Texte intégral
Monsieur le bourgmestre,
Monsieur le ministre,
Monsieur le commissaire,
Monsieur le président,
Messieurs les ministres,
Mesdames,
Messieurs,
C’est un grand honneur pour moi de représenter l’agriculture, la pêche et l’ensemble du secteur agro-alimentaire français ce soir, parmi vous, pour la 63e édition de cette manifestation prestigieuse au rayonnement européen et mondial que vous organisez, Monsieur le bourgmestre, avec tant de savoir-faire et d’efficacité.
La présence de la France à la Semaine verte de Berlin ressort désormais d’une longue histoire puisqu’aujourd’hui se joue son 45e épisode.
Je m’en réjouis car cela est une marque concrète et significative de l’intérêt profond qu’ont nos deux pays à cultiver avec persévérance et dynamisme l’excellence de leurs relations et en particulier dans les secteurs agricole et alimentaire, comme j’ai pu l’année dernière très rapidement m’en rendre compte en nouant des relations de grande confiance avec Monsieur Borchert.
La Semaine verte est en effet avec ses centaines de milliers de visiteurs, avec ses expositions multiples et avec le forum Est-Ouest qui se tient pendant sa durée, l’occasion idéale de manifester notre complémentarité.
Grâce à la Semaine verte, Berlin est en ce mois de janvier la capitale de l’Europe agricole et alimentaire.
Aussi, je reçois, Monsieur le bourgmestre, votre invitation à m’exprimer ce soir comme un symbole du rôle moteur que nos deux pays, aux côtés de leurs partenaires européens, ont rempli dans la construction de l’Europe agricole.
À un moment où se débattent les grandes orientations de la politique agricole commune de l’an 2000, ce symbole a plus que jamais besoin d’être illustré.
Nous nous situons sans doute en cette année 1998 à l’amorce d’un tournant fondamental pour l’avenir de l’agriculture européenne.
Nous devons le négocier de façon exemplaire en donnant à notre agriculture les moyens de répondre à toutes les attentes de la société à son égard, qu’elles soient nouvelles ou traditionnelles.
Pour cela, nous disposons d’un atout maître, la politique agricole commune. Il nous faut cependant la réformer pour lui permettre de mieux appréhender les défis de l’an 2000, mais c’est pour mieux la renforcer et non, n’en déplaise à certains, pour mieux la démanteler.
1. Les défis de l’an 2000
L’agriculture européenne va être confrontée à l’horizon de l’an 2000 à un ensemble d’évolutions importantes qui nécessiteront de sa part un effort d’adaptation très important.
Les marchés mondiaux vont évoluer. La demande va augmenter, mais à un faible niveau de prix pour les produits de base.
Les exigences des consommateurs seront sans cesse plus fortes en matière de garantie sanitaire, mais aussi de qualité des produits, voire de respect d’une certaine déontologie dans les modes de production.
Par exemple, le problème d’actualité de l’utilisation des hormones pour l’élevage des animaux pose non seulement la question sanitaire, mais aussi une question d’éthique quant au mode d’élevage que l’on souhaite promouvoir.
Par ailleurs, la société exige de plus en plus fermement que l’agriculture et le secteur agro-alimentaire jouent à fond un rôle essentiel qui leur est dévolu en matière d’aménagement du territoire, c’est-à-dire d’emploi dans les zones rurales, d’occupation harmonieuse de l’espace et de protection de l’environnement.
Enfin, le contexte international dans lequel se situe aujourd’hui l’agriculture européenne va profondément être modifié avec l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale et orientale, le nouveau round de négociations multilatérales et le développement de nos relations avec les autres régions du monde.
Pour tout cela, nous avons besoin d’une PAC rénovée et c’est dans cet esprit qu’avec mes collègues européens en novembre 1997 j’ai appelé la réforme de mes vœux.
Je me félicite ainsi que les chefs d’État et les chefs de gouvernement de l’Union européenne aient confirmé cette volonté à la fin de l’année dernière à l’occasion du conseil européen de Luxembourg.
2. L’identité agricole européenne
L’objectif d’affirmer et de préserver l’identité agricole européenne à la fois au sein de l’Europe et à l’extérieur est en effet résolument inscrit dans cette volonté de réforme.
L’identité de son modèle agricole est une richesse pour l’Europe et peut représenter un exemple pour d’autres régions du monde.
Certes, nos agricultures sont différentes de par la diversité des sols qu’elles occupent, des climats auxquels elles sont soumises, des types d’exploitation et des modes de mise en valeur de celles-ci qu’elles ont développés.
