Interview de M. Luc Guyau, président de la FNSEA, dans "Le Monde" du 22 octobre 1999 sur la modernité de la notion de ruralité, la dynamique des créations d'emplois dans l'agriculture et la nécessité de dégager des moyens pour le développement rural après la réforme de la PAC.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

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1. En tant que président de la FNSEA, la notion de ruralité vous paraît-elle moderne ou « ringarde » ?

Luc Guyau : Ce n’est pas une nostalgie, bien au contraire. Elle est éminemment moderne, dans la mesure où elle correspond pleinement aux demandes actuelles des consommateurs et des citoyens : des produits sains, de qualité, accrochés à des terroirs, des paysages variés et entretenus, un environnement préservé, des territoires équilibrés et peuplés. C’est tout cela, la ruralité. Enfin, face à une mondialisation souvent perçue comme déstabilisante ou déracinante, beaucoup aspirent à recréer des liens sociaux parfois distendus, à retrouver des racines, un ancrage culturel et une plus grande solidarité. La ruralité fournit des réponses. Ce n’est pas un quelconque repli sur soi reposant sur une opposition entre la ville et la campagne. Des exemples existent qui montrent que les territoires ruraux peuvent générer de nouvelles formes de développement très innovantes : voyez le Choletais, l’Aubrac ou le programme européen « leader » du pays cathare dans l’Aude.

2. L’agriculture est-elle encore capable de créer des emplois durables et de la valeur ajoutée dans les régions ?

Luc Guyau : Non seulement elle reste l’acteur économique majeur des campagnes, mais la dynamique actuelle est redevenue favorable. Après avoir décliné pendant des années, les emplois salariés agricoles ont repris leur progression, en augmentant de 300 000 depuis 1991, avec un nombre d’employeurs accru de 15 000. Ces bons résultats sont liés à la mobilisation des acteurs, sur le terrain, qu’elle passe par les groupements d’employeurs ou par les programmes de formation mis en place par la FNSEA avec les partenaires sociaux, pour améliorer la qualification des emplois saisonniers, fidéliser ces salariés et encourager la création d’emplois permanents. Plus de 70 000 salariés et 2 000 entreprises ont participé à ces formations depuis 1991. Les contrats territoriaux d’exploitation (CTE) – créés par la loi d’orientation agricole du 9 juillet – peuvent nous permettre d’aller plus loin, à condition qu’ils s’appuient sur un volet économique conséquent, capable de générer de la valeur ajoutée et donc de l’emploi.

3. La nouvelle réforme de la PAC fait-elle une place suffisante, ou excessive, aux actions de développement rural ?

Luc Guyau : Les moyens dégagés doivent permettre d’encourager des actions spécifiquement agricoles, que nous soutenons (aide à l’installation, aux investissements, aux boisements et a l’environnement), et d’appuyer des démarches de qualité et de diversification. Mais, si de nombreux territoires ruraux ne bénéficiaient plus des fonds structurels, ce serait particulièrement grave : le développement des territoires passe par un équilibre entre l’urbain et le rural et par la solidarité ville-campagne.