Article de M. Brice Lalonde, président de Génération écologie, dans "La Revue politique et parlementaire" de novembre 1997, sur le projet gouvernemental sur la limitation du cumul des mandats, intitulé : "Cumul des mandats, s'en tenir aux principes ! ".

Prononcé le 1er novembre 1997

Intervenant(s) : 

Média : Revue politique et parlementaire

Texte intégral

Il y a plusieurs façons d'aborder le cumul des mandats. On peut dire que la tâche des élus est plus difficile que naguère, que les dossiers sont plus épais et plus techniques ; un cumulard aurait donc des difficultés à remplir convenablement ses obligations. On peut soutenir que le non-cumul contribuerait au renouvellement de la classe politique ou à la revalorisation des fonctions visées. On peut souligner que la montée en puissance du Parlement européen et de la coopération intercommunale appellent des mises au point. Je crois cependant que la réalité est d'autant plus nuancée qu'il faudrait s'interroger en même temps sur la réforme de nos institutions et de nos modes de scrutin. Il est des Parlements qu'on ne quitterait pas pour un empire, d'autres que l'on déserte pour un oui eu pour un non. Il en est dont les représentants sont élus à la proportionnelle nationale, d'autres selon des régimes mixtes.

Je m'en tiendrais donc à deux principes : la séparation des pouvoirs et le conflit d'intérêts. Le premier interdit aux ministres d'être en même temps parlementaires, car l'exécutif doit être distinct du législatif. La règle serait mieux défendue si les fonctionnaires ne colonisaient pas l'ensemble de la vie publique. Je suis étonné qu'il ne soit pas proposé à la discussion de réclamer qu'un fonctionnaire démissionne de la fonction publique après son élection dans une assemblée. On peut imaginer des formules qui atténueraient la sévérité de la proposition, mais il me semble impératif de supprimer ce cumul-là qui pervertit la vie publique française en créant une noblesse aux privilèges considérables.

Le second principe conduit à supprimer le cumul des exécutifs, du moins quand il s'agit de collectivités liées les unes aux autres. Ainsi le président d'un conseil général peut-il d'une main s'accorder une subvention qu'il se réclame à lui-même de son autre main comme maire d'une commune de ce même départe-m nt. Le comble de l'injustice est atteint quand un Premier ministre est également maire d'une grande ville. Quelle chance ont eue Lille et Bordeaux tour à tour. Les autres villes ont dû ronger leur frein en espérant qu'elles prendraient un jour leur revanche. Bref, en France, l'inégalité successive tient lieu d'égalité. Les élus de bonne foi font remarquer qu'ils ne peuvent enfin être efficaces pour leur mairie que depuis leur élection ou leur nomination à des responsabilités plus lourdes. Parbleu c'est bien là le scandale !

Certes il restera toujours des princes et des hommes de troupe, des grands et des petits, mais la loi aura cessé de les consacrer.