Interview de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche à "Ouest-France" le 19 décembre 1997, sur le programme de maitrise des pollutions agricoles, notamment dans le secteur de l'élevage porcin et le marché de la production porcine bretonne.

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Média : Ouest France

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Ouest-France : Quel sont les grands principes de cette circulaire ?

Louis Le Pensec : Il y a d’abord la restauration du respect de la loi : les élevages qui se sont développés illégalement depuis 1994 devront se mettre en conformité. Il y a ensuite la possibilité d’installer des jeunes et de développer des petits élevages familiaux dans les zones d’excédent où tout était bloqué, mais dans des conditions très strictes qui seront définies en concertation avec les éleveurs. Enfin, il faut éviter que toutes les possibilités d’épandage ne soient mobilisées par les élevages les plus importants : il faut donc limiter les surfaces d’épandage selon les cantons. Au-delà, il faut imposer aux éleveurs le traitement de leurs effluents.

Ouest-France : Ne risquez-vous pas de provoquer la baisse de la production porcine bretonne ?

Louis Le Pensec : Il faut absolument éviter de perturber le marché du porc. C’est pourquoi nous avons prévu des délais suffisants pour permettre une adaptation progressive des exploitations en fort dépassement. Je rappelle les chiffres : moins de 10 % de la production porcine bretonne est concernée par cette mesure. Ces délais sont de nature à ne pas destabiliser l’aval de la production, c’est-à-dire les entreprises d’abattage et de transformation. Notre objectif n’est pas de réduire la production porcine en Bretagne, mais de faire en sorte que son développement maîtrisé se fasse avec le souci de l’environnement. Je crois profondément que l’avenir et la pérennité de l’élevage breton, et son développement économique passent par la prise en compte des attentes de nos concitoyens, c’est-à-dire d’une gestion économe et durable des ressources naturelles.

Ouest-France : En fait, vous instituez implicitement des quotas de production…

Louis Le Pensec : Pas du tout. L’objectif n’est ni de réduire ni de contingenter la production porcine. Tant que les zones d’excédents de lisiers existeront, c’est-à-dire tant que les terres agricoles disponibles ne permettront pas, dans ces zones, de valoriser tous les effluents d’élevage, il faut poursuivre les efforts pour éliminer les excédents. Mais il faut concilier cette exigence avec la nécessité d’assurer l’avenir. Cela passe par l’installation de jeunes, mais aussi le maintien d’exploitations familiales viables. C’est pourquoi le développement de la production porcine dans ces zones d’excédent sera strictement encadré et limité à ces deux seules catégories d’agriculteurs. L’amélioration de la qualité de l’eau en Bretagne est à ce prix. C’est un défi que les agriculteurs bretons ont à relever.

Ouest-France : La lenteur de l’administration dans la gestion des dossiers n’est-elle pas aussi responsable de la situation actuelle ?

Louis Le Pensec : Les services départementaux de l’agriculture se sont mobilisés pour l’instruction des dossiers, mais cette tâche est particulièrement lourde et complexe, en particulier parce qu’elle associe de nombreux partenaires : agences de l’eau, collectivités locales… J’ai donc décidé d’affecter, dès le début 1998, huit agents supplémentaires par département.

Ouest-France : Vous visez les plus gros élevages. Mais les petits ?

Louis Le Pensec : La bonne ou la mauvaise gestion des effluents d’élevage n’a que peu à voir avec la taille de l’élevage. Mais il faut partir du constat suivant : le programme de maîtrise des pollutions agricoles s’adresse aux élevages soumis à autorisation dans le cadre de la procédure relative aux installations classées. Je n’oublie pas pour autant les petits et moyens élevages : ils sont aussi concernés par les programmes d’élimination des excédents de lisiers et, plus généralement, par la nécessaire maîtrise des pollutions azotées.