Texte intégral
O. Mazerolle
Vous écrivez dans votre livre que le RPR a enfin découvert la démocratie interne à l’occasion de l’élection de son président. Cette démocratie interne doit-elle l’amener à régler le cas Tiberi ?
P. Devedjian
– « Bien entendu, cela commence même par là. Moi je dis depuis longtemps que nous avons un problème à Paris, qui est un problème de crédibilité, qui désespère nos militants et notre corps électoral dans la France entière et que sur Paris, nous devons rapidement mettre en place un processus démocratique de désignation par les adhérents d’une nouvelle tête de liste pour les prochaines élections municipales. Ceci nous donnera à ce moment là une dynamique.
O. Mazerolle
Alors F. Fillon, autre candidat à la présidence du RPR demande, lui, une procédure interne qui pourra aller jusqu’à l’exclusion de J. Tiberi.
P. Devedjian
– « Pour le moment, il y a un procès qui est en cours, le minimum de décence veut qu’on permette au moins à X. Tiberi de répondre aux accusations qui ont été prononcées hier contre elle, on verra après. Le problème il est d’abord politique. Pour nous, il s’agit à Paris de changer de tête de liste, parce qu’à tort ou à raison – je ne veux pas entrer dans les détails – celle-ci a semble t-il perdu tout crédibilité et nous pénalise. »
O. Mazerolle
Donc Tiberi n’est pas candidat ?
P. Devedjian
– « Moi je souhaite qu’il y en ait un autre, c’est clair. »
O. Mazerolle
Il peut rester maire ?
P. Devedjian
– « C’est sa conscience. Il est sûr et il doit bien comprendre qu’il ne rend pas service à ses convictions et aux idées qu’il défend. Je pense qu’il est engagé en politique comme tout le monde pour défendre des idées. Il comprend bien qu’il pénalise son camp aujourd’hui et c’est sa conscience de savoir dans quelles conditions il doit assumer sa charge. »
O. Mazerolle
Les conseillers municipaux RPR doivent le pousser à quitter sa charge ?
P. Devedjian
– « C’est un problème à régler entre eux. »
O. Mazerolle
Si vous êtes président du RPR ?
P. Devedjian
– « Si je suis président du RPR, j’engagerai immédiatement le processus de désignation d’une nouvelle tête de liste. »
O. Mazerolle
X. Dugoin a parlé hier de "prise en charge croisée des emplois fictifs". Beaucoup de gens, notamment à gauche disent, c’est tout un système qui est pointé du doigt.
P. Devedjian
– « Dans les exemples qui ont été donnés hier à l’audience, j’ai surtout vu des échanges d’avantages personnels. Je n’ai pas vu d’avantages croisés servant le RPR. »
O. Mazerolle
Vous voulez dire que si ce que dit X. Dugoin est exact, il s’agit d’enrichissement personnel pour X. Tiberi et pas de financement du RPR ?
P. Devedjian
– « Je ne veux pas faire le juge, ce n’est pas mon rôle. L’audience qui est en cours va certainement faire apparaître un certain nombre de vérités, c’est bien. Mais dans ce que j’ai entendu hier, les noms qui ont été cités et les personnes qui ont bénéficié d’avantages, elles les ont eus à titre personnel et pas du tout en raison de fonctions politiques. »
O. Mazerolle
A propos du système, est-ce qu’en tant que président du RPR si vous étiez élu, vous iriez jusqu’à gratter jusqu’au fond du fond pour savoir la vérité ?
P. Devedjian
– « Le système maintenant est périmé. Nous sommes en train de payer les erreurs du passé, le changement de système… »
O. Mazerolle
Il a existé donc !
P. Devedjian
– « Il a existé un certain nombre d’anomalies, c’est évident, comme dans tous les partis politiques. »
O. Mazerolle
Vous écrivez dans votre livre que la droite peut gagner, qu’elle est en position de gagner, mais elle peut le faire, sans montrer à l’évidence à toute l’opinion publique et à tous les électeurs qu’elle est allée au bout pour nettoyer totalement ces pratiques.
P. Devedjian
– « Elle doit nettoyer les écuries d’Augias, ça il n’y a aucun doute. »
O. Mazerolle
Mais encore faut-il le montrer !
P. Devedjian
– « Bien sûr, il faut changer un certain nombre d’hommes politiques qui ont mauvaise réputation. Les hommes politiques d’une certaine manière, ils doivent être crédibles et pour être crédibles, il faut que dans leur vie personnelle, par l’exemplarité de leur comportement, ils donnent de la crédibilité à la fonction politique. »
O. Mazerolle
Vous dites vie personnelle, vous ne parlez pas du financement du parti.
P. Devedjian
– « Je dis dans sa vie personnelle. Un homme politique est quelqu’un qui est en vu et il doit avoir une conduite personnelle, qui sur le plan moral ne donne pas lieu à des soupçons. »
O. Mazerolle
C’est autre chose que le financement des partis politiques.
