Déclarations de MM. Guy le Néouannic, secrétaire général de la FEN, et Jean-Paul Roux, nouveau secrétaire général, notamment sur le résultat des dernières élections professionnelles, les luttes pour l'emploi des maîtres auxiliaires, les revendications salariales, et sur les valeurs et les orientations de la FEN, Rennes les 10, 13 et 14 mars 1997, parues dans "FEN Hebdo" du 28 mars 1997.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : 36ème congrès de la FEN à Rennes du 10 au 14 mars 1997. Le 13 mars, élection du secrétaire général de la FEN (Jean-Paul Roux) en remplacement de Guy Le Néouannic

Média : FEN Hebdo

Texte intégral

Rapport moral présenté par le secrétaire général Guy Le Néouannic

Cher camarades,

À quelques mois près, la FEN aura cinquante ans. La scission syndicale de la CGT de 47-48 qui a donné naissance à FO et nous avait conduits à choisir l’autonomie pour préserver notre unité, marque un demi-siècle d’histoire sociale de notre pays.

Cinquante ans, c’est à la fois peu et beaucoup. Peu au regard de l’histoire de l’humanité et beaucoup pour une organisation qui avait choisi cette autonomie comme solution provisoire. Beaucoup, surtout si l’on veut bien considérer les extraordinaires transformations du monde, les mutations qui se sont opérées dans nos sociétés au cours de ce demi-siècle.

Cinquante année au cours desquelles s’est construit notre syndicalisme. Cinquante années au cours desquelles s’est bâtie et imposée la FEN.

À ce point de l’histoire et au regard des événements récents, personne ne comprendrait que je ne débute pas ce rapport moral par une réflexion sur nous-mêmes.

Réflexion qui s’impose :

 - d’abord parce que nous venons de subir un revers ;
 - mais aussi parce que, face aux défis de cette fin de siècle, dans une société qui se fragilise en se fracturant, le syndicalisme a besoin de retrouver ses repères et nous avons besoin de retrouver nos marques.

Avec lucidité, avec clairvoyance, sans complaisance mais sans résignation, le congrès est pour nous l’occasion de porter ce regard sur nous-mêmes pour tracer de nouvelles perspectives, ouvrir de nouveaux horizons et avoir l’ambition de nouvelles conquêtes.

Il est l’occasion d’une sorte de bilan :

 - de notre image ;
 - de notre fonctionnement,
 - de notre identité ;
 - des différents niveaux d’organisation, qui brouillent notre image et parfois aussi notre message : les syndicats, la fédération, l’UNSA.

Nous connaissons aujourd’hui une situation nouvelle, tout au moins pour la part numériquement la plus importante de notre organisation. Je veux parler de la situation de concurrence syndicale à l’éducation nationale, qui s’apparente, mais avec une syndicalisation plus forte, à ce que connaissent les autres secteurs d’activité à ce qui se passe dans le privé. Sur son champ de compétence, la FEN a tenu longtemps une position dominante. Elle est aujourd’hui la 2e force. Gémir sur cette situation ne servirait à rien. Prendre les mesures que nécessite un renversement de cette situation procède aussi de cette réflexion sur nous-même.

Le congrès est le moment de mettre à plat nos pratiques syndicales, d’analyser les conditions dans lesquelles nous les exerçons, d’approfondir notre réflexion et nos propositions sur notre conception du syndicalisme et sur son évolution.

Un regard lucide sur nous-mêmes

Historiquement, nous occupons une situation originale… Celle d’une organisation qui a conquis le rang de centrale syndicale sans être une confédération.

La place occupée par la FEN à partir de mai 1968 l’a positionnée, non seulement, comme une organisation à part entière, mais aussi comme un acteur-pivot entre les centrales syndicales et les organisations étudiantes. Elle est à l’origine du déclenchement de la grève générale du 13 mai 1968, comme elle est celle qui, seule, appela à la grève contre le coup d’État de 1958. Mais elle est aussi, plus récemment, celle qui a été à l’origine du mouvement qui a conduit à la manifestation laïque du 16 janvier 1994. Elle est encore l’organisation, qui, dans l’UNSA-fonctionnaires, a initié les grèves et manifestations des 10 octobres et 24 novembre 1995, premiers événements dans la crise de l’hiver 95.

