Texte intégral
RTL : Vous, au PC, vous attendez de pied ferme comme Lionel Jospin la dissolution ?
J.-C. Gayssot : En tout cas, nous ne la craignons pas et vous avez remarqué sûrement que les électeurs communistes sont parmi ceux qui disent : eh bien oui, pourquoi pas. Pourquoi cette réaction dans l'électorat communiste ? Je crois parce qu'il y a, par rapport à la politique de la droite actuelle, vraiment cette idée qu’il faut changer, ce n’est pas possible que ça continue comme ça, on va droit dans le mur. Il y a de plus en plus de chômeurs. Il y a de plus en plus de difficultés, les entreprises licencient, le chômage s'amplifie. On parle d'une progression du nombre de chômeurs pour les prochaines semaines, les prochains mois, donc il faut changer de politique. C'est pourquoi les communistes disent : eh bien ! oui, il faut changer de politique et ils feront tout pour cela.
RTL : Mais si dissolution il y a, pour quelles raisons, selon vous, Jacques Chirac la déciderait ?
J.-C. Gayssot : Vous avez raison de poser cette question parce que le fond est là. En fait de rumeurs de dissolution, de remaniement ministériel etc., qu'est-ce qu’il y a derrière ? Ce qu’il y a derrière, c'est, je crois, deux choses. Pour aller au plus simple, premièrement, la politique mise en œuvre ne marche pas. Cette politique que Jacques Chirac avait expliquée le 26 octobre 1995. Rappelez-vous ce qu'on avait appelé le tournant. Il avait dit : on va réduire les déficits et ça va marcher. Eh Bien, ça ne marche pas, ça échoue. Ça échoue et c'est ça le bilan. Et aujourd'hui se prépare non pas un changement dans le sens positif, il se prépare une nouvelle aggravation, un nouveau tour de vis, une nouvelle rigueur, de l'austérité qui va encore enfoncer le pays dans les difficultés et cela au nom de la monnaie unique et des critères de convergence. D'ailleurs, le ministre Jean Arthuis vient de confirmer qu'il était hors de question de mettre en cause ces critères de convergence.
RTL : Vous souhaitez toujours un référendum à propos de la monnaie unique ?
J.-C. Gayssot : Mais bien sûr. Écoutez, Jacques Chirac l'avait proposé quand il était candidat. Aujourd'hui, tout le monde dit : c'est au nom des critères de convergence qu'on opère une véritable saignée sociale et économique dans le pays. Eh bien ! nous disons : il faut que le peuple se prononce. Il y a 602 000 personnes qui ont signé une pétition demandant à Jacques Chirac un référendum, parce que ça ne dépend que de lui et de personne d'autre, ni de Bruxelles, ni de la Commission. S'il y a une élection à faire aujourd'hui, c'est bien celle d'un référendum pour ou contre la monnaie unique et que les gens se prononcent.
RTL : Et si la gauche gagnait les élections, serait-elle en mesure de gouverner ? Si oui, avec quel programme ?
J.-C. Gayssot : Écoutez, il y a urgence effectivement. Le pire serait que la droite espère gagner des élections par une dissolution de confort, c'est-à-dire par défaut d'alternative à gauche. Et le pire serait que la gauche espère gagner par défaut également – parce qu’il y aurait du mécontentement – sans proposer une véritable alternative. Je pense qu'il y a urgence à travailler à une alternative où on regarde ce qu'on peut faire aujourd'hui dans les conditions actuelles pour que non seulement la gauche qui est pluraliste se rassemble, mais pour qu'elle propose une politique différente qui s'en prenne à la fois aux marchés financiers et à l'Europe ultralibérale, qui fasse des moteurs de la consommation, c'est-à-dire du progrès social, des moteurs de l'investissement utile, c'est-à-dire de l'activité et de l'emploi et du moteur de la confiance, c'est-à-dire de la démocratie, une vraie politique alternative.
RTL : Mais cela voudrait dire que si la gauche gagnait, les communistes seraient prêts à participer à un gouvernement de gauche avec les socialistes ?
J.-C. Gayssot : Mais absolument, les communistes souhaitent participer à une politique alternative. Nous l'avons dit, il n'y aura pas de soutien sans participation, il n'y aura pas de participation sans véritable politique alternative.
RTL : Pourtant, il y a des divergences sur les programmes ?
J.-C. Gayssot : Bien sûr. Qu'il y ait des différences à gauche, c'est normal, elle est pluraliste, aucun parti ne peut prétendre ni à l'hégémonie, ni à représenter les autres à lui tout seul. Il y a un pluralisme et ce ne sera pas le programme d'un seul parti qui sera appliqué, je crois que c'est normal, c'est naturel. Au PC, je le disais encore récemment, nous ne sommes pas pour le parti unique ni pour la pensée unique, ni pour la monnaie unique d'ailleurs, nous sommes pour le pluralisme. Mais ceci étant, il faut travailler à surmonter les obstacles et nous sommes décidés à y travailler à la fois en proposant des assises citoyennes pour discuter de tout cela avec nos partenaires et puis nous avons des rencontres bilatérales. D'ailleurs, nous allons avoir une prochaine rencontre avec la direction du PS le 29 avril.
RTL : Vous avez déclaré que les communistes souhaitent le changement, mais est-ce que les Français souhaitent un retour de la gauche au pouvoir ?
J.-C. Gayssot : Je crois que ce que souhaitent les Français, je ne veux pas parler à leur place, c'est qu'on sorte de cette spirale du déclin qui est à l'œuvre depuis trop longtemps, qui s'est traduite à la fois par l'échec d’une certaine politique menée par les socialistes et par la gauche durant des années, qui se traduit par l’échec de la politique menée aujourd'hui par la droite. Il faut autre chose. Il faut avoir le courage dans ce pays, de s'attaquer au dogme de la pensée unique. Il faut avoir le courage, non pas pour faire tout d'un coup, non pas pour prétendre qu'on peut tout faire comme ça d'un coup de cuillère à pot, mais il y a d'autres solutions que celle de la loi des marchés financiers. Tout à l'heure, vous disiez : les internes sont allés à la Bourse pour dire que pour la santé, il faut autre chose que la loi des marchés financiers. Ils ont raison. Je veux dire aux interne : ça ne se décide pas comme ça, simplement, dans la stratosphère. Ce sont des choix politiques. M. Juppé pratique une politique. M. Chirac pratique une politique. Ils prennent des décisions. Et pour changer ces décisions, il faut changer d'autres hommes qui fassent une autre politique.