Interview de M. Patrick Devedjian, porte-parole du RPR et candidat à la présidence du RPR, à France 2 le 8 octobre 1999, sur sa campagne pour une "démocratisation profonde" du RPR, les attentats en Corse et le mouvement lycéen.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q - La Corse : E. Guigou sur le terrain aujourd'hui, deux explosions hier soir. Vous pensez que c'est une façon d'accueillir un ministre de la République ?

– “ Je crois que le Gouvernement a perdu toute crédibilité en Corse. Il a voulu instituer une police parallèle, qui avait la possibilité de commettre des actes illégaux. Le résultat c'est qu'il n'y a plus d'Etat de droit et que le terrorisme est ressuscité et s'embellit tous les jours. C'est une catastrophe.”

Q - Solutions ?

– “D'abord, je crois qu'il faudrait faire un référendum en Corse pour que l'on tranche sur la question de l'autonomie. Et puis ensuite, il faut être très rigoureux sur le respect de l'Etat de droit. Si l'on veut que les terroristes soient poursuivis et soient lâchés par la population, il faut que l'Etat soit irréprochable. Ce n'est pas ce qui a été fait malgré les engagements de L. Jospin, qui avait dit que son cabinet n'était pas mêlé à l'affaire Bonnet. On s'aperçoit de plus en plus qu'ils étaient au courant de tout ce qui se passait.”

Q - Oui mais il dit : “Ordre, fermeté” et ensuite “dialogue”. Dans ce sens il a peut-être raison quand même non ?

– “Oui, à condition d'être crédible ! Or ils ont perdu toute crédibilité. Maintenant ce qui vient de se passer, la conférence de presse en cagoule, – alors que vous vous souvenez combien M. Jospin avait “daubé” sur le précédent gouvernement qui avait eu à affronter la même difficulté – eh bien il est réduit, deux ans après, à une situation qui est pire que celle qu'il a trouvée. ”

Q - La conférence de presse sous le gouvernement Juppé était encore plus spectaculaire…

– “Vous savez, s'il s'agit de compter le nombre des armes… Vraiment on n'est pas dans une bonne situation, c'est le moins qu'on puisse dire !”

Q - Le mouvement des lycéens semble s'essouffler un peu – du moins quant au nombre de lycéens dans la rue –, pensez-vous que c'est parce que le Gouvernement est en train de mettre en place des mesures et qu'ils estiment que c'est moins nécessaire d'aller dans la rue ?

– “Le mouvement des lycéens c'est récurrent. Tous les ans pratiquement on en a un parce que le système de l'éducation nationale ne fonctionne pas. Il ne fonctionne pas parce qu'il est hypercentralisé et, en réalité, dirigé par les syndicats de l'Education nationale. Ce qu'il faudrait, c'est donner de l'autonomie aux chefs d'établissement ; c'est à eux de constituer leurs équipes pédagogiques ; c'est à eux d'être en charge des moyens dont ils ont besoin. Si on donne de l'autonomie on aura de la souplesse et on n'aura plus ces gigantesques manifestations. Chaque année, ça revient comme les saisons.”

Q - Et cela, vous le ferez en cas de retour au pouvoir ?

– “Bien entendu. Vous vous souvenez que J. Chirac avait proposé de faire un référendum sur l'éducation nationale. C'était une bonne idée. C'est le seul moyen de réformer cette gigantesque administration qui va tout droit vers la paralysie.”

Q - J. Chirac qui, en ce moment, intervient beaucoup et notamment à propos des 35 heures. Au Conseil des ministres il dit : “Il ne faut pas taxer les organismes sociaux.” Est-ce le rôle du Chef de l'Etat ?

– “Oui, c'est son rôle parce que le Président de la République est le gardien du fonctionnement des institutions, de leur bon fonctionnement. Or les 35 heures – qui coûtent, il faut le rappeler quand même, 110 milliards par an, une bagatelle ! C'est une catastrophe, ça coûte très cher ! – ces 110 milliards, une partie importante va être pompée sur la Sécurité sociale, sur l'Unedic. Ce sont les partenaires sociaux qui disposent de ces fonds, ce sont eux qui doivent en décider, or le Gouvernement a décidé, quoi qu'il arrive, que l'Unedic participerait au financement.”

Q - Si vous devenez président du RPR vous ferez remettre en cause les 35 heures ?

– “Ce n'est pas le président du RPR qui peut s'occuper de cela, c'est le rôle de l'Etat et c'est le rôle du Président de la République.”

Q - Il faut donc remettre en cause la loi, si vous revenez au pouvoir là aussi ?

– “Si nous revenons au pouvoir, nous instituerons la démocratie sociale. C'est-à-dire que les 35 heures cela regarde chaque entreprise pourquoi pas ? Peut-être même moins ou peut-être plus ? Simplement nous pensons que le système uniforme pour toutes les entreprises de France – la réglementation de la pause casse-croûte, de la même durée pour toute la France – c'est une folie.”

Q - Seillière est-il devenu le chef de l'opposition ?

– “Non je ne crois pas. Parce que je suis en désaccord avec Seillière sur beaucoup de choses, par exemple sur le financement des préretraites. Je pense que l'Etat n'a pas à financer les préretraites des entreprises qui distribuent des dividendes.”

Q - Vous êtes un des candidats actuels à la présidence du RPR – premier tour le 20 novembre, deuxième tour le 5 décembre –, qu'est-ce qui vous permet d'espérer d'aller jusqu'au bout, éventuellement de gagner ?

– “Je crois que la campagne que je fais correspond à certaines attentes. Je souhaite une vraie démocratisation du RPR, profonde. Et je fais campagne pour cette démocratisation. J'ai un peu peur aussi de la manière dont elle s'annonce, car nous avons une commission de contrôle des élections qui est très opaque, qui prend des décisions qu'elle ne publie pas, et qui change de décision tous les jours. Par exemple, hier, j'ai appris que F. Fillon s'était fait supprimer 500 de ses parrainages pour des raisons obscures, qu'on ne connaît pas, qui ne sont pas contrôlées. J'ai peur que la vieille culture autoritaire ne continue à avoir son importance.”

Q - Vous parlez de démocratisation et un de vos principaux adversaires, J.-P. Delevoye, a été président de l'Association des maires de France. C'est démocratique comme association, donc il en connaît un bout !

– “Oui, bien sûr. C'est démocratique et consensuel. C'est une association qui est cogérée avec [inaudible].”

Q - Et lui-même il ne représente pas un candidat de démocratie ?

– “Mais bien entendu, il n'y a aucun problème.”

Q - Les autres candidats vous les voyez comment ? Vous êtes prêt à les affronter dans des débats ? Lequel aimeriez-vous en premier ?

– “J'ai à la fois un accord sur le fonctionnement du RPR et un désaccord sur la politique du Président de la République, avec F. Fillon. Moi je soutiens la politique européenne du Président de la République, je suis en accord totale avec cette politique. F. Fillon est plutôt en désaccord.”

Q - Donc, il est plutôt souverainiste lui ?

– “Il est plutôt souverainiste.”

Q - Avez-vous voté pour le choix de Marianne ? Ce sont les maires de France qui ont choisi Laetitia Casta.

– “J'ai voté blanc parce que je trouve tout ceci dérisoire.”

Q - Le choix de Laetitia Casta vous inspire un commentaire ?

– “Ca me paraît un gadget, et franchement ce n'est pas là que se fait la politique des villes. Nous avons des problèmes beaucoup plus importants que ces questions de look.”