Organisation regroupant les éducateurs, elle a su investir un champ bien plus large, couvrant de ses prises de position tout le terrain des libertés, démontrant ainsi :

 - qu’autonomie n’est pas nécessairement synonyme de corporatisme ;
 - que la défense catégorielle peut parfaitement s’inscrire dans la prise en compte de l’intérêt général ;
 - que les éducateurs sont, par essence même, au cœur de toutes les questions de société.

La place, enfin, que la FEN a tenue comme fédération de fonctionnaires confirme ce rôle pivot, parfois arbitre, et en tout cas moteur dans la fonction publique et dans la construction de la politique contractuelle.

Sans rien renier de notre passé, héritiers des valeurs fondatrices de notre organisation, nous avons refondé notre unité en 1992 dans une clarification difficile et lucide, mais nécessaire à la sauvegarde de cet outil syndical au service des éducateurs. Outil trop longtemps secoué par les coups de boutoir des luttes intestines. Épisode difficile de notre histoire. Difficile mais clarificateur. Toute division est vécue comme un échec : en l’occurrence l’échec de l’espoir de 1947. Espoir de gagner le pari audacieux de pouvoir faire vivre durablement dans la même organisation, des militants et des syndicats qui ne partageaient pas les mêmes conceptions de l’école et de la sa démocratisation, qui n’assignaient pas au syndicalisme les mêmes objectifs et surtout, le même but ; des militants en fait divisés par leur conception du monde et des libertés.

Les événements de 92 nous ont affaiblis, certes, mais la clarification et le ressourcement étaient à ce prix. Ils sont le point de départ de cette concurrence nouvelle que nous affrontons depuis, concurrence à laquelle nous étions mal préparés.

Le résultat des élections professionnelles chez les enseignants a provoqué un choc et engendré un malaise. Il ne sert à rien de le nier, ou de pratiquer la politique de l’autruche.

L’affaiblissement du syndicat des enseignants est un affaiblissement de la FEN et l’affaiblissement de la FEN n’aide pas à consolider, ni à renforcer l’UNSA, il amoindrit sa capacité d’intervention et d’action. Il faut donc analyser cette situation avec clairvoyance pour y remédier. Je veux simplement tracer quelques pistes sans clore bien évidemment le débat du congrès avant qu’il ait lieu et sans empiéter sur la responsabilité de ceux qui, à leur tour, auront à construire l’avenir. Mais rappelons les faits même si tout le monde les a en tête.

Les syndicats de la FSU ont gagné 50 000 voix, le syndicat des enseignants et donc la FEN en a perdu 10 000. Mais surtout, il est passé au second rang dans le premier degré d’où, historiquement, il tire son identité.

La FSU a certes pris des voix à tout le monde, et proportionnellement plus aux autres, du SGEN à FO qu’à notre syndicat. Le caractère « disparate » de l’électorat de la FSU constitue d’ailleurs en soi l’une des caractéristiques de cette élection et donne déjà une première explication de ces résultats. En effet, dans une situation économique et sociale marquée au quotidien par l’insécurité (insécurité devant l’emploi, insécurité devant l’avenir de la protection sociale, des retraites, insécurité devant la violence croissante, l’exclusion, etc.), le protestataire peut passer pour révolutionnaire. Et dès l’instant où l’on évite de construire un projet de transformation sociale, on peut plus aisément se retrouver dans une sorte de cartel de refus. Le slogan « tous ensemble » que l’on retrouve ailleurs, doit se lire : « tous ensemble… contre » mais ne pourrait pas s’écrire : « tous ensemble… pour ». Nécessairement, cette absence de perspectives ordonnées autour d’un projet social exacerbe les corporatismes.

