Texte intégral
Monsieur le président, Monsieur le délégué aux arts plastiques, Mesdames et Messieurs, chers amis,
Nous célébrons aujourd’hui, à la Bibliothèque nationale de France, une rencontre heureuse. Celle qui va désormais se jouer ici entre l’art contemporain et l’écrit. Et, je voudrais vous dire, Monsieur le président, chers amis, combien ce rapprochement me réjouit et combien je souhaite, pour tous ceux chaque jour plus nombreux, me dit-on qui viennent et viendront s’approprier ce lieu, qu’il soit fécond, source de réflexion et de plaisir.
Le lieu lui-même invite à la rencontre. Ouvert sur la ville, l’architecture de la Bibliothèque nationale de France répond au vœu de Dominique Perrault : être « un art ouvert, rassembleur de tout ce qui est lié à l’histoire d’une époque ».
Le jury du prix d’architecture européenne Mies Van Der Rohe ne s’y est pas trompé, en choisissant, en juin dernier de distinguer la Bibliothèque nationale de France parmi 127 projets concurrents.
Nous disposons là d’un équipement culturel hors du commun. À la fois mémoire de la rue de Richelieu et emblème des technologies de l’information, la Bibliothèque nationale de France est certes un bâtiment, mais doit surtout être un lieu de vie, d’échange, où peut se reformuler le rapport du public aux œuvres et à la culture.
Le Président François Mitterrand l’a voulu ainsi. Depuis un an déjà nous fêtons aujourd’hui cet anniversaire – 2 000 places sont offertes à la lecture publique dans les salles du haut-de-jardin. Tout récemment, nous avons décidé d’ouvrir également ces salles à de plus jeunes lecteurs, dès l’âge de 16 ans.
Dans le domaine du livre, comme dans les autres, mon action est en effet guidée par le souci d’élargir l’accès à la culture au plus grand nombre, et notamment aux jeunes. Je recevais hier Toni Morrison, prix Nobel de littérature, qui me disait combien dans ses actions en faveur de la connaissance, du partage de la connaissance, elle travaille en direction des plus jeunes, favorise cette indispensable transmission.
Donner à un public que je souhaite le plus nombreux possible le goût et les moyens réels d’accéder à toutes les œuvres, de s’ouvrir à la création, telle est la vocation de l’action publique et ce qui, par essence, la différencie du secteur marchand.
Aussi, vous comprendrez l’importance que j’attache à l’inauguration de ce programme d’œuvres d’art contemporain réalisé grâce à la procédure du 1 % artistique et la commande publique. On ne saurait trop le rappeler : la création vivante est une richesse nationale, notre trésor commun qu’il s’agit de rendre plus proche, plus démocratique. Désormais, en allant à la rencontre du livre et de la lecture, le grand public et les chercheurs trouveront en chemin de nouveaux récits et de nouveaux voyages, une poétique visuelle, esthétique et sensible à la fois.
Roy Lichtenstein, disparu en septembre dernier. Louise Bourgeois. Jean-Pierre Bertrand, Gérard Garouste, Martial Raysse et Claude Viallat, sont les six artistes de notoriété internationale qui ont été choisis, en 1994, pour magnifier, structurer et enrichir les espaces intérieurs de la bibliothèque. Je tiens tout particulièrement à saluer et à remercier chaleureusement ceux d’entre eux qui nous font le plaisir d’être aujourd’hui avec nous.
Tous ces artistes, vous l’aurez remarqué, se sont attachés à créer des œuvres d’une échelle monumentale, en accord avec l’architecture d’un site qui assume lui-même l’art contemporain, son existence et ses exigences.
Il s’agit là d’une spécificité du 1 % artistique, qui associe étroitement les artistes à l’évolution du projet et permet de renouer, ainsi, avec une tradition fort ancienne, celle d’un dialogue entre les beaux-arts qu’il s’agit de préserver. Ces œuvres contemporaines s’affirment comme solidaires de ce lieu : mais, elles n’en conservent pas moins leur autonomie et leur statut spécifique. Denses, riches, plurielles, elles sont autant de témoignages de la qualité et de la diversité expressives qui caractérisent la création d’aujourd’hui, en France comme à l’étranger.
Leur installation dans ces lieux me paraît répondre, d’une manière très juste, à l’idée de la bibliothèque comme Grand livre ouvert et incarnation de l’encyclopédie universelle. Les œuvres d’art réintroduisent dans les feuillets l’icône en regard du texte, l’image en regard de l’écrit, accomplissant le souhait qui court depuis le Moyen-Âge d’une bibliothèque qui serait le lieu de « tous les savoirs du monde », comme l’annonçait l’exposition d’ouverture en décembre 1996.
Ainsi, pour les milliers de lecteurs qui pénètrent chaque jour dans la Bibliothèque nationale, ces créations originales ajouteront au quotidien le mieux voir au mieux lire, les incitant à lever la tête vers les rondeurs monumentales d’une sculpture, à tourner leur regard vers le rythme coloré d’une portée musicale, ou bien encore, vers ces figures allégoriques de la parole et de la lecture.
La commande que nous inaugurons aujourd’hui est exceptionnelle par la qualité des œuvres en présence et par le lieu dans lesquelles elles s’inscrivent. Mais, je voudrais le rappeler devant vous, le 1 % artistique est une mesure qui consiste à réserver obligatoirement, à l’occasion de la construction ou de l’extension de certains bâtiments publics, une part du budget d’investissement afin de commander une ou plusieurs œuvres d’art contemporain spécialement conçues pour ce lieu. Depuis 1983 et les lois de décentralisation, une partie de cette obligation a été transférée de l’État, c’est-à-dire des quinze ministères concernés, vers les collectivités locales, désormais maîtres d’ouvrage de nombreux bâtiments publics, comme les collèges, les lycées, ou encore les écoles de danse et de musique.
Vous le comprenez aisément, cet éclatement des compétences a donné lieu, au fil des années, à un certain nombre de difficultés. C’est pourquoi j’ai demandé à mes services d’étudier un projet de refonte des différents arrêtés et circulaires qui régissent actuellement l’application du 1 %. Un décret unique se trouve, d’ores et déjà, à l’étude. D’autre part, j’ai appelé les préfets et les directeurs régionaux des affaires culturelles à un meilleur dialogue avec les collectivités territoriales, afin que la mesure du 1 % artistique soit véritablement respectée et mieux mise en œuvre.
Partout en France, il existe un grand nombre de lieux de vie quotidiens susceptibles d’accueillir l’art contemporain, que ce soit par le biais du 1 % artistique, de la commande publique ou encore de la donation.
La Bibliothèque nationale de France me paraît être, de ce point de vue, un exemple à suivre. Il ne s’agit que d’une première étape. Dès aujourd’hui, la Bibliothèque nationale de France nous propose de nouer toujours davantage les plaisirs du livre et ceux de la découverte artistique. Je suis certaine que tous ceux qui viendront chercher ici la connaissance ou bien, tout simplement, un peu de silence, y seront sensibles.
Je vous remercie de votre attention.