octobre à l'initiative du PCF.

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Média : Le Parisien

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Q - Irez-vous manifester le 16 octobre contre les licenciements ?

Marie-George Buffet. - Le Premier ministre et tous les membres du gouvernement ont pris, depuis le début, la décision de ne participer à aucune manifestation. Je m'y suis toujours tenue. Cela dit, si cette décision était modifiée, j'irais à cette manifestation avec plaisir…

Q - Mais vous approuvez cette initiative du PC ?

Je l'approuve totalement. Ce n'est pas une manif contre le gouvernement, mais exactement l'inverse : il s'agit de l'aider. Il est capital que les 35 heures soient créatrices d'emplois, capital que les emplois jeunes soient pérennisés, capital de réussir à gauche…

Q - Que dites-vous à François Hollande qui refuse de manifester ?

Je dis à nos amis socialistes : « Ayons tous une conception nouvelle de la politique. On est dans une situation complètement inédite. Elle n'a rien à voir avec 1981. Aujourd'hui, un gouvernement de gauche n'a pas à redouter l'intervention des forces sociales. Il en a besoin. On ne va tout de même pas abandonner la rue à M. Seillière et à ses amis. » Permettez-moi d'insister, ceux qui ont porté la gauche au pouvoir, ceux qui veulent qu'elle soit réellement à gauche, ceux qui attendent que leur vie change, tous ceux là ont la possibilité de le dire le 16 octobre. J'espère qu'il y aura beaucoup de monde.

Q - Les 35 heures, est-ce un moyen de créer des emplois ou une façon de donner plus de temps libre à ceux qui ont déjà un emploi ?

Les deux. Mais la loi ne sera bonne que si elle crée des emplois car le gouvernement, finalement, sera d'abord jugé sur sa capacité à faire reculer le chômage. Les 35 heures, de ce point de vue, peuvent être un instrument formidable.

Q - Vous croyez aux 35 heures ?

Oui. Cette réforme est sans doute l'une des plus importantes des deux ans et demi passés. Mais il faut que la loi en discussion lie aides publiques et créations d"emplois : nous avons été échaudés dans le passé. Michelin, c'est 3 à 4 milliards d'aides publiques pour financer des préretraites et, maintenant, on nous annonce 7 500 suppressions d'emplois !

Q - Le projet est-il « votable » par le PC en l'état ?

Toute loi présentée par le gouvernement a besoin du débat parlementaire. Je trouve tout à  fait normal que les députés souhaitent apporter leurs idées et leurs propositions. Ce n'est pas une majorité de godillots. Certains points peuvent être légitimement améliorés, comme l'a dit d'ailleurs Martine Aubry. Les députés communistes sont dans leur rôle en agissant pour que cette loi soit le plus efficace possible.

Q - Que vous inspire l'ampleur des indemnités légales de licenciement accordées à l'ex-PDG d'Elf, Philippe Jaffré ?

Chaque fois que l'opinion apprend le montant astronomique de certains transferts de footballeurs, elle s'émeut. Mais là, on bat des records et il ne s'agit même pas d'un transfert ! Sérieusement, cette affaire  est probablement choquante. On ne peut pas tenir, comme le fait une partie du patronat, un discours permanent sur le poids des charges sociales et sur les salaires qui seraient trop élevés pour être concurrentiels et, en même temps, permettre qu'un patron puisse toucher une telle somme parce qu'il quitte son entreprise.

Q - Est-ce gérable d'être ministre et de s'afficher révolutionnaire ?

La révolution, c'est un beau mot. Et je suis bien dans mes baskets. Ce qui serait le plus facile, ce serait de tenir des discours révolutionnaires et refuser de mettre la main à la pâte pour essayer de changer les choses au quotidien. En attendant on ne sait trop quel « grand soir ». Le PCF, aujourd'hui, est un parti de révolte, mais c'est aussi un parti de propositions, un parti d'actions, un parti de gouvernement.