Texte intégral
G. Morin
La catastrophe ferroviaire de Grande-Bretagne. On sait que les communistes en particulier sont très attachés au chemin de fer national. Avez-vous une réaction à ce qui se passe en Grande-Bretagne actuellement ?
A. Bocquet
— « D'abord je voudrais évidemment dire notre peine avec ce drame: affreux qui touche nos amis de Grande-Bretagne. Je pense qu'il y a là une réalité évidente, c'est que la recherche du profit financier – puisque vous savez que la société nationale de Grande-Bretagne a été privatisée, éclatée en 100 sociétés – peut conduire à ces drames. Je pense que la question de la sécurité est très liée à la notion de service public. Et c'est la raison pour laquelle nous défendons, quant à nous, bec et ongle, notre entreprise nationale, la SNCF, avec tout ce que cela représente comme atout pour assurer la sécurité du public. »
G. Morin
Cela peut-il vous amener à prendre des initiatives à ce sujet pour la France ?
A. Bocquet
— « Nous sommes déjà depuis longtemps, notamment à l'Assemblée nationale, à l'initiative... Et je crois qu'on peut saluer les efforts de notre ministre des transports, mon ami J.-C. Gayssot, qui, dans ce sens, veille justement à protéger la notion de service public à la SNCF et a fait des efforts – et continuera à en faire – pour assurer la sécurité des usagers. »
G. Morin
La seconde loi Aubry sur les 35 heures, en discussion actuellement l'Assemblée nationale : il y a des réticences au Parti communiste. Est-ce que les avancées que laisse entendre M. Aubry vous rendent un peu plus optimiste quant à pouvoir voter en première lecture ?
A. Bocquet
— « M. Aubry a dit qu'elle était ouverte à la discussion. C'est ce qui va se passer dans le débat pendant une dizaine de jours à l'Assemblée nationale. Nous avons, pour notre part, déposé une centaine d'amendements. Ils ne sont pas tous d'égale importance. Je résume notre position : nous pensons que, quand on donne 110 milliards aux entreprises pour la loi des 35 heures - loi pour laquelle nous avons milité pendant tant d’années - il faut qu'il y ait comme condition la création d'emplois. Or cette notion a été retirée de ce second texte. Nous pensons qu'il faut la réintroduire dans le texte. Cela me parait une question de bon sens. On ne peut pas donner de l'argent au patronat puis ne pas avoir la garantie que les emplois soient créés. »
G. Morin
J. le Garrec disait hier, ici même : « On ne peut pas tout quantifier, on .ne peut pas mettre un chiffre précis. » Vous, vous voudriez un chiffre de créations d'emplois en face de ces aides ?
A. Bocquet
— « Dans la première loi, il y avait la notion de 10 % de réduction du temps de travail égal a 6 % de créations d'emplois, approximativement. La question de fond est : peut-on donner de l'argent des contribuables au patronat sans lui mettre comme condition, avec la loi des 35 heures, de créer des emplois ? C'est impensable, inimaginable ! Je pense que la, il y a dans la loi, des choses à introduire qui donnent quand même des atouts pour la création d'emplois. Sinon, cela posera des problèmes de financement. S'il n'y a pas de créations d'emplois il n'y a pas en retour les cotisations sociales, qui est un débat à l'ordre du jour. La deuxième question c'est qu'il faut du vrai temps Libre. »
G. Morin
Le Président de la République a fait remarquer qu'il ne fallait pas prendre de l'argent à la Sécurité sociale, notamment pour financer les mesures en direction des 35 heures. Vous êtes du même avis que lui ?
A. Bocquet
— « Ce n'est pas parce que le Président de la République à donné cette indication que nous sommes d'accord avec lui. Nous l'avons dit déjà depuis le début et nous avons même des amendements dans ce sens, dans ce débat parlementaire. Nous ne pensons pas légitime de prendre l'argent de l'Unedic — donc l'argent des chômeurs — pour financer les 35 heures. Pourquoi ne pas s'en prendre plutôt aux profits financiers qui sont dans certains cas fabuleux dans notre pays ? C'est ce que nous pensons faire comme proposition dans le débat sur le budget 2000 par exemple. »
G. Morin
Les Verts, eux, semblent dire qu'il y a de quoi maintenant accepter ce projet de loi. A quel moment, vous, direz-vous que c'est votable ?
A. Bocquet
— « Le vote solennel a lieu le 19 octobre prochain. D'ici la, ii y aura de la discussion, des débats, et de l'eau qui coulera sous les ponts de la Seine. Je pense qu'en l'état actuel, la loi n'est pas conforme à notre souhait et surtout au souhait des salariés. Car nous sommes là pour faire entendre la voix des salariés, la voix de leurs représentants syndicaux en particulier. II faut donner les moyens dans ce débat parlementaire d'avancer dans le contenu de la loi. Et le 19, les communistes prendront leur position. Nous ne sommes pas là dans l'état d’esprit : "Arrêtez-moi ou je fais un malheur !" Nous voulons être constructifs, faire avancer la loi. »
G. Morin
Le 16 octobre vous organisez une manifestation justement à propos de votre position sur les 35 heures. La CGT a dit qu'elle ne devrait pas se joindre à cette manifestation. C'est un échec pour vous ? Comment expliquez-vous cette position ?
A. Bocquet
— « J’ai cru comprendre que la CGT, avec sa commission exécutive se prononcerait aujourd'hui même. J'ai entendu des déclarations ici ou là. Pour ce qui nous concerne, nous considérons que cette manifestation est ouverte à tous. L'idée a été lancée par mon ami R. Hue, à la Fête de l'Humanité et depuis elle est prise en compte par des dizaines d'organisations, y compris même au plan de certains départements par des syndicats — CGT, CFDT et autres. Je pense que ce qui compte c'est que, le 16, nous soyons nombreux pour faire avancer l’idée qu'il faut défendre l'emploi dans le pays et mettre un coup d’arrêt à ce diktat des marchés financiers pour qui, l'idée centrale c'est faire de l'argent en méprisant les hommes, les femmes, les régions, en supprimant des emplois comme c'est le cas chez Michelin à Clermont-Ferrand, chez Epéda, dans ma région du Nord - Pas-de-Calais — ou il y a 1 500 emplois qui sont supprimes en Lorraine. II faut que tous ensemble, unis, chacun restant soi-même, on défende l’emploi. »