Article de M. Jean-Michel Baylet, président du Parti radical socialiste, dans "La Revue politique et parlementaire" de novembre 1997, sur le projet gouvernemental sur la limitation du cumul des mandats, intitulé "Le Parti radical socialiste : deux mandats maximum".

Prononcé le 1er novembre 1997

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Média : Revue politique et parlementaire

Texte intégral

Le Premier ministre a décidé, conformément à ses engagements de campagne, de procéder à un certain nombre de réformes touchant à la fois les scrutins électoraux, le cumul des mandats et la place des femmes dans la vie politique.

Le Parti radical socialiste considère que le problème du cumul des mandats n'est qu'un aspect limité d'une question plus vaste qui touche à l'organisation de la République et au fonctionnement de notre démocratie.

Un débat agite toujours notre parti sur les mérites et les défauts de la Ve République. Pour ma part, je souhaiterais que cette législature soit mise à profit pour mettre sur les rails une profonde réforme constitutionnelle à présenter aux Français par référendum. Pour séduisantes qu'elles soient, les périodes de cohabitation montrent bien les limites du plein exercice de la démocratie dans le cadre rigide d'une constitution comme celle de 1958. Et je crois qu'un régime véritablement présidentiel serait le modèle le plus adapté, sachant que nos concitoyens sont viscéralement attachés à l'élection du président de la République au suffrage universel direct.

Un président, sans Premier ministre, donc chef de l'exécutif et patron de la majorité, avec un gouvernement sous son autorité directe, et même un vice-président élu en même temps et qui pourrait aussi avoir des responsabilités particulières dans l'Union européenne. Face à ce pouvoir présidentiel fort, un contre-pouvoir tout aussi puissant doit contribuer à l'équilibre. C'est le rôle du Parlement auquel il faut rendre son autorité.

Un Parlement fort, cela signifie la suppression du droit présidentiel de dissolution. Une démocratie équilibrée et pacifiée signifie aussi la disparition de l'article 49-3 et des moyens coercitifs que peut utiliser le pouvoir pour contraindre la majorité.

Car le Parlement doit être le creuset du débat démocratique, et je pense qu'il devrait élaborer le budget directement avec les services de l'État comme c'est le cas aux États-Unis. Concernant les élections, nous proposons que les Françaises et les Français choisissent le même jour, et pour une durée de cinq ans, le président et le vice-président, les députés et les sénateurs.

Le Parti radical socialiste est favorable à un renforcement de la législation sur le cumul des mandats sans toutefois souhaiter la restriction à un seul mandat.

En effet, le débat essentiel porte sur l'incompatibilité qu'il y aurait au fond à exercer un mandat national et un mandat local.

Dans les pays où la règle du non cumul est mise en œuvre, on ne peut que constater sa justification par l'existence de pouvoirs locaux forts, souvent inhérents à des structures de type fédéral, sans commune mesure avec la réalité française de la décentralisation, déléguant aux collectivités territoriales, notamment aux régions et aux départements, des compétences mineures. On ne peut donc comparer des situations très différentes.

Dans notre pays, encore très enraciné dans sa tradition jacobine et centralisatrice, l'essentiel du pouvoir reste concentré à Paris et il ne semble pas illégitime qu'un élu local trouve dans un mandat national le seul moyen efficace de faire entendre sa voix.

C'est aussi la raison pour laquelle les radicaux socialistes ne croient pas que le non cumul strict des mandats soit un remède valable aux dysfonctionnements de notre démocratie. Il est souvent reproché à un député de déserter l'Assemblée nationale pour passer trop de temps dans sa circonscription. Le député accomplit un travail de proximité, indispensable aussi à sa réélection, et qui présente le risque connu de dérive clientéliste.

Ce travers ne disparaîtra pas parce que l'on aura retiré au député son mandat de maire, de conseiller général ou de conseiller régional. Si l'on veut véritablement que le député légifère sans pression locale, il convient alors de réformer plutôt le mode d'élection à l'Assemblée nationale. Les radicaux socialistes sont favorables au scrutin proportionnel qui seul permettra au législateur de consacrer l'essentiel de son temps à son mandat national, en le libérant des contraintes pesant sur lui au plan local.

Concernant le cumul des mandats locaux entre eux, il n'est pas illégitime qu'un maire soit aussi conseiller général ou conseiller régional.

Si le Parti radical socialiste demande le maintien de la possibilité d'exercer deux mandats, il lui apparaît nécessaire de renforcer la législation, l'exercice d'un mandat exécutif local par un parlementaire restant autorisé.

Ses propositions sont les suivantes :
1. Cumul de deux mandats au maximum : un mandat national et un mandat local ou deux mandat, locaux.
2. Incompatibilité entre le mandat de député européen et tout autre mandat.
3. Suppression des seuils pour l'application aux maires de la législation sur le cumul. Les maires des communes de moins de 20 000 habitants seraient ainsi concernés par la règle des « deux mandats maximum ». En revanche, maintien d'un seuil pour les adjoints aux maires dont le mandat ne serait comptabilisé dans la règle du cumul que dans les communes de plus de 50 000 habitants.
4. Réduction de la durée de tous les mandats à cinq ans, y compris pour les sénateurs.
5. Modification du mode de scrutin des législatives en introduisant la proportionnelle, et du mode de scrutin des sénatoriales en instaurant un système mixte d'élection, pour moitié au scrutin direct et pour l'autre au scrutin indirect assurant ainsi la représentation des collectivités locales.