Texte intégral
RTL – mercredi 14 mai 1997
M. Cotta : Il y a pratiquement un sondage par jour, en ce moment. Depuis le début de la semaine, la tendance est plutôt à la baisse, pour vous. Comment est-ce que vous résistez aux chiffres moins exaltants qu’au début de la campagne ? Comment allez-vous ?
L. Jospin : Je résiste avec la même sérénité avec laquelle j’accueillais les chiffres quand ils montaient. Je fais la campagne. Et puis le 25 mai, les Français voteront, donneront une première indication, et décideront le 1er juin.
O. Mazerolle : Dimanche dernier, à Paris, vous avez dit : « J’ai l’impression que les Français ont peur de changer ». Qu’est-ce qui les retiendrait ?
L. Jospin : Vous savez que notre pays a toujours été un pays qui à la fois veut des changements, procède par secousses – nous sommes un pays qui a été plus révolutionnaire que les autres dans son histoire –, et en même temps a aussi quelque chose qui le tire vers le conservatisme. Je pense que c’est cette histoire qui se rejoue. Les problèmes de révolution sont derrière nous, les Français ne sont pas satisfaits du gouvernement actuel, ils le manifestent à la fois quand ils le jugent, à la fois à travers les têtes de l’exécutif et à travers les appréciations portées sur la politique de ce gouvernement. Ils jugent que c’est un échec, ils pensent qu’ils ont été trompés en 1995 par des promesses excessives et en même temps ils se disent : est-ce que nous devons changer ? Je pense que le scepticisme, qui vient du fossé entre les promesses de 1995 et la réalité de la politique actuelle, atteint toutes les forces politiques y compris nous. Si nous arrivons à crédibiliser des propositions qui vont dans le sens de ce que les Français attendent, c’est cela le cœur.
M. Cotta : On parle d’une nouvelle intervention de Jacques Chirac le 22 ou le 23 mai. Vous avez dénoncé sa lettre aux Français comme étant partisane, négative et inéquitable. Est-ce qu’il est, pour vous, le véritable chef de la campagne dans la majorité ? C’est lui ou c’est Juppé, votre adversaire principal ?
L. Jospin : En 1978 – une élection que l’on peut comparer à celle-ci –, M. Barre était Premier ministre et il était chef de la majorité : il a mené cette campagne, M. Giscard d’Estaing a fait une intervention à Verdun-sur-le Doubs – je suis passé à côté dans un de mes déplacements, hier, cela m’a fait sourire –, à propos du bon choix. Il s’en est tenu là. M. Barre a gagné cette élection législative et a été reconduit dans ses fonctions. Là, on a un Premier ministre : il est censé mener la campagne et on n’arrête pas, dans son camp, d’évoquer pour lui des successeurs ou des rivaux. Reconnaissez que, sur ce terrain, nous nous comportons avec plus de dignité que la droite : nous n’évoquons pas ces questions. C’est du sein même de la droite que, constamment, on ne sait pas si c’est par rivalité, on ne sait pas si c’est par ruse, si c’est pour jouer des jeux de rôles pour égarer les Français qu’on repose ses problèmes. À partir de ce moment-là, surtout si le président de la République intervient, avec la façon partisane qu’il a eu de le faire, cette question que vous posez, se pose. S’il intervient dans une campagne qui n’est pas la sienne, c’est la campagne législative – lui, il a été élu il y a deux ans –, s’il y intervient, vous ne vous imaginez tout de même pas que, par une attitude de respect monarchique, on ne va pas critiquer ses interventions dans une campagne qui est la nôtre, celle des candidats aux législatives. Moi, je suis candidat aux législatives, pas lui.
O. Mazerolle : De plus, avant-hier, vous l’avez accusé de mensonge pour ne pas avoir tenu ses promesses. Vous le soupçonnez de vouloir gérer la France comme il a géré la Ville de Paris et l’étouffement des affaires. Est-ce qu’il y a des relations de confiance possibles entre un homme de gauche qui aurait gagné les élections législatives et un président de la République qui a été traité de cette façon ?
L. Jospin : Non, je ne le soupçonne pas. Vous ne reprenez pas exactement mes propos. Mon propos était purement ironique mais était d’une logique effectivement très rude. Ce n’est pas moi qui le soupçonne de vouloir gérer la France comme il a géré la Ville de Paris. C’est eux, qui, il y a deux ans, avaient argumenté dans leur campagne législative en disant : ce que nous avons fait pour Paris, nous vous proposons de le faire pour la France. Comme maintenant, on a la révélation de ce qu’ils ont fait à Paris, je disais surtout : ne les laissons pas continuer ou risquer qu’ils le fassent pour la France. Ce n’est pas un soupçon, c’est un retournement d’arguments de campagne qui, à Paris, et autour de M. Tiberi, peut faire sourire effectivement les citoyens.
O. Mazerolle : Vous imaginez le premier tête-à-tête entre Jacques Chirac et vous ?
L. Jospin : Oui, parce que nous avons une culture démocratique, du combat démocratique. Le combat a lieu : la droite est beaucoup plus rude à notre égard que nous ne le sommes au sien. Parce que, quand même, c’est la première fois que, dans une campagne législative, je vois une majorité sortante ne faire campagne que sur les propositions de ses adversaires. D’ailleurs, question à vos auditeurs : vous avez vu le programme RPR-UDF ? Moi, je ne l’ai pas vu. Le programme socialiste, vous le connaissez, il a été diffusé à 9 millions d’exemplaires.
O. Mazerolle : Il y a eu cinq pages que vous critiquez.
L. Jospin : Et depuis ? Vous les avez vues quelque part ?
M. Cotta : Quand on est au gouvernement, cela tient lieu de programme.
L. Jospin : Non, mais est-ce que vous avez, en tant que citoyen, vu un programme RPR diffusé à la population ? Ils dissolvent l’Assemblée nationale, ils font une campagne courte – dans laquelle il y trois points –, et en plus, ils ne diffusent pas leurs propositions. Nous, nous avons diffusé à 9 millions d’exemplaires des propositions dans un Livre vert que tout Française ou Français peut se procurer. Cela est un exercice démocratique. Eux passent leur temps à critiquer nos propres propositions faute d’assumer leur bilan, d’une part, et d’avoir eux-mêmes des propositions à faire.
M. Cotta : Qu’est-ce que cela vous fait lorsque vous voyez que la majorité passe pour moderne et que le PS est dénoncé comme étant archaïque ? Cela vous énerve ? Quelle est votre réaction ?
