Interview de M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, dans "La Tribune" le 13 octobre 1999, sur les mesures gouvernementales en faveur de la réduction de la pollution automobile, le rapprochement Renault-Nissan et sur les accords de réduction du temps de travail signés chez Renault et PSA .

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Média : La Tribune

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« La Tribune ». – La protection de l'environnement est à l'ordre du jour. Pourquoi ne pas envisager des mesures en faveur de l'automobile propre, comme il y en eut par le passé avec les primes Balladur et Juppé ?

Christian Pierret. – L'Etat intervient en encourageant la recherche à travers le programme Predit, avec une participation de 2,1 milliards de francs en cinq ans pour un programme total de 7,5 milliards. Mais l'Etat n'interviendra plus par des primes, qui ont démontré sous les gouvernements Balladur et Juppé leur inefficacité absolue. Il y a aussi d'autres leviers, tels que l'application de la réglementation sur le contrôle technique ou la promotion des nouveaux carburants comme le gaz naturel pour les flottes importantes. Il y a enfin la voiture électrique.

« La Tribune ». – Etes-vous toujours un fervent défenseur du diesel ?

Regardons les faits : le diesel est encouragé en Allemagne en Italie. Il participe moins à l'effet de serre que le super sans plomb. Avec la technologie de la « rampe commune », il y a un gain de 40 % sur les émissions de particules. Et nous aurons bientôt les filtres à particules. Respectons les goûts des consommateurs : les ventes de véhicules diesel continuent d'augmenter.

« La Tribune ». – Quel est votre position sur la taxation du gazole ?

Le gouvernement a décidé d'aligner l'écart de taxation entre le super et le gazole sur la moyenne européenne. Sur sept ans, l'augmentation est de sept centimes par an. La question de la taxation du gazole est réglée.

« La Tribune ». – La taxation sur le gazole est déjà plus lourde en France que dans la moyenne des pays européens…

La taxation sur les carburants contribue d'une façon importante à l'équilibre du budget de l'Etat. Mais il est normal que les carburants soient taxés, car les transports terrestres sont responsables d'une bonne part de nos difficultés à respecter nos engagements de réduction d'émissions de gaz à effet de serre. Il est donc juste que la taxation sur les carburants soit élevée.

« La Tribune ». – Vous aviez déclaré, en marge du Mondial de l'automobile, il y a un an à Paris, que les constructeurs français devaient devenir des constructeurs mondiaux, et évoqué le réel intérêt des rapprochements capitalistiques entre constructeurs. Quel est votre avis aujourd'hui ?

Avec le gouvernement de Lionel Jospin, l'approche qu'ont les pouvoirs publics de leurs participations industrielles a connu une réelle mutation. Par exemple, en ce qui concerne Renault, nous jouons une partie très équilibrée. Nous demandons à l'entreprise, dont l'Etat détient 44,2 % du capital, de se gérer comme une société mondiale avec une relation, non pas infantile comme elle a pu l'être autrefois sous certains gouvernements, mais mature et pleinement responsable vis-à-vis des pouvoirs publics et de son actionnaire de référence. L'Etat exerce clairement sa fonction d'actionnaire. Dès juillet 1998, le gouvernement était informé des négociations entre Renault et Nissan. Nous avons fait les observations et remarques que l'actionnaire jugeait utiles dans l'intérêt de l'entreprise. Puis, après réflexion, nous avons décidé d'approuver cette opération. Certes, il y a une part de pari raisonnable, mesuré, dans cette acquisition. Il faut des entreprises de taille mondiale avec des complémentarités géographiques, de logiques, de gammes, des possibilités de rationalisation. Je suis fier que des sociétés françaises puissent nouer de telles coopérations avec des entreprises étrangères, notamment japonaises. La mise en place des équipes communes semble se poursuivre dans un climat constructif. Louis Schweitzer, président de Renault, s'est donné les moyens de gagner cette bataille et j'ai une grande confiance dans sa capacité de succès et dans celle de ses équipes.

« La Tribune ». – Renault aurait-il pu mener à bien une telle opération sans un actionnaire comme l'Etat ?

Je crois que la présence de l'Etat dans le capital est davantage un atout qu'un obstacle. Cela est dû à l'attitude nouvelle de l'Etat dont j'ai parlé précédemment et à notre volonté de nous situer dans une logique de moyen terme, à la fois comme pouvoirs publics garants de l'intérêt national et comme actionnaire, garant de l'intérêt de l'entreprise.

« La Tribune ». – Yoshikazu Hanawa, président de Nissan, affirme qu'il veut prendre « le plus tôt possible » une participation dans Renault. Qu'en pensez-vous ?

Il n'est pas prévu explicitement, dans les accords actuels, de participation croisée. Et il n'y a pas, à ce jour, de projet d'évolution de la part que détient l'Etat dans le capital de Renault.

« La Tribune ». – La filiale poids-lourds Renault VI a-t-elle acquis à ce jour, selon vous, une taille mondiale suffisante ?

Concevoir les moyens de conforter la taille internationale de Renault VI est une idée opportune. RVI y travaille.

« La Tribune ». – PSA a-t-il de son côté la taille critique ?

Le constructeur a déjà un réseau de coopération technique avec d'autres sociétés, notamment européennes. PSA connaît un nouveau départ très prometteur avec son nouveau patron, Jean-Martin Folz. Sans doute, PSA devra-t-il consolider, au cours des prochaines années, ses passerelles technologiques, d'organisation, de composants, avec d'autres constructeurs européens. Peut-être, PSA devra-t-il procéder, sous une forme ou sous une autre, à un rapprochement avec un partenaire – pourquoi pas sous forme capitalistique ? Mais il n'y a pas d'urgence c'est aux actionnaires et aux dirigeants de l'entreprise d'en décider. Pas au gouvernement.

« La Tribune ». – Des accords ont été signés sur les 35 heures par Renault et PSA. Quel bilan en tirez-vous ?

Le système précédent était fondé sur des plans sociaux annuels, avec un recours massif au FNE qui faisait porter à l'Etat la plus grosse part financière des coûts liés à la gestion des effectifs dans l'industrie automobile. Avec Martine Aubry, nous avons décidé de mettre un terme à cette politique et de quitter sans ambiguïté les plans sectoriels. L'Etat doit prendre en charge, au nom de la solidarité, les handicaps lourds des salariés âgés, mais ce n'est pas à lui de corriger des évolutions qui ne sont pas faites au bon moment. Avec les accords sur la réduction du temps de travail et la gestion de l'emploi, chacun assume ses responsabilités. L'entreprise et l'Etat identifient bien leurs contributions respectives au processus. Le coût des mesures d'accompagnement est élevé, mais compatible avec les équilibres budgétaires et les règles européennes. Si d'autres secteurs industriels, par exemple, le textile-habillement, souhaitent s'engager dans une démarche comparable, l'Etat les accompagnera en appliquant les mêmes critères.

« La Tribune ». – En janvier 2000, l'accord Europe-Japon de 1991 sur l'ouverture progressive du Vieux Continent aux importations de voitures nipponnes aura vécu. Les Japonais ont-ils respecté cet accord ?

Oui, globalement. Nous sommes très satisfaits de la coopération industrielle avec le Japon dans tous les domaines. Et je me félicite du choix de Toyota de s'implanter dans le nord de la France. Cela prouve que l'aménagement du temps de travail n'est pas un obstacle. Nous avons des savoir-faire et des entreprises dans l'ensemble de la filière automobile qui sont de solides atouts. J'ajoute que Toyota respecte scrupuleusement tous les accords sur lesquels il s'est engagé concernant l'appel massif à des équipementiers français.