Et qu’on me comprenne bien, je ne fais pas ici le procès du corporatisme. Le syndicalisme est aussi là pour ça. Cependant, la défense corporatiste n’a de sens que si elle s’inscrit dans une logique d’ensemble qui prend en compte les intérêts solidaires de tous. C’est l’éternelle dialectique entre intérêt particulier et intérêt général.

Mais ce qui a marqué l’opinion c’est le résultat qui a fait accélérer la FSU au 1er de rang de la fonction publique de l’État, à notre place… ou plus exactement à la place de l’UNSA-fonctionnaires. Victoire inespérée pour eux, échec humiliant pour nous. Échec d’autant plus pénible qu’il s’est accompagné des commentaires des médias sur le caractère « jeune, dynamique, unitaire » d’une organisation que l’on opposait à l’image de la « vieille FEN », détrônée.

Image virtuelle ou image réelle ? Il s’agit probablement d’un ensemble composite. Mais, dans une certaine mesure, peu importe si c’est cette image que perçoivent nos collègues, dans une période où, malheureusement, l’image perçue importe plus que l’action menée et même que l’acquis obtenu.

Constat : c’est la FEN qui porte dans les médias le poids de cet échec aux élections professionnelles. Redoutable privilège !

Pour certains commentateurs, c’est « la fin d’une époque » car nous serions le prototype du « modèle syndical ancien ». Pour les médias, les causes de la « dégringolade » sont diverses mais se cumulent :

 - le choix du rapprochement avec d’autres fonctionnaires, qui a brouillé l’image de la FEN auprès des enseignants ;
 - les « réticences » de la FEN à l’égard du mouvement social de décembre 95 ;
 - notre appréciation positive de certaines propositions de la commission Fauroux ;
 - le climat général peu propice aux organisations réformistes ;
 - un « manque de dynamisme apparent ».

Par contre, pour ces mêmes médias, la fédération concurrente a engrangé des voix grâce à :

 - son « syndicalisme de lutte », plus apte à combattre le gouvernement actuel ;
 - sa présence sur le terrain social (sans logis, sans papiers, sans emploi…) ;
 - son « activisme revendicatif » par opposition au « ronronnement de l’ancienne grande maison » ;
 - une pratique syndicale plus présente sur le terrain ;
 - son pouvoir de séduction des jeunes grâce à des « positions claires ».

Et les commentateurs de conclure, selon leur analyse, soit à la victoire des « loups maigres contre les apparatchiks de la FEN », à « l’effondrement de la FEN », à ses « sérieux revers », ou à la victoire des « maximalistes ».

Cette image, en partie ou largement déformée, inexacte, voire virtuelle, est celle que nous renvoient les médias et l’opinion. Il faut donc la corriger. Car même si rien n’est plus injuste, vingt pages d’analyse fouillée (que personne ne lira) ne peuvent plus rivaliser, dans notre société dite de communication, avec une minute et trois slogans au journal télévisé de 20 heures ou un jugement sans appel dans un grand quotidien du soir.

Ce sont nos réflexions, nos décisions, notre capacité à changer, à nous refonder sur nos valeurs, sur notre syndicalisme de la responsabilité qui doivent nous permettre de renverser le cours des choses, permettre ce rebond, ce nouveau départ que nous voulons tous.

C’est ce nécessaire ressourcement de nos pratiques syndicales, de notre façon d’exprimer notre message que traduit l’appel de l’exécutif du 20 janvier 1997.

Pour tracer les voies de l’avenir, il faut d’abord mener le débat sur le passé jusqu’à son terme. Et corriger notre image, c’est commencer aussi par rétablir certaines vérités.


Le conflit de novembre-décembre 95

Le conflit de fin 95 est en ce sens éclairant. Il est juste que notre sortie du conflit n’a pas toujours été comprise. La gestion de la fin de la crise a été mal perçue. Dont acte.

Mais posons-nous une question. Est-elle théorique : quand satisfaction totale est obtenue sur les revendications posées après une action longue et dure, faut-il le dire et appeler à arrêter le conflit en engrangeant l’acquis ?