L. Jospin : Cela me fait tantôt sourire, quand je fais référence à mon sens de l’humour, tantôt cela me fait bondir, quand je fais référence à mon sens de la justice. Parce que la modernité, c’est quoi ? C’est l’éducation, par exemple, c’est former mieux la jeunesse. Qui a fait un effort pour l’éducation ? Je suis bien placé pour le savoir. Qui a donné la priorité à l’éducation ? C’est nous. La modernité, c’est quoi ? C’est la recherche. Qui, à chaque fois que revient au pouvoir le gouvernement conservateur, coupe dans les crédits de recherche ? C’est la droite. Nous nous l’avons développé. La modernité, c’est quoi ? C’est essayer de tenir compte du fait que nous avons un peuple formé, éduqué, et qu’on ne dirige pas comme on le faisait au XIXe siècle. Or, comment le pouvoir réagit-il ? De façon autoritaire, par la ruse, y compris sur ces questions de Premier ministre où l’on créé des leurres, aujourd’hui, pour que les Français ne puissent pas savoir ce qui les attendraient au lendemain d’une élection, si elle était gagnée à nouveau par la droite. Lorsqu’on prend les relations entre les hommes et les femmes, qui propose que les femmes aient véritablement une place dans la vie publique et le tranche en acte, en présentant 30 % de femmes ? C’est le Parti socialiste. Que dit M. Juppé ? Il dit : « Que les femmes fassent 10 ans de stage dans les collectivités locales avant de pouvoir se présenter véritablement à l’Assemblée législative. » Donc, je prends l’éducation, la recherche, le style du pouvoir – comment on négocie avec les forces sociales, par exemple, on l’a vu en novembre-décembre 1995 –, le problème des femmes, voilà des exemples où l’on peut juger qui est moderne et qui ne l’est pas.
O. Mazerolle : Parlons précisément des mesures que vous préconisez. Votre projet repose sur une relance de la croissance grâce à une consommation accrue et une augmentation du pouvoir d’achat. Quelles sont les premières mesures que vous prenez, si vous arrivez au pouvoir, pour relancer immédiatement la consommation, et donc la croissance ?
L. Jospin : Ce n’est pas dans l’ordre de l’immédiat que les choses se jouent. Vous continuez à raisonner en quarante jours comme M. Juppé. Moi, je ne raisonne pas en quarante jours, je raisonne en plusieurs années. Nous allons faire voter les Français pour élire une Assemblée nationale pour cinq ans, qui nous fera franchir l’an 2000. Si l’on commence à poser les termes d’une politique économique en termes de ce qu’on fait dans les quarante jours ou dans les six mois, on a tout faux. Je pense qu’il faut raisonner sur cinq ans. Ne m’interrogez pas sur les premières mesures que je prends pour relancer la croissance, parce que je ne veux pas une flambée qui retombe, je ne veux pas une poussée des salaires qui nous oblige ensuite à la rigueur. Je veux que la France puisse conduire, avec ses partenaires européens, une politique de croissance plus forte. Car je ne vois aucune raison pour laquelle les pays européens, et la France notamment, devraient avoir des taux de croissance, sur dix ans, inférieurs à ceux du Japon, à ceux des États-Unis, à ceux de l’Asie du Sud-Est. Je crois que cela résulte d’un choix de politique économique.
O. Mazerolle : Ceux qui vont voter pour vous, à gauche, attendent une relance du pouvoir d’achat ?
L. Jospin : Non, ce n’est pas ceux qui vont voter pour nous, à gauche, qui attendent une relance du pouvoir d’achat : c’est 85 % des Français – je lis, là, un sondage, puisque vous parlez de sondage – qui sont pour la relance d’une consommation par l’augmentation des salaires. Mais je ne dis pas, moi, que nous procéderons à une augmentation comme cela de 10 % ou 5 % des salaires. Je dis simplement que la part des salaires dans le revenu national est devenue trop faible. Du coup, on n’a pas suffisamment de sommes pour alimenter la consommation. Il faut rétablir un meilleur équilibre entre ce qui va au capital, donc à l’investissement, et ce qui va au salaire, donc à la consommation. Il faudra faire cela progressivement. C’est de façon progressive que cela se fera. Mais s’il y a des mesures premières qui vous intéressent, il est certain que si nous étions en responsabilité, si nous formions un gouvernement, c’est en direction de nos partenaires, dès le sommet d’Amsterdam, en nous appuyant, notamment, sur le changement qui vient d’intervenir en Grande-Bretagne, que nous dirions à l’Europe : il faut se fixer des objectifs de croissance solidaires, plus importants dans l’esprit, d’ailleurs, de ce qu’avait proposé il y a quelques années Jacques Delors avec son Livre blanc. Voilà une indication : se tourner vers les partenaires et utiliser nos propres marges, mais progressivement.
M. Cotta : Vos deux propositions essentielles, ou du moins celles sur lesquelles le projecteur a été mis – 35 heures payées 39, 700 000 emplois jeunes –, suscitent moins l’enthousiasme qu’un scepticisme. Comment vous analysez ce scepticisme ?
L. Jospin : Il est normal qu’il y ait un scepticisme parce que les politiques pour l’emploi n’ont pas été efficaces au cours des quinze dernières années quels qu’aient été les gouvernements. Ce scepticisme s’est accru de la déception procurée chez les Français – et notamment chez les jeunes, là encore une enquête d’opinion l’attestait dans un journal, hier – par les promesses non tenues de M. Chirac lors de l’élection présidentielle.
M. Cotta : Mais aussi les résultats précédents.
L. Jospin : Il semble que c’était ma première réponse. Donc scepticisme, puisque les politiques contre le chômage, au cours des quinze dernières années, n’ont pas, effectivement, donné les résultats attendus. Ce scepticisme s’est accrue. Ce n’est pas parce qu’il y a un scepticisme qu’il ne faut pas agir. En tout état de cause, les responsables doivent agir et doivent manifester une volonté. Moi, je n’accepte pas l’idée qu’une partie de la jeunesse reste sur le carreau, n’ait d’autres perspectives que l’épreuve, le traumatisme du chômage. Ce programme des jeunes : parlons d’abord des 350 000 emplois de caractère public – pas fonctionnaires mais de caractère public parce que ce sont ceux qui nous engagent le plus ; les autres sont des emplois qui seraient créés dans les entreprises privées et donc cela dépend quand même des entreprises. Il faudra les y inciter. Mais pour les premiers, je précise bien qu’il ne s’agit pas d’emplois pour l’ensemble des jeunes. Tous ceux qui sortent du système de formation, bien formés, avec un diplôme d’ingénieur, un doctorat, pour autant qu’ils puissent déboucher sur un emploi, ils déboucheront sur un emploi normal. Mais il y a un certain nombre de jeunes qui, actuellement, ne peuvent trouver un emploi, n’ont aucune chance d’en trouver un, errent de stage en stage, ou, tout simplement, font la galère du désœuvrement. Et je pense que, dans un certain nombre de domaines – qui sont ceux de la sécurité, de l’action sociale, de l’accompagnement scolaire, ceux de l’environnement – au niveau des collectivités locales, sur un financement d’État qui est à 80 %, effectivement, il y a des gisements d’emplois importants. Ils seront financés comment ? En reprenant sur les dispositifs actuels d’aide à l’emploi dispersés, inefficaces pour beaucoup d’entre eux, et qui représentent 135 milliards. Pour le premier semestre 1997, cela représente 5 milliards de dépenses.
O. Mazerolle : Bien que dispersés et inefficaces, ces dispositifs d’aide à l’emploi concernent grosso modo plus de deux millions de personnes. Alors que deviennent ces personnes si ces dispositifs d’aide à l’emploi sont redéployés ?
