Interview de Mr. Jean-Luc Cazettes, président de la CFE CGC, dans "Les Echos" du 10 novembre 1999, sur le second projet de loi de réduction du temps de travail et notamment le problème des cadres non dirigeants, la préparation d'une manifestation à ce sujet avec la CGT, les négociations entre le gouvernement et les représentants syndicaux, et la menace d'un recours devant une juridiction européenne en cas de désaccord.

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LES ECHOS
La semaine dernière, vous avez publié une déclaration commune sur les cadres avec la CGT, FO et la CFTC. Aujourd’hui, vous appelez à manifester le 24 novembre avec la seule CGT. C’est assez inédit ?

Jean-Luc Cazettes
Je n’ai aucun état d’âme. Pour l’instant, l’initiative est prévue avec la CGT. Mais je pense que d’autres centrales nous rejoindront. J’ai bon espoir pour la CFTC, qui est simplement dans la période de préparation de son congrès la semaine prochaine. J’attends une réponse de Force ouvrière. La CFDT n’ira pas avec nous parce qu’elle est en totale opposition avec notre démarche, depuis le début.

LES ECHOS
Martine Aubry a indiqué, le week-end dernier, qu’elle ne modifierait pas son texte. Comment comptez-vous la convaincre ou la contraindre à le faire en seconde lecture à l’Assemblée ?

Jean-Luc Cazettes
Il y a clairement eu un lobbying des chefs d’entreprise visant à éviter les contrôles des inspecteurs du travail. Martine Aubry s’est calée sur leurs thèses. Je ne vois pas d’autre explication au revirement du gouvernement au début de l’été entre la première et la seconde version de son projet de loi sur les 35 heures. Le nombre de jours maximum travaillés est passé de 222 à 217 jours par an : cela, c’est l’apparence. La réalité, c’est que les limites horaires journalières ou hebdomadaires ont disparu. Quand il n’y a plus de borne, tout est permis. Qui empêchera les entreprises de contraindre les cadres à travailler 13 heures par jour, soit 2 821 heures par an ? Personne. C’est une véritable régression. J’ai eu l’impression, quand j’ai rencontré Lionel Jospin il y a quelques semaines, qu’il entendait nos arguments. Mais il y a visiblement un blocage de Martine Aubry sur ce point. Nous continuerons à nous battre. Je suis certain que des parlementaires soulèveront la question de la discrimination entre les salariés qui passent aux 35 heures et les cadres devant le Conseil constitutionnel. Si cela ne suffit pas, j’irai devant les juridictions européennes. Le sujet est très politique et le restera.

LES ECHOS
Le gouvernement a renoncé à financer les allégements de charges patronales par des prélèvements sur la Sécurité sociale et l’Unedic. Mais le climat reste tendu entre l’Etat et le Medef, qui exige la validation des accords de branche que vous avez, pour un bon nombre, signés. Qu’en pensez-vous ?

Jean-Luc Cazettes
Il faut que le gouvernement accepte un délai. Le patronat demande que les accords de branche puissent être appliqués pendant cinq ans. Les pouvoirs publics devrait se rapprocher de deux ans. Il faut qu’ils comprennent que la loi sur les 35 heures ne pourra pas s’appliquer avec une hostilité complète des milieux patronaux. Pour l’instant, Martine Aubry n’est pas prête à aller dans ce sens.