La réponse syndicale est nécessairement oui.

Regardons cependant d’un peu plus près. Nos mandats, ceux de la FEN, ceux de l’UNSA, mais aussi, plus largement, ceux de toutes les organisations syndicales, portaient sur la défense des services publics, la sauvegarde des régimes spéciaux de retraites, la précarité de l’emploi dans la fonction publique.

Cependant, les organisations étaient divisées sur ce qu’il était convenu d’appeler le plan Juppé sur la Sécurité sociale.

Lors de la rencontre entre le Premier ministre et l’UNSA le 11 décembre au soir, confirmant sa lettre du 8 décembre, Alain Juppé nous disait qu’il abandonnait le projet de caisse autonome pour gérer les régimes particuliers, qu’il suspendait le contrat de plan SNCF, qu’il annonçait l’ouverture de négociations dans la fonction publique sur la précarité, l’aménagement du temps de travail, la formation continue des personnels, également sur le dossier protection sociale, il confirme que les organisations syndicales seront appelées à négocier le contenu des ordonnances avant leur promulgation.

Le 11 décembre au soir, à l’issue de cette audience, je déclare « les raisons initiales du conflit ont désormais disparu » et nous ajoutons dans un communiqué de la FEN diffusé le soir même à 22 h 30 : « La FEN manifestera mardi 12 afin d’exprimer sa vigilance pour l’avenir ». Nous avions gagné. « Juppé se décide enfin à sonner la retraite » titre alors le journal « Libération ».

Nous avions gagné, fallait-il le taire ? Fallait-il taire le recul du gouvernement et l’acquis de la lutte syndicale ?

Quand on gagne, il faut le dire. La responsabilité syndicale impose vérité, clarté et transparence envers les adhérents.

Mais ce que vous nous avez surtout reproché tient plus à la forme qu’au fond. Vous avez dénoncé le fait de n’avoir pas été consultés pour sortir du conflit et d’avoir en quelque sorte été placés devant le fait accompli.

Nous devons en tirer les enseignements. On ne mène plus aujourd’hui (mais était-ce vrai hier ?) une organisation par simple décision de sommet, même si ce sont des organismes statutaires qui décident. Il faut coller au terrain.

C’est un élément qu’il faut intégrer dans notre réflexion sur nos pratiques syndicales.

À l’époque, en plus, la FSU s’est déchaînée contre nous. Les raisons de sa rage, c’était de ne pas pouvoir être reçue à Matignon et, en fait, de n’être pas alors reconnue comme interlocuteur. Elle s’était aussitôt répandue partout pour dire que nous mentions et que rien n’était réglé.

Ce qui est vrai, c’est que, trop souvent, nous n’avons pas été capables de résister physiquement à cette démagogie dans les « assemblées générales unitaires » (sic) qui, à la base, reconduisaient le mouvement jour après jour.

Le contexte l’a emporté sur le fond et sur les acquis.

Finalement, on en était arrivé à nous reprocher ne pas nous être battus jusqu’au bout… jusqu’au bout de quoi ?

Certains, oui, considéraient que tout n’était pas réglé puisqu’ils n’avaient pas obtenu le retrait du plan Juppé. Je pense, bien sûr, ici à la CGT et à FO… et la FSU qui, elle, était pourtant signataire d’un texte commun avec la Mutualité, la CFDT, la FNATH, l’UNIOPS et nous-mêmes. Texte qui revendiquait ce que nous venions en grande partie d’obtenir. Je le rappelle, le retrait du plan Juppé n’était pas notre revendication. Mais c’est pourtant sur cet objectif affiché que se sont poursuivies les luttes au-delà du 12 décembre.

Alors, puisqu’on en parle, faisons un peu le point sur ce dossier de la Sécurité sociale.

Le plan Juppé sur la Sécurité sociale

Alors qu’au cours de la campagne électorale, le futur président de la République déclarait son opposition résolue à la maîtrise des dépenses de santé, le 15 novembre 1995, le Premier ministre, devant le Parlement, présentait un plan de réforme de l’assurance maladie… destiné à maîtriser ces mêmes dépenses, de suite.