L. Jospin : Vous comptez, là-dedans, des gens à qui on propose un stage qui, éventuellement, ne débouche jamais sur un emploi. C’est une comparaison fictive ! Si vous comparez, dans les statistiques, quelqu’un qui a un stage pour trois mois et qui après n’a plus rien, avec quelqu’un qui obtient un emploi pour cinq ans, payé au minimum au Smic, avec une stabilité et une chance de se former pour la vie professionnelle, je crois que le changement de nature est complet pour un jeune ! Celui-là, il n’hésite pas, et il ne s’occupe pas des comparaisons statistiques !
M. Cotta : Vous vous donnez aussi cinq ans pour les 35 heures payées 39 ? On vous reproche de faire une loi pour imposer les 35 heures. Est-ce qu’effectivement, il ne vaudrait pas mieux laisser les entreprises, selon les branches, réagir selon leurs besoins.
L. Jospin : C’est exactement ce que nous disons. Simplement, s’il n’y pas de loi, il n’y aura rien. La méthode que je préconise, ce n’est pas un État passif et des partenaires sociaux par ailleurs méprisés quand ils se mettent en mouvement et qui ne sont pas entendus. Moi, je préconise des pouvoirs publics actifs qui auront une volonté, qui fixent des orientations, mais aussi des acteurs de la vie économique et sociale respectés, c’est-à-dire la vie qui revient dans l’ensemble de la société, chez ceux qui ont la responsabilité et chez ceux qui sont dans l’action sur le terrain économique et social. Donc, nous disons « loi-cadre » parce que nous voulons exprimer quelle est la volonté de l’État. Nous offrons une perspective. Et là aussi, ces propositions sont majoritaires dans l’opinion. Et ensuite, nous disons que cela sert à ouvrir la négociation par branches effectivement, éventuellement par entreprises, entre les chefs d’entreprise, les représentants des salariés. Et c’est une démarche que nous devons conduire sur deux à trois ans à peu près. Donc, pas cinq ans mais deux à trois ans. C’est un processus que nous pourrions atteindre au moment de l’an 2000. Voilà la démarche. Elle combine les deux : impulsion et négociation.
O. Mazerolle : En quoi êtes-vous plus crédible que la droite lorsque vous dites que vous, vous n’augmenterez pas les impôts contrairement à eux ?
L. Jospin : Comment peut-on répondre à cette question ?
O. Mazerolle : Mais c’est une question de confiance pour les électeurs ?
L. Jospin : Oui, alors ils peuvent se dire que Jospin, jusqu’à maintenant, on l’a vu agir ; il a ses qualités et il a ses défauts, mais lorsqu’il dit quelque chose, il le fait. Et jusqu’ici, je m’y suis tenu.
O. Mazerolle : C’est vous le garant ?
L. Jospin : Non, je ne suis pas le garant. Je parle et vous m’interrogez, donc je vous réponds. Je ne suis le garant que de ma propre parole. Mais je pense que devant vous, ce matin, j’ai effectivement tiré un certain nombre de leçons du passé et que j’essaye d’articuler des discours qui sont des discours qui peuvent être tenus et auxquels personnellement, dans la mesure où je m’y serai engagé, je me tiendrai. C’est une question de démonstration devant les Français. Ils sont actuellement assez sceptiques et ne sont prêts à croire quiconque sur parole. C’est les actes, ensuite, qui confirment les paroles.
M. Cotta : Vous avez annoncé la suppression des lois Pasqua-Debré mais sans dire précisément par quoi et comment vous les remplaciez.
L. Jospin : Ce n’est certainement pas une décision par laquelle on commencerait, à mon sens. Il y a un travail législatif qui doit être opéré. On ne doit pas supprimer une législation pour se retrouver avec rien. Donc c’est un travail législatif. De toute façon, il est de caractère parlementaire, il suppose un débat parlementaire. J’ai déjà dit que nous éliminerions cette législation, c’est-à-dire que ces textes font partie du droit français et nous changerons cette législation. Nous la remplacerons par une législation qui ne mettra pas en cause les droits des personnes et qui, pour le reste, laissera la place à une politique effective de régulation de l’immigration. Ce qu’il faut, ce n’est pas faire des lois, des textes qui menacent les personnes et qui menacent généralement les personnes qui ne sont pas celles qui posent problème. Ceux qui se trouvent touchés, ce sont ceux qui ont envie d’être des gens réguliers. Alors ceux qui posent problème dans nos quartiers, dans nos cités, ce sont ceux qui sont véritablement les irréguliers, et notamment ceux qui commettent des délits. Ils ne sont pas les seuls mais ils en commettent aussi. Et donc, c’est contre l’immigration irrégulière qu’il faut mener le centre de l’action et notamment en essayant de tarir les sources qui alimentent le travail clandestin. Et puis, il faut une politique d’intégration de ceux qui sont normalement sur notre territoire. Il faut aussi une politique de contrat avec les pays qui alimentent ces flux traditionnellement pour trouver, avec eux, les moyens de les réduire, de façon à ce que l’on réduise aussi l’immigration clandestine.
O. Mazerolle : Question sur l’Europe. Tout à l’heure, vous avez manifesté votre désir d’entrer en concertation avec les partenaires européens. Mais si, pour le passage à l’euro, il y a un désaccord entre le Président de la République et un Premier ministre de gauche – qui pourrait être vous –, qui doit trancher ? Cela relève de la compétence du Président de la République ou du Premier ministre ?
L. Jospin : Le président de la République, il ferait bien de trancher dans sa propre majorité. Moi, j’entends Pasqua dire qu’il est contre la monnaie unique et qu’il n’en voit pas l’intérêt. J’entends Philippe Séguin dire que…
M. Cotta : Mais cela vous arrive aussi à l’intérieur de vos alliés.
L. Jospin : Il s’agit là des compagnons du président de la République, il ne s’agit pas d’une autre formation politique. J’entends Philippe Séguin dire qu’il veut apprécier les choses en tendance et j’entends MM. Bayrou et Méhaignerie dire qu’il faut se référer strictement aux critères des 3 % !
O. Mazerolle : Et quand vous entendez Hue, Chevènement ?
L. Jospin : Nous les 3 %, le respect des critères pour Maastricht, ça ne se fera pas à la décimale près. Cela ne se fera pas comme cela. Je pense que les conditions que je propose, et qui sont celles de l’entrée de l’Espagne et de l’Italie, présentes dans l’euro dès le départ, qui sont celles d’une appréciation en tendance, qui sont celles d’un gouvernement économique face à la Banque centrale, car ce n’est quand même pas une Banque centrale qui va diriger l’ensemble de la politique économique de l’Europe ! Qu’elle s’occupe de la monnaie, cela lui suffit bien ! Je pense que ces conditions sont des conditions réalistes, et je pense que nous avons de bonnes chances de les obtenir. Voilà ma démarche. A priori, je ne vois pas de conflit. Je pense que nous exprimerions davantage la volonté des Français sur l’Europe que l’attitude rigoriste actuelle de l’ex-majorité. Donc, je ne vois pas de problèmes.
France 3 : 15 mai 1997
É. Lucet : Si le chef de l’État intervenait, comme on le dit, à la veille du premier tour, quelle serait votre réaction ?