P. Devedjian
– « Le financement des partis politiques, je crois que depuis la mise en place du financement public, les partis politiques devraient maintenant être à l’abri des mauvaises manières qui ont été utilisées pendant de nombreuses années. »
Et pour le passé ?
– « Pour le passé, on le purge, plutôt mal que bien, mais il faut le purger rapidement. »
O. Mazerolle
Comment ?
P. Devedjian
– « En mettant à l’écart ceux dont la réputation a été entachée par ces pratiques et en laissant la justice poursuivre son cours. »
O. Mazerolle
Dans votre livre, vous dites que la droite peut gagner, surtout parce qu’elle est beaucoup plus en conformité avec l’époque que la gauche.
P. Devedjian
– « Oui, cela vous étonne ! Nous avons une gauche qui est totalement archaïque. Le socialisme c’est quoi ? C’est l’obsession de réglementer toutes les choses de la vie quotidienne. On le voit avec le gouvernement qu’on a. Maintenant, on est en train de réglementer la durée de la pause casse-croûte dans les usines, dans toutes les usines de France. On veut avec le Pacs réglementer la sexualité de chaque individu ; il va falloir faire des déclarations pour dire quel est le choix sexuel des gens. C’est évidemment quelque chose qui est complètement dépassé. Parce que nous vivons aujourd’hui dans un espace qui est mondialisé, dans un espace qui est européen où les règles qui s’appliquent ne se limitent pas à une seule nation. Et donc le socialisme qui veut réglementer dans le cadre national est dépassé par les phénomènes internationaux. »
O. Mazerolle
Vous dites, il faut faire primer l’individu sur le collectif, mais l’individu c’est la loi du plus fort !
P. Devedjian
– « Non, au contraire. L’individu, qu’est-ce qu’il demande aujourd’hui ? Il demande de la liberté dans sa sphère, dans sa vie privée, dans son autonomie personnelle, il demande de la liberté. Quel est le rôle de l’Etat ? C’est de protéger cela, c’est de permettre cela. La loi du plus fort c’est quand il n’y a pas d’Etat. Mais quand il y a un Etat et quand le but de l’Etat, c’est d’instituer la liberté. La liberté, contrairement à ce que disent certains extrémistes, elle ne naît pas du laisser-faire ou du laisser-aller. La liberté naît de la protection de l’Etat, si l’Etat se le fixe comme but. Et, justement, les socialistes ne fixent par la liberté comme but de l’Etat ; ils fixent l’égalité et l’égalité nous en avons beaucoup, mais cela conduit à beaucoup de réglementations. Il faut ne jamais perdre de vue l’égalité. Mais la priorité, c’est la liberté et c’est la droite qui est porteur de ça, et seulement la droite, parce que cela correspond à l’aspiration des individus, de plus en plus. Vous le voyez d’ailleurs dans le cadre de leur vie privée, ils demandent plus de liberté. »
O. Mazerolle
Quand vous dites que la droite a une mission, c’est convaincre que la mondialisation est une chance, il y a du travail à faire. Quand on voit par exemple que c’est au nom de la mondialisation que Michelin supprime des emplois.
P. Devedjian
– « Non, ce n’est pas au nom de la mondialisation, c’est au nom de la concurrence, parce que Michelin, il y a une chose qui est très facile pour lui, c’est de laisser péricliter ses usines françaises, une entreprise qui a des usines dans le monde entier, et de les développer ailleurs. Or ce dont nous avons besoin aujourd’hui c’est d’emplois qui se créent en France et pour avoir des emplois qui se créent en France, il faut que nous soyons concurrentiels sur le plan mondial. »
O. Mazerolle
Mais en quoi la mondialisation est-elle une chance ?
P. Devedjian
– « La mondialisation est une chance pour la France, parce que la France exporte 25 % de ce qu’elle produit. La France a une vocation internationale. Par exemple, c’est nous qui avons inventé les droits de l’homme à vocation universelle, c’est la France. Et donc, nous comprenons le monde, beaucoup plus que d’autres pays qui ont souvent été renfermés sur eux-mêmes. »
O. Mazerolle
Quand vous dites que la gauche veut étouffer sous un excès de réglementations, qu’elle est marquée par le communisme, ce n’est pas ce que l’on voit ; L. Jospin, il ouvre le capital, il privatise.
P. Devedjian
– « Il privatise mais en même temps il réglemente et il réglemente continuellement. J’ai entendu M. Hollinger il y a quelques secondes. Il vous a expliqué combien le code général des impôts, combien le code du travail étaient devenus inexplicables, incompréhensibles pour la plupart des Français par excès de réglementations. Notre pays crève de l’excès de réglementations et cette aspiration justement à une simplification de la vie quotidienne, à une meilleure lecture de l’organisation de la société, c’est par définition une vocation individualiste et c’est la droite qui est porteur de l’individualisme. »