Pour la première fois, un gouvernement de droite proposait une réforme structurelle et non un simple plan destiné à équilibrer les comptes.

Nous avons porté sur ces propositions un regard critique, soutenant les grandes orientations de la réforme, manifestant notre volonté d’en discuter le contenu. Mais nous avons condamné les prélèvements supplémentaires, tels le remboursement de la dette sociale (RDS) ou l’augmentation du forfait hospitalier.

Notre accord sur les grandes orientations de la réforme s’est fondé sur nos propres mandats, sur ceux de l’UNSA qui est désormais en charge du dossier de la protection sociale.

Depuis des années, nous réclamions :

 - la création d’une assurance maladie universelle, consacrant pour toute personne le droit à l’accès aux soins, indépendamment de son statut social ;
 - la réforme du financement de la sécurité sociale, et en particulier de l’assurance maladie, par la mise à contribution de l’ensemble des revenus, par un changement d’assiette de la contribution des entreprises et la prise en considération des richesses qu’elles produisent (la valeur ajoutée).

De la même manière, depuis des années, nous nous prononçons pour la maîtrise de l’évolution des dépenses de santé, maîtrise fondée sur l’utilité et la qualité des actes et des prescriptions.

Fallait-il, parce que c’était un gouvernement de droite qui proposait de s’engager dans ces voies, condamner le projet de réforme ?

Fallait-il le rejeter au prétexte qu’il ne nous convenait pas entièrement ?

Nos instances, dans la FEN et dans l’UNSA, ont nettement répondu négativement à ces deux questions.

Car l’enjeu était et est toujours d’importance : il s’agissait bien du devenir même de la Sécurité sociale. Ce que nous défendions, par-dessus tout, c’était l’urgente nécessité d’une réforme structurelle de l’assurance maladie. Le risque c’était bien, en effet, de voir la Sécurité sociale s’effondrer sous le poids de sa dette sans fin. Le risque c’était de voir ce secteur livré en pâture aux convoitises des assurances. Les déclarations du PDG du groupe AXA, en novembre dernier, illustraient cette volonté.

Le risque était bien de nous réveiller un beau matin avec un système à l’américaine dont on connaît les effets.

Il n’était même plus possible de simplement reconduire une situation qui, chaque jour, générait toujours plus d’exclusion, ticket modérateur et augmentations incessantes des cotisations aidant.

Seule la Sécurité sociale est à même de garantir l’accès aux soins de qualité, sans sérier les risques, sans adapter le niveau de contribution aux différents risques.

Sa pérennité est bien un enjeu majeur pour nos concitoyens, il est donc vital de sortir des difficultés financières dans lesquelles elle se trouve.

On connaît les causes majeures de ses déficits chroniques.

La première tient au taux de chômage qui provoque un manque de recettes. Mais, le retour au plein emploi ne réglerait pas la question des déficits. Durant les Trente glorieuses, alors que le chômage était quasiment nul et que la population active augmentait, les gouvernements, pour faire face aux dépenses, n’ont su qu’augmenter les cotisations et recourir à l’augmentation des tickets modérateurs.

Ces politiques se sont ensuite amplifiées durant ces 20 dernières années. Elles avaient abouti effectivement à ce qu’aujourd’hui :

 - la France est le pays d’Europe où les dépenses de santé sont les plus élevées, mais où les niveaux de remboursement des soins sont les plus faibles ;
 - la France est le pays où un demi-million d’habitants sont exclus de l’accès aux soins.

Cette situation est intolérable. Elle trouve ses origines dans la non-maîtrise de l’évolution des dépenses:

 - dans un système de soins non organisé, non régulé, où l’allocation de ressources bénéficie d’abord à ceux qui offrent les soins.

Plus d’une année après l’annonce du plan Juppé, où en sommes-nous ?