L. Jospin : Ma première réponse était de vous dire avant que la technique se dérobe, que le président de la République venait déjà d’intervenir puisque je l’ai entendu utiliser le slogan de la campagne de l’UDF et du RPR devant les masses chinoises qui ont dû être interloquées, mais surtout pour que les Français l’entendent bien. Et c’est un peu surprenant parce que cela ne se fait pas d’habitude de s’exprimer à l’étranger sur la vie politique intérieure surtout en pleine campagne électorale. Maintenant, s’il réintervient comme il l’a déjà fait, nous ne discuterons pas cela mais il sera alors normal que nous puissions lui répondre et j’espère donc qu’on nous donnera la possibilité de lui répondre.
É. Lucet : On est à une semaine du premier tour et on a parfois le sentiment que vous avez plus mené une campagne contre la majorité, notamment contre Alain Juppé qu’une campagne pour le PS ?
L. Jospin : Là, vous maniez le paradoxe, madame, parce que les propositions du Parti socialiste sont diffusées à dix millions d’exemplaires, c’est-à-dire que toute Française ou tout Français qui veut se procurer nos propositions peut les avoir et beaucoup les ont, alors que comme je l’ai dit à plusieurs reprises, en lançant de façon un peu humoristique un avis de recherche, les Français ne disposent pas du programme RPR-UDF aujourd’hui. Si bien qu’en réalité, c’est le RPR et l’UDF qui ont mené une campagne contre nos propositions, tous les Français les ont entendus depuis dix jours alors que nous, nous avons essayé d’avancer sur nos propositions sans épargner naturellement l’ex-majorité parce que c’est aussi une élection législative faite pour juger ceux qui étaient au pouvoir.
G. Leclerc : Nous sommes à dix jours du premier tour, où aller chercher les voix qui, éventuellement, pourraient manquer pour conduire un premier score le soir du 25 mai ?
L. Jospin : Je ne me fixe l’objectif d’aller chercher des voix à tel ou tel endroit ! Je ne me fixe comme objectif de poursuivre une campagne de conviction et d’espérer que le maximum d’hommes et de femmes se déterminent. Simplement, ce que j’entends et ce qu’on me dit, c’est que, par exemple, les femmes sont moins déterminées que les hommes ou que les jeunes sont plus indécis à aller voter que ne le seraient les plus anciens. Sans doute, faut-il tenir un langage, insister sur des propositions qui répondent aux préoccupations de ces catégories. Et d’ailleurs, dans quelques instants, au Zénith, devant une très grande salle, je m’adresserai à la jeunesse.
G. Leclerc : Qu’est-ce que vous proposez aux Français ? Est-ce que c’est quelque chose qu’ils ont déjà vu en 1981 ou est-ce que c’est peut-être le modèle Tony Blair ou est-ce que c’est encore autre chose ? Le socialisme à la française ?
L. Jospin : C’est Tony Blair qui se trouve un peu dans la situation dans laquelle nous étions en 1981 même si ce n’est pas le même programme, parce qu’il arrive après dix-huit ans de conservatisme. Pour nous, c’est un peu différent. Nous craignons ce qui se passerait si la droite se retrouvait à nouveau au pouvoir. Nous craignons une mainmise sur l’État et nous pensons qu’il n’y aura pas une démocratisation, une rénovation à la fois de l’État et de la démocratie. Nous craignons que l’économie reste stagnante et engourdie et nous craignons aussi des tensions sociales. On l’a vu avec le mouvement de novembre-décembre 1995, on l’a vu avec d’autres mouvements sociaux. Il n’y a jamais eu autant de conflits sociaux que pendant la dernière période. Et donc, il me semble qu’il faut donner une perspective et faire des propositions politiques.
G. Leclerc : Dans votre programme, au début de la campagne, vous parliez beaucoup de 700 000 emplois pour les jeunes. Or, aujourd’hui, on parle plus apparemment que de 350 000 emplois pour les jeunes de la part de l’État. On oublie les autres ou est-ce plus compliqué ?
L. Jospin : Dans un cas, c’est une action directe de l’État, des collectivités locales, des associations pour des emplois qui ne sont pas des emplois de fonctionnaires. M. Juppé s’est exprimé, ce matin, pour parler à nouveau des 750 000 emplois de fonctionnaires. Vous-même, vous avez opéré la correction en disant qu’il y en avait 350 000 qui relèvent du public et 350 000 qui relèvent du privé. Je suis obligé de prendre le Premier ministre, pour la troisième fois sur ce point, en délit de mensonge. Mais c’est vrai que les emplois de caractère public sont de notre responsabilité directe et que les emplois qui pourraient être créés dans les entreprises ont relevé de l’incitation et qu’ils sont plus indirects. De toute façon, il n’y a pas que ces emplois qui caractérisent notre politique. C’est par une croissance plus forte en Europe et en France, c’est par la diminution du temps de travail, c’est par l’aide aux entreprises qui créent l’emploi en France et aujourd’hui c’est-à-dire les petites et moyennes entreprises, que nous relançons une dynamique permettant de créer plus d’emplois.
G. Leclerc : En ce qui concerne les fonds de pension, car cela concerne beaucoup de Français et notamment les retraités, les supprimerez-vous si la gauche vient au pouvoir ?
L. Jospin : Nous ne voulons pas que les fonds de pension, à partir de la loi qui a été votée par la droite à l’Assemblée, viennent se substituer en quelque sorte aux retraites par répartition qui existent depuis la guerre et qui sont le fondement de l’égalité et de la sécurité des retraites pour tous en France. Donc, cette législation qui vise à déséquilibrer le système des retraites par répartition, nous n’en voulons pas ! Qu’il puisse exister des systèmes complémentaires d’assurance, cela peut être accepté à condition que cela soit à la marge, un complément, quelque chose en plus et non pas quelque chose qui se substitue et déséquilibre le système des retraites par répartition.
G. Leclerc : Sur l’immigration, un autre point important : est-ce que vous n’êtes pas allé un peu vite en disant dans votre programme qu’on abroge pas les lois Pasqua-Debré ? On avait cru comprendre, qu’avant la dissolution, vous n’étiez pas tout à fait sur cette ligne. Est-ce que cela ce n’est pas finalement une position médiane du Parti socialiste. Moi, je voudrais connaître votre position. Qu’est-ce que vous faites si vous abrogez ces lois pour les remplacer ?
L. Jospin : Ce que je pense fondamentalement, c’est qu’on ne règle pas le problème de l’immigration par ces lois. On réglera le problème de l’immigration clandestine qui est le véritable problème aujourd’hui, d’une part, en tarissant la source, c’est-à-dire ceux qui font venir des travailleurs clandestins dans un certain nombre de secteurs de l’économie française et que nous connaissons très bien, d’autre part, en passant des accords avec les pays d’origine de l’immigration, des accords de coopération, de façon à limiter ces possibilités. Pour l’immigration régulière, le problème est d’en limiter et d’en contrôler les flux, là aussi, par une politique d’accords et de veiller à ce que ces étrangers en situation régulière sur notre territoire puissent s’intégrer normalement. Donc, ce n’est pas d’abord par la législation, c’est par une politique des pouvoirs publics, de l’ensemble des acteurs de la société, d’accords avec des pays d’origine africaine, si vous voulez ou maghrébine, que nous réglerons ces questions. Pour tout ce qui, dans la législation actuelle, notamment Pasqua-Debré, porte atteinte aux droits des gens sans aider à régler le problème de l’immigration clandestine, effectivement, il faut changer.
