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Ouest-France : Vous participez ce soir à la nuit techno des Transmusicales. Une pratique habituelle pour vous ?
Catherine Trautmann : Habituelle, je ne peux pas le dire. Mais, je me suis toujours intéressée à cette forme de musique.
Ouest-France : Peut-on, selon vous, parler de culture techno ?
Catherine Trautmann : Elle est devenue pour les jeunes un mode de reconnaissance et d’expression important, comme ce fut le cas pour le rock. Attribuer à la musique techno toute une série de craintes et de reproches parce que c’est une musique jeune, c’est entretenir une forme de rupture et donner à ces concerts une dimension qu’ils n’ont pas.
Ouest-France : Si le ministère de la culture a toujours eu une attitude ouverte face aux soirées techno, celui de l’intérieur privilégie une démarche répressive. Une concertation entre les ministères concernés (santé, intérieur, jeunesse et sports) est-elle prévue ?
Catherine Trautmann : Il est important que les garanties pour la sécurité et la santé soient prises, pour la techno comme pour d’autres. On doit permettre au public d’accéder à ces concerts dans de bonnes conditions. Mais, il n’y a pas de raison de les présenter comme des moments particulièrement dangereux. La discussion existe dans ce sens-là avec le ministère de l’intérieur.
Ouest-France : Faut-il légiférer pour donner un cadre légal acceptable aux soirées techno et sortir d’une situation de quasi-prohibition ?
Catherine Trautmann : Quand ce dialogue existe et que les choses sont préparées, les concerts se passent dans de meilleures conditions. La législation actuelle est suffisante. Mais, il faut disposer du temps nécessaire avant les concerts pour prendre les bonnes décisions. S’il y a interdiction, elle doit être expliquée.
Ouest-France : Le statut d’organisateur de spectacle et le statut d’artiste doivent-ils être modifiés pour prendre en compte le développement de la techno ?
Déjà la SACEM a ouvert la possibilité pour le disc-jockey d’être reconnu comme auteur. La question est ouverte. Il faut la traiter avec nos interlocuteurs. Mais, il n’y a pas de règle spécifique pour la techno. Je souhaite avoir l’avis du Conseil national des professions du spectacle pour me déterminer.
Ouest-France : Les artistes français de musique techno s’exportent bien. Allez-vous prendre des mesures pour accompagner ce développement ?
Catherine Trautmann : L’accompagnement du ministère, c’est la participation aux outils existants comme le bureau d’export de la musique française. On soutient ce genre d’outils.
Ouest-France : Cette action touche aussi la chanson française pour développer la francophonie ?
Catherine Trautmann : Elle touche l’ensemble des musiques actuelles. C’est une nécessité. Quelqu’un comme Patricia Kaas représente une image de notre pays. Mais, il faut aussi la reconnaissance des auteurs et des compositeurs. Nous souhaitons rapprocher tous les professionnels de la filière, producteurs, distributeurs, etc. Il faut des disques, et le choix proposé au public n’est pas représentatif de la création d’aujourd’hui. C’est un vrai problème, et un enjeu culturel et économique.
Ouest-France : Le développement de la musique passe aussi par l’éducation.
Catherine Trautmann : L’enseignement doit prendre en compte l’initiation musicale beaucoup plus qu’il ne le fait aujourd’hui. Il faut que les jeunes en retirent satisfaction et fidélisation. D’où la nécessité de donner une tonalité un peu différente à ce qui est fait. Il y a une ouverture beaucoup plus grande à apporter au sein des conservatoires. En janvier, je vais installer une commission consultative des musiques actuelles pour structurer les réseaux.
Ouest-France : La Coupe du monde de football doit aussi être une vitrine du savoir-faire français. L’un des événements culturels sera le concert des trois ténors (Pavarotti, Domingo, Carreras) sur le Champ-de-Mars à Paris. Dans le même temps, des interprètes français vous ont écrit pour se plaindre d’être boudés par les programmateurs de concerts.
Catherine Trautmann : Ce concert n’est pas de mon ressort. Pour le reste, j’ai été un peu choquée. On ne peut pas envisager une carrière seulement dans l’hexagone. Je crains qu’on ne soit plus morose que ne le veut la réalité. Parfois, on invite des musiciens étrangers parce qu’ils sont moins chers, c’est vrai. Mais arrêtons de nous battre la coulpe et de dire que nous ne sommes pas bons.