Interview de M. Alain Madelin, vice-président du PR, dans "Paris-Match" du 30 avril 1997, sur les enjeux des élections législatives de 1997 et la nécessité d'une politique libérale (décentralisation, aides aux PME et créations d'entreprises).

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Circonstance : Annonce par le Président Chirac le 21 avril 1997 de la dissolution de l'Assemblée nationale

Média : Paris Match

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Paris Match : Quoi de neuf dans le discours de Jacques Chirac ? Le Président de la République ne reprend-il pas son programme électoral de 1995, celui qu’il n’a pas appliqué, raison pour laquelle vous avez quitté le gouvernement d’Alain Juppé ?

Alain Madelin : Le Président de la République annonce aujourd’hui un tournant : une réforme de l’État, la libération de l’esprit d’entreprises, des initiatives locales, la baisse des impôts. Ce sont tous mes thèmes depuis longtemps. Ils ont été, c’est vrai, au cœur de la dernière campagne présidentielle. Je reste fidèle à cette orientation. Il y avait deux axes dans la campagne de Jacques Chirac : une remise en ordre de nos finances publiques, et une promesse de libération des énergies et des forces vives du pays. Ces deux politiques n’ont pu être menées de front, comme je le souhaitais. Je suis parti du gouvernement. On ne refait pas le passé. Depuis, tout le monde constate que la priorité donnée par le gouvernement à la rigueur budgétaire trouve ses limites.

Paris Match : Avez-vous senti dans l’intervention du chef de l’État l’appel à un électrochoc libéral dont on vous dit partisan ?

Alain Madelin : La France a besoin d’une politique libérale. C’est celle du modernisme, du bon sens, celle qui est mise en œuvre partout dans le monde. En Allemagne par les chrétiens-démocrates et les libéraux, en Hollande par les sociaux-démocrates et les libéraux. En Angleterre, c’est aussi une politique libérale qui est proposée par les travaillistes.

Paris Match : Quelles sont les trois premières mesures chocs que devrait prendre selon vous un gouvernement libéral ?

Alain Madelin : Avant tout, il faut franchir un grand pas dans la décentralisation. Les problèmes ne peuvent plus être réglés d’en haut, depuis les bureaux parisiens. Il faut aussi un train de mesures pour favoriser la création d’entreprises et les investissements dans les PME. Nous pouvons nous fixer comme objectif la création de 1 million de petites entreprises d’ici à l’an 2000. Cela suppose de débloquer de l’argent et de mettre en place des formalités beaucoup plus simples. Mieux vaut donner son argent à un entrepreneur plutôt qu’au percepteur pour qu’il l’engloutisse dans le Crédit lyonnais. Enfin, libérons le travail : entre l’extrême rigidité de beaucoup de contrats et de statuts et l’extrême précarité d’une multitude d’emplois, il y a un espace pour la liberté contractuelle et la négociation.

Paris Match : Vous êtes un ardent partisan de la baisse des dépenses publiques et du nombre des fonctionnaires : un gouvernement libéral doit-il aller plus vite et plus fort ?

Alain Madelin : Cessons de jouer les épouvantails. Déjà, Pierre Bérégovoy demandait moins de fonctionnaires, mieux payés : ce sont des propositions de bon sens que toute l’Europe a adoptées. Mais attention à ne pas identifier une politique libérale à une politique de rigueur budgétaire. On atteint aujourd’hui l’extrême limite des coupes budgétaires. Si on veut dépenser moins, il faut dépenser autrement et réformer l’État. À mon sens, une politique libérale passe davantage aujourd’hui par la croissance de richesse nationale que par une diminution aveugle des dépenses. Une politique libérale, c’est une politique de forte croissance et de vigueur.

Paris Match : Vous êtes un fervent partisan de l’Europe. Est-ce que la mise en œuvre justifie un nouveau programme de rigueur pour les Français ?

Alain Madelin : Si les élections législatives devaient déboucher sur un tour de vis de rigueur budgétaire pour forcer la marche de l’euro, ce serait une erreur grave Pour réussir l’euro, il faut entreprendre des réformes de structure, comme partout en Europe.

Paris Match. – Êtes-vous prêt à entrer dans le prochain gouvernement, y compris s’il est dirigé par Alain Juppé. À quel poste et avec quelles garanties ?

Alain Madelin : Je ne me pose pas la question ? J’essaie de faire avancer la politique que je crois bonne pour le pays. Après, on verra.

Paris Match : Souhaiteriez-vous être ministre de la réforme ?

Alain Madelin : Le ministère de la réforme n’existe pas. Le vrai ministre de la réforme, c’est le Premier ministre.