G. Leclerc : Quand Alain Juppé vous demande, aujourd’hui, de clarifier vos rapports avec le Front national, notamment dans la perspective du second tour, quelles réponses vous lui apportez ce soir ?
L. Jospin : Je dis que s’il y a une clarification à faire, c’est quand même du côté de la droite qu’il faut la faire. Parce que nous, nous n’avons jamais eu la moindre porosité entre nos idées et les idées du Front national. Il n’y a jamais eu de passage entre le PS et le Front national. Tout le monde sait que M. Mégret était au RPR il y a plus d’une dizaine d’années. Tout le monde sait que M. Peyrat, qui est maintenant au RPR, était maire de Nice Front national il y a à peine quelques mois. Nous savons que M. Gaudin, M. Léotard ont passé, dans leurs régions, des alliances avec le Front national pour se faire élire. Donc, s’il y a une clarté à apporter elle est de ce côté-là. D’autant que comme on pense que le taux de désistement du FN se compte plus sur la droite que sur la gauche, si la question devait d’abord se poser à quelqu’un elle se poserait là. Nous, nous sommes au clair sur ces problèmes et quand il s’est agi, par exemple, de faire une grande manifestation à Strasbourg, qui y était ? La gauche ou la droite ? Eh bien, la gauche.
É. Lucet : Qu’est-ce qui vous manquerait, aujourd’hui, pour obtenir une victoire aussi écrasante que celle de Tony Blair ? Il vous manquerait du temps, ou alors vous avez un héritage trop lourd à gérer dans la famille socialiste ?
L. Jospin : Mais nous ne cherchons pas une victoire écrasante, mais une victoire que nous donnerait une majorité de Français par un vote clair sur une nouvelle politique pour l’emploi, pour une société qui soit moins rude, pour un avenir pour la jeunesse, dans le domaine de l’éducation, de la recherche pour une attention portée aux problèmes de la vie quotidienne, un mandat qui nous serait donné même par quelques voix de majorité conviendrait parfaitement en démocratie.
É. Lucet : On connaît bien votre honnêteté intellectuelle. Après la présidentielle, vous aviez avoué que vous n’y aviez pas tellement cru. Est-ce que vous y croyez vraiment aujourd’hui ?
L. Jospin : Naturellement, les circonstances sont différentes et si on a reconnu la véracité de ma conviction au moment de l’élection présidentielle, on peut croire en la véracité de ma conviction aujourd’hui. Je pense que les choses ne sont pas faites. Je pense que les forces du changement peuvent gagner. Il faut simplement que les Français le veuillent et le décident. En fait, ils ont envie de sanctionner la majorité qui vient de sortir et ils hésitent encore – nous avons encore quelques jours –, puis le deuxième tour pour créer une dynamique qui fera que nous ferons un choix qui soit un choix à la fois raisonnable et un choix d’avenir.
France 2 : vendredi 16 mai 1997
B. Masure : Dans une tribune publiée aujourd’hui dans « Libération », vous affirmez que les électeurs doutent de la capacité de la politique à infléchir le cours des événements ?
L. Jospin : Oui, c’est vrai, je le pense, et cette question du scepticisme est pour moi une question très grave et qui me préoccupe. Mon sentiment, c’est que si le scepticisme l’emporte, la droite l’emportera dans les élections. Au contraire, si le scepticisme recule, nous gagnerons. Je crois que le scepticisme nourrit l’immobilité, le conservatisme et sert le pouvoir tel qu’il est. Si les Français ont l’impression qu’ils peuvent changer, qu’ils doivent changer, qu’il y a une perspective qui s’offre – je crois qu’elle vient de nous, aujourd’hui, la campagne l’a montré –, alors nous pourrons gagner.
A. Chabot : Est-ce que vous sentez une certaine incrédulité devant les programmes des uns et des autres, y compris le vôtre ?
L. Jospin : Une chose est claire : aujourd’hui, le programme des socialistes, les propositions socialistes ont été diffusées dans le pays à dix millions d’exemplaires. Tout Français ou toute Française qui veut se procurer ce programme pour juger sur pièce, elle-même, sans se référer à ce que l’on dit par ailleurs dans la campagne, peut le faire pour le nôtre. Au jour où je parle, le programme RPR-UDF n’a été diffusé nulle part. Mais je voudrais revenir sur le sujet que vous avez montré parce qu’il est brutal et moi il m’émeut, compte tenu d’où je viens, de mon origine familiale, de mon engagement socialiste, parce que ce sont, au fond, les milieux populaires qui expriment aujourd’hui le plus grand scepticisme. Ils ont l’impression de ne pas être pris en compte, de ne pas être écoutés. Il y a une coupure entre une France qui trouve son chemin, plus ou moins, ou qui croit qu’elle a sa part et puis une France qui ne se sent pas prise en compte, y compris par le discours et c’est pourquoi on met le chômage, la lutte contre le chômage, au cœur de notre politique économique. Et c’est pourquoi aussi tous les grands problèmes de la vie quotidienne, tels que les vivent les Français, que ce soit le problème du logement, que ce soit le problème de la protection sociale, le problème de l’insécurité, moi j’en ai fait le pain quotidien de ma campagne sur le terrain.
B. Masure : Est-ce que l’on peut revenir d’un mot sur les privatisations ? Vous avez affirmé que votre intention, c’était de bloquer l’ensemble du processus. Est-ce que vous n’auriez pas bien besoin, compte tenu de l’état des finances publiques en France, des 30 ou des 40 milliards qui seraient dégagés par une éventuelle vente de France Télécom, par exemple ?
L. Jospin : D’abord, nous prenons devant les Français une promesse qui est une position de principe. Nous n’entendons pas faire de nouvelles nationalisations, nous n’entendons pas poursuivre le processus de privatisations. Cela c’est la politique de la droite. Nous n’avons pas la même politique. Nous l’avons dit clairement. En ce qui concerne les finances publiques, il est très difficile de savoir, aujourd’hui, où on en est. Il y a eu des informations qui nous ont laissé penser que le déficit allait se creuser. Nous sommes très inquiets pour l’équilibre de la protection sociale. C’est-à-dire pour la poursuite du déficit, et donc nous ferons une analyse, une sorte d’audit de l’état des finances publiques si nous gagnons, naturellement, et que nous sommes aux responsabilités. À ce moment-là, nous informerons les Français de ce que sont les réalités et les contraintes et de ce que sont nos choix en respectant ce que nous avons dit aux Français dans la campagne. Donc, je le précise ici : notre intention n’est pas de poursuivre une privatisation qui n’est pas faite aujourd’hui et qui est par exemple celle de France Télécom.
A. Chabot : Si on revient sur les problèmes de Sécurité sociale, est-ce que vous continuez la réforme engagée par Alain Juppé ou est-ce que vous l’infléchissez et dans quel sens ?