Force est de constater que le gouvernement a fait le plus facile :

 - les prélèvements supplémentaires ont été rapidement instaurés ;
 - la Sécurité sociale a été réorganisée. Le Parlement est désormais constitutionnellement habilité à voter une loi de financement ;
 - les conseils d’administration des caisses ont été modifiés (l’UNSA est présente dans 114 d’entre eux, au niveau national, ainsi qu’à la CNAM et à la CNAF) ;
 - la réforme du financement a été amorcée : l’assiette de la CSG a été élargie tant sur les revenus de remplacement que sur certains revenus de capitaux ;
 - la CSG se substitue à une partie des cotisations salariales.

C’est une première étape, positive mais encore insuffisante : trop de revenus de capitaux, en particulier ceux qui ont les meilleurs rendements, échappent toujours à ces prélèvements. Nous revendiquons d’autres étapes rapides et significatives :

 l’assurance maladie universelle n’est pas encore instaurée ;
 la réforme du financement des entreprises est dans le même état.

Sur ces deux dossiers, l’UNSA vient d’être destinataire de documents qui sont soumis à concertation. Nous verrons bien quel avenir leur sera consacré.

Les filières de soins qui doivent être mises en place à titre expérimental, le développement des médicaments génériques, le développement de l’évaluation de la médecine indispensable à la maîtrise médicalisée des dépenses, en restent encore au stade d’objectifs.

J’ajoute que le gouvernement pratique un double jeu avec les gestionnaires de l’assurance maladie et les professionnels de santé. Il demande à la CNAM de mettre en œuvre des mesures d’économies, mais il se range du côté des médecins et des ambulanciers dès lors que la Caisse nationale envisage de réduire la plage horaire des tarifs de nuit et se propose de ne plus rembourser tous les transports sanitaires.

De la même manière, il adopte une ordonnance obligeant les médecins à rembourser les dépassements d’objectifs, mais limite considérablement le niveau de remboursement.

L’UNSA a fustigé ce « double jeu » auprès du Premier ministre lui-même lors de la rencontre avec le comité de vigilance.

À ce jour, il est aisé de dresser un premier bilan quantitatif du plan Juppé. Il est, par contre, plus difficile d’établir un bilan qualitatif des mesures prises et d’apprécier leur efficacité. Avoir approuvé les orientations de la réforme doit nous rendre encore plus exigeants sur leur mise en œuvre.

Engagés, à cet effet, dans le comité de vigilance, je dois dire notre déception devant son manque de pugnacité. La lutte d’influence pour son leadership entre les deux organisations qui en furent les promoteurs, la FNMF et la CFDT, n’est sans doute pas étrangère à ce dysfonctionnement.

Cette situation est d’autant plus regrettable que le comité de vigilance avait produit des analyses pertinentes, en mars dernier.

À propos de la politique hospitalière, il dénonçait le renforcement du rôle de l’État au détriment de celui de l’assurance maladie. Ce qui se passe actuellement dans les hôpitaux confirme le jugement d’alors ! Globalement, le budget global hospitalier augmente de 0,5 % cette année. C’est une décision unilatérale du gouvernement, sans aucune concertation, en particulier avec les organisations syndicales représentatives des personnels hospitaliers. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que nous assistions dans les hôpitaux à des mouvements sociaux, car l’inquiétude des personnels est forte. Des fusions, des regroupements entre établissements risquent d’être décidés. Comme cela se fait dans le privé, l’emploi serait alors la variable d’ajustement pour que les dépenses correspondent aux recettes. Les contractuels risquent de faire les frais de cette politique.

La vraie nature de la crise sociale

Je le rappelais donc il y a un instant, c’est sur l’objectif du retrait du plan Juppé que se sont poursuivies les luttes au-delà du 12 décembre.

Mais le problème n’était, en fait, plus là. Parti de revendications syndicales précises que j’évoquais tout à l’heure, la stupide obstination du gouvernement avait progressivement changé la nature d’un mouvement qui était devenu emblématique d’une crise sociale profonde. Et la marge était devenue plus que ténue entre crise sociale et crise politique.

