Texte intégral
La cohabitation s’invite dans la campagne
Europe : ping-pong entre droite et gauche
Au Lendemain de la mise en garde de Jacques Chirac contre une éventuelle cohabitation, droite et gauche ont passé hier la journée à échanger sur ce thème. La première en dramatisant la conséquences d’une victoire de l’opposition, notamment sur la politique européenne. La seconde en minimisant les conséquences d’une troisième cohabitation, après les deux imposées à François Mitterrand. De part et d’autre, on s’efforce aussi de mobilier. De part et d’autre, on s’efforce aussi de mobiliser. Lionel Jospin fixe à 30 % le pourcentage permettant une victoire du PS. Tandis que le gaulliste Jacques Toubon annonce un scrutin « serré » et dit qu’il serait bien « imprudent » pour le RPR et l’UDF « d’être farauds et triomphalistes ».
Un sondage publié fin avril a confirmé que 60 % des Français étaient « favorables à une cohabitation entre le président Jacques Chirac et un Premier ministre de gauche », alors que 33 % y étaient opposés. La même enquête réalisée dans les états-majors de la droite donnerait 100 % contre !
Dans la foulée de Jacques Chirac qui, mardi soir, a souligné la nécessité pour la France d’être « capable de parler d’une seule voix » sur la scène européenne, tous les leaders de l’actuelle majorité font de la cohabitation un épouvantail. Alain Juppé y voit la promesse d’un « cafouillage en Europe ». Patrick Stefanini, secrétaire général adjoint du RPR, dénonce « un attelage bancal qui priverait Jacques Chirac des moyens d’agir ». Hervé de Charette, le ministre UDF des affaires étrangères, insiste sur « les risques d’affaiblissement de la France », tandis que François Bayrou, son collègue de l’éducation, juge que cela serait « un mauvais système pour la France ». Philippe Douste-Blazy, le ministre de la culture, dénonce une incohérence. « Je suis désolé, dit-il, « mais qu’on ne me fasse pas croire qu’avec des ministres communistes et chevènementistes, qui sont anti-européens, le Premier ministre Jospin pourrait faire une politique européenne d’une même voix avec Jacques Chirac ».
« Dans l’autre sens »
À gauche, on dédramatise. Pour Lionel Jospin, « personne ne peut faire pression sur le peuple français ». De plus, « il n’y aura pas de crise avec nos voisins européens car les 2/3 sont dirigés par des sociaux-démocrates ou des socialistes. Bien des gouvernements en Europe seraient heureux qu’un socialiste dirige un gouvernement en France. » Lionel Jospin estime aussi « un peu curieuse la conception de la démocratie » de Jacques Chirac : « Il n’était pas obligé de dissoudre et maintenant il dit aux Français : vous n’avez qu’un seul choix possible ».
Élisabeth Guigou, qui a vu François Mitterrand s’accommoder de Jacques Chirac à Matignon (1986-1998) puis d’Édouard Balladur (1993-1995), ne « saisit pas pourquoi la cohabitation aurait fonctionné de façon satisfaisante dans un sens et pourquoi elle ne le pourrait pas dans l’autre ». Laurent Fabius reprend ce que disait Jacques Chirac en février 1986 : « Il n’est pas nécessaire de changer de président pour changer de politique ». Ou encore François Léotard, à la veille de la première cohabitation : « Le président doit tenir compte du vote populaire, le Premier ministre viendra de l’opposition si celle-ci et majoritaire ».
Martine Aubry (PS) renchérit en évoquant les positions de Jacques Chirac sur l’Europe sociale : « Si ses discours pouvaient entrer en pratique grâce à nous, le président de la République devrait remercier Lionel Jospin de lui permettre de réaliser enfin ce qu’il dit ». De son côté, Jack Lang note que « l’Europe a été renforcée sous les périodes de cohabitation. »
Enfin pour Robert Hue (PCF), « Jacques Chirac confond visiblement l’intérêt de la France avec l’intérêt de la droite ».