L. Jospin : D’abord, je voudrais rappeler, puisqu’on parle de gestion et qu’on compare les gestions, qu’entre 1988 et 1993, la dernière législature où nous avons été en responsabilité, le déficit moyen de la protection sociale était annuellement de 10 milliards. Depuis 1993, il est en moyenne par an de 50 milliards. C’est-à-dire que le déficit a été multiplié par cinq. Cela compare les gestions. Ensuite, je voudrais dire et rappeler aux Français qu’au moment de l’élection présidentielle, moi j’ai affirmé la nécessité de la maîtrise des dépenses de santé. Jacques Chirac disait le contraire. Et au lendemain de leur élection, l’équipe actuellement au pouvoir a adopté un plan de maîtrise des dépenses de santé dont je récuse les méthodes qui sont trop bureaucratiques, trop centralisées, qui en plus reposent sur la responsabilité collective des médecins – alors que c’est chaque médecin individuellement qui doit être en mesure d’assumer ses responsabilités –, qui sont de plus des mesures dangereuses pour l’hôpital public. Je reste fidèle, nous restons fidèles à l’objectif d’une maîtrise des dépenses de santé, mais il est évident que nous reprendrons une démarche différente. Il faut toucher au problème du médicament, il faut toucher au problème des filières de soins. Il y a tout un travail que nous voulons mener et c’est pourquoi nous sommes favorables à des états généraux de la santé qui permettraient de discuter avec tous en poursuivant un objectif de maîtrise des dépenses de santé avec des méthodes moins bureaucratiques et plus attentives aux réalités.
B. Masure : Autre thème sensible de la part des téléspectateurs, celui des salaires. Est-ce que vous seriez favorable à un coup de pouce significatif des salaires dans le secteur public, ce qui dépendrait de vous éventuellement au gouvernement, et est-ce que vous êtes favorable à une hausse significative du Smic, comme le réclament à cor et à cri vos partenaires communistes ?
L. Jospin : Moi, je ne me pose pas le problème par rapport au Smic même si naturellement la question des bas salaires est une question plus importante que d’autres ou plus sensible que d’autres. Mon objectif est progressivement que nous puissions faire remonter dans le revenu national la part des salaires. Car cette part est insuffisante actuellement pour assurer une consommation suffisante d’abord pour les Français qui, d’une certaine façon, font un peu la grève des achats, ne dépensent pas assez parce qu’ils n’ont pas les moyens de le faire, ce qui pose des problèmes pour les débouchés de nos entreprises qui, du coup, embauchent moins et donc un problème pour le chômage. Je veux donc asseoir une croissance plus forte sur une progression maîtrisée du pouvoir d’achat. Mais pas par une augmentation trop forte et trop rapide des salaires en quelques mois ou en une année qui pourrait déséquilibrer notre économie, et notamment les prix, mais par une progression régulière. Voilà la politique que je dois mener. Nous ne voulons pas, nous, une politique pour 40 jours, comme l’a dit Alain Juppé. Nous voulons une politique et des grandes orientations qui sont fixées pour cinq ans. Et nous discuterons surtout avec nos partenaires économiques et sociaux, car c’est aussi la méthode de gouvernement aujourd’hui qui pèche.
A. Chabot : Quand vous entendez Jean-Marie Le Pen dire qu’il souhaite la victoire de la gauche, que ressentez-vous et que répondez-vous aux attaques de la majorité sur ces voix du Front national que vous accepteriez sans sourciller ?
L. Jospin : Essayons d’être sérieux un instant. Nous constatons d’abord qu’il n’y a jamais eu la moindre porosité des idées entre la gauche, les socialistes et le Front national. On ne peut pas en dire autant à droite. M. Debré a dû s’excuser pour une phrase récente qu’il a prononcée à propos du frigidaire et des étrangers qui viendraient fouiller dedans. Deuxièmement, il n’y a jamais eu de passages d’hommes entre le Parti socialiste et le FN. On a vu au contraire des gens comme M. Mégret venir du RPR pour aller au FN, des gens comme le maire de Nice venir du FN pour aller au RPR. D’autre part, nous n’avons jamais fait, nous, d’alliance comme l’a fait M. Gaudin pour se faire élire dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou M. Blanc pour se faire élire dans la région Languedoc-Roussillon. Nous sommes très au clair. Quand il s’agit des voix, disons, tout simplement, que compte tenu de ce que sont les désistements, tels qu’on les indique, des électeurs du Front national, nous savons qu’ils votent plus pour les candidats de droite que pour les candidats de gauche. Donc, si quelqu’un s’interroge à propos des voix du Front national, il me semble que la droite devrait commencer par s’interroger elle-même. Je crois qu’il n’est pas bon, à huit jours du premier tour de l’élection, pour la droite, d’essayer de trouver un autre thème purement politicien alors qu’il faut centrer le dialogue sur les enjeux de cette élection. L’enjeu de cette élection, c’est, effectivement, un choix de politique économique et un choix de société. Il faut savoir qu’il n’y aura plus d’élections nationales d’ici 2002, que l’Assemblée nationale va être élue pour cinq ans, c’est donc un choix très important que les Français ont à faire. Je l’ai dit, si le scepticisme l’emporte, la majorité peut être reconduite, mais si les Français veulent à nouveau avoir confiance en eux-mêmes, s’ils regardent où sont les propositions, autour de quoi tourne le débat, même si on entend des polémiques sur nos propositions et des critiques de la part de la droite, il n’empêche que ce sont d’elles que l’on parle parce que ce sont les seules qui existent.
B. Masure : Vous vouliez parler de polémiques. Au début de la campagne, vous avez affirmé : je me refuserai aux petites phrases. On a l’impression, tout de même, que de temps en temps, vous cédez un peu à la tentation. Hier soir, au Zénith, vous avez fait un petit clin d’œil sur l’opacité de la gestion RPR de Paris en faisant allusion à l’OPAC, office HLM de Paris. Vous aussi, maintenant, c’est le combat politique, on fait aussi des petites phrases que retiennent la presse.
L. Jospin : Le problème est de savoir si ces phrases sont justes, si ces phrases recouvrent un contenu. Tout le monde sait, à Paris, aujourd’hui, que cela est vrai. Et quand je reprends ce qui a été dit : « nous ferons pour la France ce que nous avons fait à Paris », et que nous savons maintenant, malgré la tentative d’étouffement de nombreuses affaires qui concernent la Ville de Paris et ses responsables, lorsqu’on entend dire : « nous voulons faire en France ce que nous avons fait à Paris », je dis : ne les laissez pas faire en France ce qu’ils ont fait à Paris. C’est un contenu réel pour des problèmes réels qui nous concernent. C’est pourquoi, dans d’autres domaines, je préconise l’indépendance de la justice par rapport au pouvoir politique. C’est pourquoi je veux un État impartial et transparent, c’est pourquoi je suis contre le cumul des mandats parce que c’est à travers le cumul des mandats que l’on gère moins bien les responsabilités que l’on peut avoir. Mais en tout cas, ma démarche jusqu’au bout sera positive. La préoccupation première des Français, c’est l’emploi. Donc nous centrons notre politique dans la lutte contre le chômage. Ce sont les problèmes de la vie quotidienne, la protection sociale, le logement, la sécurité des biens et des personnes, c’est la question de l’avenir des enfants, l’éducation, c’est l’avenir du pays, la recherche. C’est sur tous ces points que je mène campagne. C’est ce que je disais aux jeunes, hier, au Zénith, en leur proposant un contrat moral. C’est ce que je dirai, tout à l’heure, en rejoignant mes électeurs et mes électrices. J’ai le même langage partout. Moi, je propose un contrat moral à la jeunesse et je propose aussi un contrat moral aux Français.