Toutes ont cependant en commun le souci de remplir leur mission d’approvisionnement du marché européen et du marché mondial grâce à des exploitations performantes à taille humaine qui peuvent ainsi jouer un rôle essentiel dans l’occupation harmonieuse du territoire et produire des produits de qualité.
Ce qui fait le modèle européen, c’est la volonté politique de l’Europe depuis sa constitution d’organiser les marchés, de ne pas laisser le sort des exploitations dépendre des seules évolutions des cours des matières premières agricoles, sur lesquels les agriculteurs n’ont aucun pouvoir d’influence.
C’est grâce à cette volonté d’organisation et de protection de son agriculture que la Communauté économique hier, l’Union européenne aujourd’hui, ont su préserver la diversité des exploitations et des productions agricoles européennes et en assurer le développement.
La réforme de la PAC doit permettre à l’Europe de continuer sur cette voie après l’an 2000.
3. Le contenu de la réforme
Les modalités de cette réforme doivent être à la hauteur de cet enjeu et j’espère, Monsieur le commissaire, que vous nous proposerez le moment venu des dispositions en conséquences.
La réforme doit être à la fois adaptation et innovation :
- adaptation de notre politique d’organisation des marchés pour tenir compte de l’évolution de ceux-ci ;
- innovation pour permettre à l’agriculture européenne de répondre aux nouvelles attentes de la société à son égard.
L’imagination et le pragmatisme doivent nous guider.
Il faut rejeter tout dogmatisme et examiner au cas par cas la situation de chaque secteur pour déterminer la politique la plus appropriée à mettre en œuvre dans chacun d’entre eux.
Ne plaquons pas, Monsieur le commissaire, sur l’ensemble des secteurs le même dispositif de baisse de prix. Celui-ci n’est pas approprié à l’élevage où il convient plutôt de rechercher, dans le cas des produits laitiers, quelques assouplissements au régime des quotas et dans le cas de la viande bovine, un dispositif de soutien plus découplé de la production.
Quant au secteur des grandes cultures, il regroupe de nombreux produits dont les marchés n’obéissent pas aux mêmes contraintes. Évitons par une réforme trop uniforme de provoquer des déplacements de cultures qui créeraient plus de difficultés qu’ils n’en résoudraient.
De même, pour les autres secteurs, adaptons sans a priori notre politique à la situation de leurs marchés.
La réforme ne peut cependant se résumer à quelques modifications, de notre politique de marché quelle que soit leur portée. Elle doit déboucher aussi sur l’élaboration d’un nouveau pacte entre notre société et ses agriculteurs dont l’objectif serait l’occupation harmonieuse du territoire.
Ce pacte pourrait être matérialisé par la mise en œuvre au niveau de chaque État membre d’un dispositif nouveau de répartition et de modulation du soutien en fonction du rôle de chaque exploitation en matière de gestion de l’espace, de protection de l’environnement et d’emploi.
Il devrait être accompagné d’un renforcement des régimes actuels en faveur de l’installation des jeunes agriculteurs et d’aide aux zones défavorisées.
4. Les moyens de la réforme
Pour mener à bien une telle réforme, l’Europe doit cependant se doter des moyens lui permettant d’offrir à son agriculture les perspectives d’un développement durable et de lui garantir une réelle préférence.
Le Conseil européen de Luxembourg du mois dernier s’est prononcé clairement sur la garantie des moyens financiers que l’Europe consacrera à l’agriculture dans les dix prochaines années et je m’en félicite.
De même, je me réjouis de l’engagement du conseil des ministres de l’agriculture visant à défendre la spécificité de l’agriculture européenne dans les instances internationales. Il faut en effet prendre garde à ce que sous le couvert de la libéralisation des échanges l’on mette en danger notre identité.
Les contraintes imposées aux agriculteurs et aux produits agricoles européens notamment par des normes de qualité et de sécurité très élevées doivent être reconnues, y compris en matière d’environnement ou de bien-être des animaux.
Le consommateur est à l’heure actuelle le grand absent du débat sur les normes de commercialisation qui se tient dans les instances internationales. Il est temps qu’on lui donne la place qu’il mérite.
Le critère d’acceptabilité par les consommateurs doit être ainsi pris en compte lors de l’élaboration de ces normes.
Enfin, le principe de la préférence communautaire ainsi que celui de la solidarité avec les pays en voie de développement ne sauraient être remis en cause.
Arrivant ainsi au terme de mon propos, je souhaiterai en cette période de vœux de début d’année :
Longue vie à la PAC !
Longue vie à l’agriculture et aux agriculteurs européens !
Et longue vie à la Semaine verte internationale de Berlin !
Que le succès de sa 63e édition soit encore plus important que celui, mérité, de ses éditions précédentes.