Les priorités d’Alain Juppé
« Le débat que le président de la République a ouvert devant les Français est l’occasion d’un véritable choix de société. C’est bien cela qui est en cause, malgré toutes les petites phrases et les invectives, que je déplore. Pour susciter l’intérêt des Français, pour créer ce nouvel élan dont la France a besoin, parlons donc de vrais choix, car notre projet diverge fondamentalement d’avec celui des socialistes et de leurs alliés communistes.
Derrière les oppositions classiques entre socialisme et libéralisme, gauche et droite, il y a en fait quelques idées simples.
La première est que, pour nous, il n’y a pas de progrès social sans réussite économique. C’est pourquoi nous plaçons notre ambition sous le signe de l’initiative et de partage.
L’ouverture de l’économie au monde offre des chances considérables aux pays capables de s’adapter à la nouvelle donne. Elle condamne en revanche à la régression économique et sociale ceux qui ne savent pas sortir des vieux schémas, à commencer par le schéma bureaucratique si cher aux socialistes et aux communistes. C’est un point de divergence fondamentale entre notre majorité et ceux qui, une fois de plus, attendent tout de l’État. Voilà un vrai enjeu de société que les Français auront à trancher. La vérité est que l’État doit s’alléger dans certains domaines pour mieux renforcer sa présence dans d’autres, et exercer son autorité avec efficacité dans l’application de la loi. Les socialistes et les communistes, de leur côté, proclament à l’unisson que l’État doit renforcer son poids et son volume sans discernement ! Nous touchons là un clivage qui oppose deux conceptions de la société.
Pour nous, c’est l’initiative individuelle et l’esprit d’entreprise qui sont le seul moteur de l’économie et donc de la création d’emplois. La création directe par l’État de richesses et d’emplois est un leurre, parce que la relance ainsi créée n’est qu’un feu de paille. Pire, cette politique saperait la capacité de notre économie à créer des emplois durables, par les charges qu’elle ferait peser sur les entrepreneurs et les impôts qu’elle ferait payer aux contribuables, c’est-à-dire aux citoyens. Nous voulons au contraire la baisse des charges et des impôts.
Lorsque nous répétons qu’il fait réduire le poids de la dépense publique, il s’agit d’une absolue nécessitée dans la compétition internationale. Ceci est vrai avec ou sans Maastricht, avec ou sans critères de convergence. C’est la condition de la croissance et donc de l’emploi. Écrasée au contraire sous le poids d’un endettement accru du fait des mesures irresponsables que prendraient les alliés socialistes et communistes, la France se ferait irrémédiablement semer par ses concurrents et marginaliser en Europe.
Quand nous revendiquons la modernité contre les solutions d’un autre siècle que préconisent socialistes et communistes. La société que nous voulons est une société de partage, c’est aussi une société de solidarité. Le fruit des richesses nouvelles produites par la libération des initiatives et le seul moyen de préserver et de renforcer notre modèle sociale et notre cohésion. C’est l’ambition qua fixée Jacques Chirac : l’esprit de conquête et la réduction de la fracture sociale.
Une telle ambition nécessite un nouvel élan, et c’est pour cela que j’ai insisté sur l’importance des quarante jours puis des six mois qui suivront l’élection. Une nouvelle équipe gouvernementale aura en effet l’élan nécessaire pour ouvrir et mettre en œuvre les grands chantiers que sont la décentralisation, le statut de la toute petite entreprise, l’école de la deuxième chance et le temps choisi.
Alors oui, faisons avec Jacques Chirac le choix de la jeunesse et de la modernité contre les recettes du passé. C’est ainsi que nous bâtirons une France fraternelle, une économie qui crée davantage d’emplois, une société qui rende espoir et confiance aux jeunes générations, où tous les citoyens retrouvent le sens de leurs responsabilités dans une solidarité dans une solidarité renouvelée. »