A. Chabot : Des sujets qu’on aborde peu dans la campagne : la politique étrangère. Ce soir, on dit que le général Mobutu s’en va, que le régime est terminé. Comment vous voyez l’avenir au Zaïre ? Est-ce que vous auriez, vous, une politique différente pour l’Afrique ?
L. Jospin : Oui. Cela fait plusieurs années déjà que je m’exprime sur ces questions, y compris lorsque nous étions aux responsabilités. Moi, je ne veux pas qu’un dictateur s’en aille pour qu’un chef de guerre arrive. La responsabilité de la communauté internationale vis-à-vis du Zaïre, qui est un pays extrêmement riche, important en Afrique, c’est que ce soient les Zaïrois et les Zaïroises qui soient mis en mesure de désigner leurs dirigeants. Qu’ils puissent voter. Sinon on va remplacer un chef de guerre par un chef de guerre, un général par un soudard. Et ce n’est pas ce qui est souhaitable. Lorsqu’on voit des hommes d’affaires, aujourd’hui – plutôt américains –, se précipiter le carnet de chèques en main sur un fond de massacre dont vous nous parliez par ailleurs, pour obtenir de se partager les ressources énergétiques ou minières du pays, on a un sentiment d’écœurement. Il faut donc une nouvelle politique africaine. Je pense que ce qui se passe au Zaïre signe d’une certaine façon l’échec de la politique africaine de la France. Le gouvernement actuel a eu tort de remettre en selle M. Mobutu, mais c’est la responsabilité de l’ensemble des Européens et des États-Unis que de veiller à ce que les Africains aussi aient le droit de désigner eux-mêmes ceux qui les conduisent. Contrairement à ce que disait Jacques Chirac, je ne crois pas que la démocratie soit un luxe pour pays riches. C’est une aspiration pour tous les peuples. Et dans ces domaines aussi, il faut changer. Dans ces domaines aussi, il faut redonner une perspective aux Français, une politique dont ils puissent être fiers.
France 2 : mardi 20 mai 1997
B. Masure : Quel commentaire à chaud vous inspire cette déclaration présidentielle ? Le Président a pour souci de voir la France parler d’une seule voix au plan européen.
L. Jospin : Les commentateurs s’interrogeaient pour savoir si le président de la République réinterviendrait dans la campagne. Je crois qu’ils n’ont plus besoin de s’interroger. C’est fait, et avant même de rencontrer le chancelier Helmut Kohl, Jacques Chirac a voulu décerner un message aux Français en période électorale. J’ai retenu une phrase particulière qui nous était à tous destinées : « la France devra parler d’une voix dans l’Europe ». Je peux répondre très clairement sur la forme et sur le fond. Sur la forme, il est évident qu’en cas de cohabitation, la France parlerait d’une seule voix en Europe, après 1997, comme elle l’a fait entre 1986 et 1988, et entre 1993 et 1995. Et quand au fond, à partir du moment où je vois que, progressivement, la plupart des leaders de l’ex-majorité, fort divisés sur la question européenne, semblent venir sur les conditions que nous avons proposées pour le passage à l’euro, mais aussi la réussite de l’euro – présence de l’Italie et de l’Espagne, dès le début, gouvernement économique face à la Banque centrale, pacte de croissance, un euro suffisamment fort mais par surévalué par rapport au dollar –, je ne vois pas ce qui, sur le fond, pourrait en principe empêcher que nous parlions d’une seule voix.
B. Masure : Nous avons parlé en début de journal de la déclaration de Jacques Chirac sur la politique européenne de la France. Selon vous, ce type d’intervention est-il de nature à peser lourd sur cette campagne législative ?
L. Jospin : Je crois qu’il ne sert à rien de toute façon de peser ou de tenter de peser sur les Français, si c’était l’objet de cette intervention, parce que les Français se prononcent librement dans cette élection législative.
A. Chabot : Vous disiez tout à l’heure que les positions sur l’Europe s’étaient rapprochées pendant cette campagne. Alors est-ce que c’est Philippe Séguin qui est devenu plus européen ou c’est le Parti socialiste et vous qui l’êtes moins ?
L. Jospin : Vous avez raison de parler de Philippe Séguin parce qu’entre Philippe Séguin, Charles Pasqua, Bayrou, Juppé, on aurait du mal à connaître les positions exactes du RPR et de l’UDF sur la question européenne. Ce que j’ai constaté progressivement, c’est que les conditions que nous avons définies pour le passage à l’euro, au fond la conception de l’Europe que nous définissons – une Europe qui doit être plus équilibrée, qui doit prendre plus en compte les intérêts de la France – est en train de rallier, au fond, les différents leaders de l’ex-majorité. Je crois que nous avons fait sur ce point œuvre utile dans cette campagne législative.
A. Chabot : Vous pourriez dire comme le président de la République que les engagements européens seront tenus si la gauche gagne ses élections législatives ?
L. Jospin : Les engagements européens, bien sûr. À condition de ne pas oublier que les engagements de l’Europe vis-à-vis de ces peuples, c’est, comme nous le rappelle le traité de Rome, la croissance, l’emploi, le progrès économique et social, le recul des inégalités. C’est cela les engagements de l’Europe vis-à-vis des peuples, sinon l’idée européenne continuera à reculer auprès des peuples d’Europe et y compris du peuple français. C’est ce que je ne veux pas, justement parce que je suis européen.
A. Chabot : La France doit parler d’une seule voix. Vous avez dit tout à l’heure que cela ne vous posait pas de problème mais ce serait quelle voix ? La vôtre ou celle du président de la République ?
L. Jospin : Ce sera la voix de la France naturellement ! Il me semble avoir aperçu dans le passé, entre 1986 et 1988, Édouard Balladur et François Mitterrand et Jacques Chirac dans un certain nombre de… c’est l’inverse pardon, excusez-moi ! Jacques Chirac et Mitterrand d’abord, puis Balladur et Mitterrand ensuite entre 1993 et 1995 et ils étaient deux. Personne ne s’est posé la question de savoir quelle voix s’exprimait parce que c’était la voix de la France qui s’exprimait en respectant les prérogatives que la Constitution fixe pour le pouvoir du président de la République et pour le pouvoir du Gouvernement.
A. Chabot : Et cela veut dire donc, pour que les choses soient claires, que c’est bien la position du Parti socialiste qui a la priorité et ce sont vos partenaires qui devront s’aligner sur vos positions ?
L. Jospin : Je sais bien que vous tenez à poser les problèmes en termes d’alignement. Ce n’est pas psychologiquement et intellectuellement mon approche. Nous avons fixé des conditions au passage à la monnaie unique. Je pense que ces conditions rassemblent. Vous avez entendu récemment Jean-Pierre Chevènement, qui connaît mon attitude et ma position et même Robert Hue, dire de façon positive qu’au fond ils se reconnaissent un peu dans l’approche qui est la nôtre. Comme cette approche est en train de gagner, si finalement sur ces conditions qui sont à la fois des conditions de passage à la monnaie unique mais aussi les conditions de la réussite de l’euro et même de la réussite de l’Europe, on peut réaliser à partir de ce que nous avons proposé une sorte de consensus, effectivement la France n’en sera que plus forte pour se faire entendre dans l’Europe, à condition bien sûr de se faire entendre.
