Interviews de M. Daniel Vaillant, secrétaire national du PS aux élections et à la coordination, à Europe 1 le 6 mai 1997 et à RTL le 16 mai 1997, et article dans "L'Heddo des socialistes" du 16, sur la politique sociale du PS en cas de victoire aux élections législatives, le bilan négatif du gouvernement Juppé, et les affaires liées au financement du RPR.

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Média : Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - L'Hebdo des socialistes - RTL

Texte intégral

Europe 1 :  6 mai 1997

J.-P. Elkabbach : Vous sentez peut-être prématurément le parfum de la victoire et vous vous prenez à rêver ?

D. Vaillant : Non, pas de rêve dans cette période, une campagne courte que le Président de la République a voulue par la dissolution. Pas de rêve, du réalisme et en même temps, l’envie effectivement de convaincre les Français qu’il faut changer d’avenir.

J.-P. Elkabbach : Le Président de la République va donc s’exprimer demain dans la presse régionale pour clarifier, pour obtenir une nouvelle majorité déterminée à appliquer ses choix.

D. Vaillant : Ecoutez, une nouvelle majorité, cela veut dire qu’elle serait de gauche parce qu’il y en avait une, une majorité.

J.-P. Elkabbach : Il y a une majorité sortante, il y a une majorité qui serait renouvelée.

D. Vaillant : Oui, alors là, c’est différent mais le Président de la République est élu pour sept ans, il a encore cinq ans à faire, ce n’est pas une élection présidentielle et donc, il a parfaitement le droit d’intervenir, ce n’est pas le premier qui le ferait. Ceci étant, je pense que l’on ne peut pas attendre de cette intervention autre chose que d’essayer de conforter la majorité sortante avec A. Juppé. Nul doute que M. Chirac préfère M. Juppé à Matignon, puisqu’il l’a choisi deux fois déjà plutôt que d’avoir par exemple L. Jospin. Donc moi, je n’attends pas de scoops de l’intervention du Président de la République. Quant au nouvel élan – ce qui est plutôt un slogan publicitaire – cela veut dire quoi ? Cela veut dire que M. Chirac ne serait pas satisfait du bilan des deux ans du gouvernement Juppé ? Alors, il faut changer de politique, il ne va quand même pas aller jusque-là. Je pense que l’intervention du Président, comme dirait M. Pasqua, il faut qu’il l’utilise avec modération.

J.-P. Elkabbach : Qu’est-ce que cela veut dire ?

D. Vaillant : Cela veut dire que si c’est M. Juppé qui appelle au secours le Président de la République, ça veut dire qu’il n’est pas en très bonne position dans sa campagne et donc que la campagne de M. Juppé patine, on ne voit pas de grands axes, il n’y a pas de propositions fortes pour justement un nouvel élan. On en appelle à J. Chirac, je pense que le Président sera bien inspiré en utilisant son intervention avec modération.

J.-P. Elkabbach : L. Jospin disait hier qu’il doutait que M. Chirac puisse peser sur les élections. On a le sentiment que vous mettez un peu plus l’accent sur le Président de la République, vous vous en prenez davantage à lui ?

D. Vaillant : Non, je ne m’en prends pas au Président de la République…

J.-P. Elkabbach : Pas vous personnellement, mais les socialistes.

D. Vaillant : Le Président n’était pas satisfait manifestement de la situation actuelle, il a dissous l’Assemblée nationale pour des raisons que tout le monde connaît, c’est-à-dire qu’il pensait que là, subrepticement, la droite pourrait l’emporter alors qu’en 1998, les carottes étaient cuites. A partir de là, ces trois semaines de campagne… On a déjà voulu prendre les Français par surprise, je ne crois pas qu’ils se laissent convaincre par une intervention du Président qui leur dirait, ce que l’on a pas réussi en quatre ans, en deux ans, on va le réussir maintenant. Ce ne serait pas crédible donc je ne crois pas que cela pèsera lourd dans le choix de l’électeur au moment su scrutin.

J.-P. Elkabbach : Vous voulez dire qu’il pourrait y avoir d’autres interventions ?

D. Vaillant : S’il y a d’autres interventions, on appréciera mais je pense que M. Pasqua a encore du crédit auprès du Président de la République. On a des institutions.

J.-P. Elkabbach : Vous vous servez beaucoup de M. Pasqua ?

D. Vaillant : Mais non, mais simplement comme il se trouve qu’il est intervenu hier soir, j’ai compris ce qu’il voulait dire à J. Chirac qu’il ne faut pas s’engager trop, même si M. Juppé vous le demande parce que c’est difficile pour lui. On a des institutions, le Président est élu, sa légitimité n’est pas en cause et la Constitution prévoit la cohabitation – qui serait peut-être bien utile pour la démocratie française.

J.-P. Elkabbach : Mais vous notez qu’il n’y a pas encore d’envolée du PS, vous êtes autour de 26 % ?

D. Vaillant : Les sondages sont les sondages, ils sont bien utiles pour éclairer l’opinion, il ne faudrait pas qu’ils pèsent trop sur elle. Le PS et ses alliés, parce que nous voulons rassembler la gauche, nous voulons rassembler les Français pour changer l’avenir de ce pays, changer l’avenir de l’Europe, le PS est en progrès, c’est autour de lui que peut s’organiser une nouvelle majorité, nous avons trois semaines de campagne sur le terrain. N’oublions pas nos 577 candidats, des femmes, des jeunes, 50 % de renouvellement et puis la campagne de L. Jospin qui, pour l’instant, à mon avis, tient la route. C’est un homme solide qui serait bien utile pour gouverner la France.

J.-P. Elkabbach : Et si on prenait un certain nombre de cas pour clarifier les choses, vous voulez supprimer un certain nombre de dossiers ou de réformes, est-ce que vous pouvez me dire pourquoi ? Par exemple, la réforme Juppé de la Sécurité sociale ?

D. Vaillant : D’abord, je pense que des sujets aussi importants que la santé publique, que la protection sociale, ce ne sont pas des réformes que l’on fait le nez au vent, comme M. Juppé l’a fait sans bien comprendre ce qui se passait et sans avoir le dialogue nécessaire. C’est pour cela que nous proposons, non pas de supprimer – on ne va pas gouverner comme cela en quarante jours, nous c’est sur cinq ans –, mais nous organiserons des états généraux de la santé, de la protection sociale et nous verrons ce qu’il faudra corriger.

J.-P. Elkabbach : Il y a déjà eu des états généraux : en 1986, c’était Chirac, Balladur, Séguin. Ce serait encore du temps perdu, des déficits qui se creuseraient. Vous supprimez la loi Robien ou pas ?

D. Vaillant : La loi Robien a permis de montrer que la réduction du temps de travail, ce n’était pas quelque chose d’inutile. Simplement, elle est parcellaire ; elle coûte cher ; elle n’est pas efficace pour créer des emplois. C’est pour cela que nous proposons la réduction du temps de travail, de passer de 39 à 35 heures sur trois ans, par la négociation, par la discussion, par le dialogue.

J.-P. Elkabbach : Vous remettez en cause les fonds de pensions actuels, la réforme du service militaire.

D. Vaillant : La réforme du service militaire : reconnaissons que là aussi, nous sommes sur une prérogative présidentielle. Il faut être attentif. Je ne propose pas de revenir sur cette question. C’est quand même le Président qui a décidé. La défense nationale, ça le concerne directement.

 

(Manque RTL et l'hebdo des socialistes)