Texte intégral
Convoqué à Genève les 26 et 27 juin, le comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats (C.E.S.) doit arrêter des dispositions concrètes dont le principe a été adopté en mai lors du congrès de Munich. Il s'agit en premier lieu des modalités de l'action qui sera menée après la période des congrès pour réclamer, dans toute l'Europe, la réduction de la durée du travail aux environs de trente-cinq heures par semaine. Il est vraisemblable que le mot d'ordre définitif, à la fois mobilisateur et susceptible d'être respecté dans tous les pays, sera fixé au comité exécutif des 25 et 26 septembre. Parmi d'autres points, le comité doit examiner l'application de la décision du congrès concernant la définition des conditions dans lesquelles les demandes d'adhésion peuvent ou doivent être acceptées.
La C.G.T. porte une vive attention à ces deux questions. En dépit des sarcasmes par lesquels certains de ses syndicats, en particulier celui des mineurs, ont critiqué la récente démarche auprès de monsieur Giscard d'Estaing de la C.E.S. – dont la délégation comprenait notamment messieurs Hinterscheid, secrétaire général (Luxembourg), Bergeron (F.O.) et Chérèque (C.F.D.T.) – la C.G.T. veut participer à l'action programmée pour l'automne. De son côté, la C.F.D.T. souhaite que celle-ci ait l'impact le plus fort possible. Monsieur Gensous, secrétaire confédéral cégétiste chargé du secteur international, a eu à ce sujet un bref échange de vues avec monsieur Chérèque.
Quant aux objections auxquelles se heurte la candidature de la C.G.T., il est encore tôt pour prévoir comment elles évolueront. Les attaques formulées par monsieur Séguy à l'encontre de monsieur Vetter (D.G.B. – Allemagne), président sortant de l'internationale européenne, ont pris, aux yeux de certains dirigeants de la C.E.S., une telle vivacité que beaucoup se demandaient si la C.G.T. n'envisageait pas de rompre les contacts, si ténus fussent-ils. En réalité, la confédération de monsieur Séguy n'abandonne pas son projet d'adhérer à la C.E.S.
La déclaration que nous a fait le secrétaire général de la C.G.T., de passage à Genève, ne reflète plus la fièvre des propos électoraux du mois dernier.
« A la veille de l'élection du Parlement européen, où Oskar Vetter était candidat, ce fut plus le second de la liste social-démocrate qui vilipendait la C.G.T. que le président du D.G.B. L'Assemblée de Strasbourg élue, la question de l'entrée de la C.G.T. dans la C.E.S. demeure et prend même une acuité supérieure. Le Parlement européen n'est pas ce que les syndicalistes les plus passionnés d'intégration, de supranationalité et d'élargissement avaient prédit. Ceux qui avaient annoncé toutes sortes d'avancés sociales, y compris la semaine de trente-cinq heures par la voie parlementaire européenne, sont bien obligés de tenir compte d'une réalité qui devrait leur faire admettre que l'action syndicale reste la voie la plus sûre du progrès social, à l'échelle de chaque pays et au niveau européen.
« L'efficacité du syndicalisme européen, de son action, dépend de sa cohésion. Il est aberrant que les dirigeants de la C.E.S. persistent dans une politique de discrimination envers plusieurs organisations syndicales européennes, dont la C.G.T., ce qui revient à priver la C.E.S. du concours de la majorité de la classe ouvrière française. Il est absurde de prêter à la C.G.T. l'intention d'être le « cheval de Troie » de la F.S.M. (Fédération Syndicale Nationale) dans la C.E.S.
« Nous sommes résolument pour l'indépendance de la C.E.S. vis-à-vis de toutes les centrales syndicales internationales. Nous voulons entrer à la C.E.S. telle qu'elle est, avec ses statuts et son programme, en respectant les organisations qui y sont déjà affiliées, telles qu'elles sont. Nous entendons par réciprocité être acceptés et respectés tels que nous sommes. S'il peut en être ainsi, nous serons constructifs, unitaires, attachés à la démocratie.
« La supranationalité ? La transposition de cette conception sur le terrain syndical comporte une lourde équivoque. S'agit-il de la supranationalité telle qu'elle est prônée par les « européanistes » de droit les plus fanatiques (je pense notamment à monsieur Lecanuet) ? Nous ne pouvons accepter un tel abandon de souveraineté nationale comme syndicale, car nous considérons que la diversité du syndicalisme occidental fait sa richesse. Il serait dommage que cette diversité s'efface devant une sorte de standardisation.
« Il est possible que certains syndicalistes fassent de cette supranationalité une lecture différente, inspirée par la nécessité de concession réciproque pour parvenir à l'action commune. Voilà pourquoi nous souhaitons pouvoir en discuter avec tous les intéressés.
« Nous sommes très attentifs aux délibérations du comité exécutif de la C.E.S., qui doit donner une suite au congrès de Munich pour une action sur les trente-cinq heures et pour la définition des conditions d'admission à la C.E.S. Jusqu'à ce jour, nous croyions que ces conditions étaient définies et nous trouvons insolite la recherche tendant à en élaborer de nouvelles pour les candidatures en cours. En toute hypothèse, nous sommes ouverts à toutes les discussions, l'essentiel étant qu'on ne nous demande pas d'avoir à nous renier pour être membre de la C.E.S. »