A. Chabot : Alors si on revient sur le programme économique, vous dites, cet après-midi, dans une interview au journal « Le Monde », en évoquant la conférence salariale qui devrait se tenir en cas de victoire de la gauche, qu’on ne pourra pas à la fois réduire le temps de travail avec maintien du salaire, augmenter les salaires directs et éventuellement embaucher en même temps et au même lieu. Est-ce que vous êtes en train d’amorcer un virage ou expliquer que ce sera plus compliqué que vous l’imaginiez il y a quelques semaines ?
L. Jospin : Non, pas du tout ! En même temps et dans le même lieu. Cela veut dire quoi, dans le même lieu ? Cela veut dire dans les lieux de production, dans une entreprise donnée. Il est clair que si on fait une diminution de la durée du travail, ce qui est notre objectif et ce que nous ferons, dans le cadre des objectifs que nous fixons, il y aura des négociations entre les chefs d’entreprise et les syndicats. Si dans cette entreprise, on baisse la durée du travail en maintenant le pouvoir d’achat, il ne paraîtrait pas raisonnable sur une période d’envisager en plus d’augmenter le salaire dans cette entreprise à partir du moment où le salaire horaire augmentera forcément puisque la durée du travail diminuera. C’est donc, sur cinq ans, que ces objectifs visant à diminuer le temps de travail, créer des emplois et à faire augmenter la part des salaires dans le revenu national, dont tout le monde reconnaît qu’elle est insuffisante et comme elle est insuffisante, que la demande et la consommation, en France, ne sont pas assez fortes, c’est sur une période plus longue de plusieurs années que ces différents objectifs pourront être atteints. Cela repose sur une politique qui va créer plus de croissance parce que sans plus de croissance, on ne créera pas d’emplois. La diminution du temps de travail ne peut y suffire.
A. Chabot : Est-il faux de dire qu’à la veille de l’échéance, le Parti socialiste fait davantage preuve de réalisme qu’il y a quelques jours ?
L. Jospin : Je pense que nous restons tout à fait en cohérence avec ce que nous disons. Comme vous nous harcelez de questions, ce qui est votre rôle, nous nous efforçons de préciser les points mais la position, à mon sens, ne change pas. Et je crois, au contraire, que la cohérence de nos propositions économiques, si on ne les réduit pas au programme emploi-jeune, qui est d’une autre nature, qui n’est pas de caractère à proprement parlé économique, mais qui est destiné pour les emplois publics en particulier, de caractère public, à répondre au drame qui existe dans une partie de la jeunesse, celle en particulier qui ne sort pas avec une formation du système scolaire, ou qui a des difficultés dans les quartiers. Si on met à part ce programme, qui a un autre sens, mais qui est, à mon sens, absolument nécessaire et dont nous avons précisé les financements, je crois que commence à apparaître, au contraire, la cohérence de nos propositions politiques et économiques. Il faut sortir de la croissance lente, au niveau français, comme au niveau européen, c’est la seule chance d’avenir pour le pays.
A. Chabot : Vous dites que vous consulterez les salariés de France Télécom sur la privatisation. C’est-à-dire que vous organiserez un référendum ?
L. Jospin : Non, j’entends dire que la première évolution qui a été faite, et notamment la possibilité de distribuer des parties du capital au personnel, d’un personnel dont je rappelle que, dans les dernières prises de position qui étaient les siennes, il était totalement hostile à la privatisation de France Télécom. On est en train de nous dire qu’en fait ils s’interrogeaient ou commenceraient à se rallier à cette position. Je voudrais savoir ce qu’il en est effectivement. Je voudrais lever cette hypothèque et puis il faudrait peut-être prendre un peu l’habitude de consulter les gens là où ils sont. Ce qui ne veut pas dire que ce sont les salariés de France Télécom qui décident ou ne décident pas
A. Chabot : Parce que la décision appartient à qui au bout du compte ? C’est au Gouvernement ou aux salariés de France Télécom ?
L. Jospin : Il faut consulter les acteurs, il faut consulter ceux qui sont concernés dans leur propre vie et le Gouvernement actuel aurait bien fait de s’inspirer de cette méthode. Il aurait eu moins de conflits sociaux qu’il n’en a eus et ma méthode sera celle du dialogue. Ensuite, les pouvoirs publics ont à prendre leur décision. Ça relèverait de leur responsabilité.
A. Chabot : Depuis le début de la campagne, on dit d’un côté, vous, il y a un choix de civilisation, dans la majorité sortante, on dit c’est un choix de société. Au fond, on a l’impression que les Français ont trouvé que cette campagne manquait un peu de souffle, d’envergure. On est à deux ans de l’an 2000 et on trouve cette campagne un peu technique. Que répondez-vous ?
L. Jospin : Je réponds que quand vous m’interrogez, vous m’interrogez sur le statut de France Télécom mais je pourrais dire aussi que vous interprétez peut-être la pensée des Français. On ne leur a pas faciliter les choses honnêtement. Une dissolution qu’ils n’ont pas comprise, une campagne extrêmement courte, trois ponts pendant cette campagne, pour un certain nombre de Français, ce n’était pas favoriser les meilleures conditions pour voter. Je crois que les Français sont en train, notamment les indécis, maintenant, à la sortie de ce pont de Pentecôte, de se concentrer sur le vote qui va venir dimanche, qu’ils auront l’occasion de s’exprimer. Nous leur proposons un pacte pour l’avenir, un pacte pour l’emploi, nos propositions sont connues, un pacte pour la jeunesse et l’avenir du pays, priorité à l’éducation, à la recherche, un pacte sur la qualité de la vie, prise en compte des problèmes quotidiens des gens, dans les logements, dans les quartiers dégradés, un pacte sur la sécurité des biens et des personnes mais aussi du toit, du logement social. Et je pense que c’est par rapport à cela, par rapport à ce pacte que nos 577 candidates et candidats proposent dans le pays, que les Français se détermineront. Donc, s’ils veulent changer de gouvernement, il faut qu’ils changent de majorité. S’ils ne veulent plus avoir Alain Juppé, il faut qu’ils changent de majorité et ils amorceront le changement qu’ils souhaitent vraiment. Ils ne peuvent le faire, à l’évidence, qu’avec nous.
B. Masure : Tout dernier mot : Alain Juppé en début de campagne avait dit que ce serait une campagne brutale et joyeuse. Côté brutal, on peut en discuter, est-ce qu’au moins, vous avez aperçu le côté joyeux ?
L. Jospin : Je n’ai pas eu l’impression qu’il l’a terminée de façon tout à fait joyeuse. Moi, je la poursuis comme je l’avais indiqué au début, de façon sereine, convaincue et donc j’espère aussi convaincante pour les Français. En tout cas, ce que je voudrais vous dire, c’est que si les Français nous font confiance, nous sommes prêts à agir.