Articles de M. Jacques Voisin, secrétaire général de la CFTC, dans "La Lettre confédérale CFTC" du 17 mars 1997 et dans "La Vie à défendre" d'avril 1997, sur la fermeture de l'usine Renault de Vilvorde et l'élection prud'homale de décembre 1997.

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Média : La Lettre confédérale CFTC

Texte intégral

La lettre confédérale CFDT : 17 mars 1997

Dominantes : L’entreprise n’existe pas sans les hommes

Un management périmé

On promet l’insertion de jeunes et voilà l’avalanche des suppressions d’emplois chez Renault. Quand sortirons-nous de ces contradictions ? Mais, en ayant trop tiré sur la corde, il ne serait pas impossible que, sans le vouloir, les dirigeants de Renault aient fait faire un grand pas à l’Europe sociale.

La martingale tentée par Renault apparaît de plus en plus clairement : faire monter l’action, tout en faisant payer le coût social des restructurations par le contribuable. C’est à proprement parler vouloir le profit sans les charges et gagner sur tous les tableaux de la rentabilité financière à court terme. On se sert au maximum des médias et du choc causé sur les salariés et l’opinion publique pour transférer sur l’État la responsabilité sociale de l’entreprise. Chemin faisant, on court-circuite la législation sur les licenciements, on déréglemente sans le dire.

Cette méthode de management, réussie chez Moulinex, est en train d’échouer chez Renault. Si belle sur les feuilles de calcul, elle est perçue comme une méthode périmée. Tout simplement parce que l’entreprise sans les hommes n’existe pas. Que le mépris des salariés est un non-sens. Que le bon sens se révolte.

La manifestation européenne de mardi vient nous montrer que les liens de proximité se renforcent, que les réseaux de solidarité se construisent, bref, qu’au niveau des salariés, l’Europe sociale est en marche.


La vie à défendre : Avril 1997

Ressources humaines

« Que va-t-il m‘arriver ? », s’interrogent aujourd’hui les salariés en franchissant les portes de l’entreprise. Les pratiques du salarié jetable, des dégraissages, de l’avertissement à l’entreprise ont eu raison de leur moral. Trottent dans la mémoire l’exemple vivant de son collègue de travail ou bien encore sa propre expérience, confortés chaque jour par l’actualité.

La réaction presque naturelle devient le repli sur soi. Repli largement nourri par les politiques de management, mot savant et moderne mis en œuvre par les ressources humaines.

Quel sens ont donc ces mots quand ils ne sont utilisés qu’au service de l’entreprise guidée par les diktats de l’économie, elle-même asservie aux seuls intérêts financiers ? On ne respecte plus le travail humain, on l’exploite pour la cause.

Le gâchis humain du chômage, de la précarité, des conditions de travail, des laissés pour compte est intolérable. Rien ne peut justifier l’abandon des personnes et de leur famille, des jeunes ou anciens. Rien si ce n’est la recherche machiavélique du néant.

Il nous faut donc redonner le sens aux choses. Telle est la démarche de la CFTC, de la vie à défendre, telle est bien l’orientation prise lors du Congrès de Nantes pour redonner au travail toute sa place.

Il n’y a pas d’autre priorité aujourd’hui que la défense de toutes les personnes envers et contre tout. C’est la dignité dont il est avant tout question et c’est à cela que nous sommes appelés. Les instances dirigeantes de la CFTC veulent conduire des actions ciblées notamment sur les conditions d’emploi et de travail dans les entreprises. Il y a trop d’abus trop d’excès sur le compte de la flexibilité pour la survie de l’entreprise et du chantage à l’emploi.

L’actualité, de Moulinex à Renault en passant par le Crédit Foncier, doit servir de leçon. L’entreprise est une communauté d’hommes partie prenante de son projet. Ils ne sauraient être laissés pour compte ; utilisés puis rejetés tels des robots. La négociation s’impose de manière permanente sur l’organisation et les conditions de travail, sur ses aménagements, sur la gestion des emplois et des compétences, sur la formation, les évolutions de l’emploi et des carrières, les salaires, la mobilité professionnelle, sur les effets des investissements et de la modernisation, et, bien sûr, l’emploi.

En fin d’année, le 10 décembre les salariés, les chômeurs seront appelés à voter pour les prud’hommes.

C’est l’occasion de rappeler l’originalité des Conseils de prud’hommes, de leur donner leur place.

La conciliation est au centre de la justice prud’homale. Il faut lui redonner tout son sens. La conciliation reconnaît la place, l’avis, le droit du salarié, de la personne comme elle reconnaît la place, l’avis, le droit de l’entreprise. Ainsi, la conciliation doit pouvoir surtout intervenir avant qu’il ne soit trop tard.

Négociation, médiation, conciliation voilà ce qui nous anime pour redonner au travail sa vraie place. Ainsi, les ressources humaines prendront leur sens.