Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre mer, sur la valorisation du rhum de la Martinique, la filière rhum des Antilles et l'évolution de ses conditions d'exploitation et de mise sur le marché communautaire, Paris le 3 décembre 1997.

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Circonstance : Cérémonie de lancement de l'AOC "Rhum de la Martinique" à Paris le 3 décembre 1997

Texte intégral

Monsieur le ministre, Monsieur le président du CODERUM, Mesdames, Messieurs,

C’est avec grand plaisir que je participe ce soir à cette sympathique cérémonie de lancement de l’appellation d’origine contrôlée « rhum de la Martinique ».

Comme l’a souligné Monsieur le président Bourdillon, ce lancement constitue un événement exceptionnel et même une première puisque le rhum de la Martinique est la première production agricole des départements d’outre-mer à se voir ainsi décerner une appellation d’origine contrôlée.

Nous célébrons ce soir une démarche lancée il y a une quinzaine d’années et qui s’est matérialisée par des efforts importants de la profession rhumière et de l’administration en termes à la fois juridiques, financiers et techniques.

Cet effort était absolument nécessaire, car si le rhum de la Martinique doit consolider son image de qualité, c’est bien que les conditions de production et de commercialisation de ce produit vont nécessairement évoluer dans les prochaines années.

Je sais combien, outre-mer, le rhum agricole est synonyme de rencontres amicales, de convivialité et de chaleur.

Je connais toute l’importance du « cérémonial » du « Ti punch » dans les familles et les chauvinismes sympathiques (et, pour tout dire, pas véritablement sérieux !) entre les zones d’origine.

L’image du rhum agricole de la Martinique est indissociable de la diversité martiniquaise, de l’art de vivre des Antilles françaises avec ses traditions d’accueil. Les récentes campagnes de promotion du rhum traditionnel en métropole ont souligné ce lien.

Mais il était nécessaire, et les professionnels de la filière l’ont bien compris depuis plusieurs années, de dépasser cette image de « carte postale » et de valoriser le rhum agricole de la Martinique pour sa valeur intrinsèque, c’est-à-dire sa très haute qualité.

Il est indispensable que l’appellation d’origine contrôlée que nous célébrons aujourd’hui contribue à cette démarche et à cette image de qualité.

On observe souvent, en métropole, une méconnaissance assez grande du rhum agricole. Les consommateurs ne font pas la distinction entre le rhum industriel, issu de la distillation de la mélasse, et les rhums agricoles, issus du jus de canne fermenté.

L’appellation d’origine contrôlée « Rhum agricole de la Martinique » va permettre, j’en suis sûr, de faire évoluer cette situation. Elle doit, dans un premier temps, améliorer la perception du rhum vieux par les consommateurs, et le faire considérer à parité avec les cognacs et autres armagnacs comme un produit de haut de gamme, un produit exceptionnel, voire un produit de luxe.

Pour le rhum blanc agricole, il me paraît déterminant que cette appellation d’origine contrôlée permette de distinguer les productions martiniquaises et plus largement des Antilles françaises, d’autres produits, issus de processus industriels.

Cette évolution, que l’AOC anticipe, est rendue d’autant plus nécessaire que la filière « rhum » est significative en termes d’emplois aux Antilles. De plus, ses conditions d’exploitation et de mise sur le marché communautaire vont certainement évoluer d’ici deux à trois ans.

La production et la commercialisation du rhum agricole traditionnel des Antilles françaises représente un nombre significatif d’emplois :

- près de 900 emplois directs et indirects en Guadeloupe ;
- près de 1 600 en Martinique.

Ces emplois concernent des activités très diversifiées, depuis les travaux agricoles jusqu’au négoce, en passant par une étape de transformation en distillerie. Ces emplois ont aussi la caractéristique de concerner pratiquement tous les niveaux de qualification.

Enfin, pour la Guadeloupe un peu plus que pour la Martinique, la filière rhumière fournit un complément d’activité et de rémunération déterminant dans la filière cannière et sucrière.

En cela, la filière rhum est un élément de stabilité de l’économie locale et d’entretien du paysage en contribuant à maintenir la sole cannière.

La profession rhumière traditionnelle va connaître des échéances significatives dans un futur proche.

En l’an 2000, à l’issue de l’actuelle convention de Lomé, le rhum traditionnel originaire des États ACP sera décontingenté sur le marché communautaire. C’est un facteur supplémentaire de concurrence qui va apparaître.

L’an 2002 verra également l’échéance du régime fiscal préférentiel actuel, qui sera renégocié au niveau communautaire.

Enfin, en 2003, c’est l’ensemble du marché des spiritueux qui devrait être libéralisé, avec une difficulté à résoudre quant à la définition douanière communautaire et internationale du rhum.

Ces trois échéances, nous les préparons ensemble et c’est la raison pour laquelle j’ai présidé, il y a quelques semaines, une réunion avec le Comité interprofessionnel du rhum traditionnel des DOM. À la suite de cette rencontre, un groupe de travail mixte s’est mis en place, il se réunit régulièrement et je suis personnellement informé de ses travaux.

Le contexte commercial présent, comme le contexte fiscal et commercial futur du rhum agricole de la Martinique et des Antilles françaises, justifie pleinement qu’une démarche de qualité et d’image ait été engagée au travers d’une appellation d’origine contrôlée.

Il est, bien entendu, prématuré, de vouloir dresser un premier bilan de cette AOC, alors qu’elle n’est en place que depuis quelques semaines et que la cérémonie d’aujourd’hui est là pour la présenter officiellement.

Néanmoins, les données chiffrées qui m’ont été communiquées indiquent que le marché du rhum agricole de la Martinique ne subit pas la dépression observée actuellement sur le marché des boissons spiritueuses. Au contraire, les stocks de rhum blanc agricole sont au plus bas, au point que les producteurs envisagent un début de campagne anticipé en 1998.

Cette situation montre l’impact du travail rigoureux et du dynamisme dont la profession a su faire preuve au cours de ces quinze dernières années pour accéder à l’AOC.

Je ne doute pas que cette démarche d’image et de qualité sera rapidement bénéfique à votre activité et qu’elle montrera l’exemple, pour bien des productions agricoles des DOM : une bonne image de marque, une technique maîtrisée, une qualité de haut niveau, voilà l’un des moyens pour assurer à la production agricole ultramarine une approche favorable du marché européen.

Je conclurai mon propos, Monsieur le ministre, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs, en émettant l’espoir d’un rendez-vous proche qui nous permettrait de lancer d’autres appellations d’origine contrôlée dans les départements d’outre-mer, qu’il s’agisse, bien entendu, du rhum ou d’autres produits traditionnels.

Je vous remercie.