Comment répondre aux aspirations de changement sous-jacentes ?

Était-ce notre rôle syndical de faire d’un « 3e tour social » le tremplin pour une alternance politique ? Et d’ailleurs, où étaient les projets politiques alternatifs ? Il n’y a pas de changement, pas de société sans réformes sociales, ce terrain-là est de notre responsabilité syndicale. Nous avons voulu garder le cap en maintenant l’organisation syndicale dans son rôle, rien que son rôle, mais tout son rôle pour ne pas nous laisser entraîner dans des dérives préjudiciables aux intérêts des salariés.

Mais on ne changera pas une certaine réalité, notre sortie du conflit a été, je l’ai déjà dit, globalement mal vécue et nous est encore aujourd’hui reprochée.

Il eut été plus habile, je le reconnais, de laisser les choses aller ou, pour le moins, de prendre plus de précaution dans la forme.

Si je reconnais cela, ce n’est pas par je ne sais quel plaisir masochiste d’auto-flagellation, mais parce que je souhaite que chacun fasse aussi son examen de conscience et vienne nous dire ce qu’il maîtrisait réellement, dans son syndicat, dans son département, dans son établissement, quels étaient aussi les réels pourcentages de grévistes ?

Je demande aussi à chacun de mesurer que nous avions à gérer nationalement, une diversité de situations, une hétérogénéité de mobilisation, des points de vue différents entre les syndicats.

Ceci nous amène bien évidemment à nous pencher plus précisément sur un contexte général qui constitue le fond et la cause même d’une crise qui perdure.

Depuis des années, chacun répète à l’envi que le chômage est le cancer de notre société, qu’il est la cause de tous nos maux, inégalités, exclusion, violence, racisme et montée de l’extrême droite.

Les politiques économiques mises en œuvre depuis une vingtaine d’années par les gouvernements successifs de notre pays se sont avérées impuissantes à réinstaurer un régime de croissance de plein emploi analogue à celui qui a prévalu dans les années d’après-guerre. Cette crise n’est pas spécifique à la France, elle touche la plupart des pays européens. Elle s’est traduite partout par les mêmes conséquences, bien qu’avec une intensité variable. C’est ainsi que l’on a constaté la montée du chômage de masse, l’accroissement de la part du chômage de longue durée, le développement des formes d’emplois atypiques (temps partiel) ou précaires (CDD, intérim, contrats aidés) et dans notre secteur, un développement des non-titulaires et autres CES.

Le déséquilibre du marché du travail qui s’est ainsi affirmé a induit une aggravation des inégalités en termes de revenu et de statut social.

Est-ce surprenant ? Je ne le crois pas, car la politique de plein emploi n’était pas le but des politiques économiques suivies. L’effondrement des régimes communistes à l’est de l’Europe a libéré le capitalisme d’une hantise, celle de se voir confisquer sa raison d’être, la propriété, à partir de la conquête du pouvoir par cette idéologie dans les démocraties occidentales.

Le communisme n’avait, en effet, jamais caché son intention de conquérir le monde.

Débarrassées de cette crainte, les forces « libérales », comme on dit aujourd’hui, se sont déchaînées et se livrent à une compétition impitoyable pour la conquête des nouveaux et d’anciens marchés. En se comportant ainsi, je ne suis pas certain que le grand capital n’ait d’ailleurs pas réveillé le monstre de ce siècle : le fascisme, cette peste brune qui semble, aujourd’hui, nous envahir.

Les maîtres mots de cette concurrence élevée en religion par le libéralisme sont « compétitivité », « coût du travail », « réduction des prélèvements obligatoires », « mobilité », « délocalisation », « déréglementation ».

On a compris que, dans, et aussi hors de l’entreprise, c’est le social qui, plus que jamais, paie l’addition. Voir ce qui se passe aujourd’hui chez Renault en Belgique.

Ces tendances lourdes de l’évolution de nos sociétés, de la nôtre en particulier, le potentiel de dissolution des liens sociaux qu’elles véhiculent, constituent autant de périls pour l’avenir même de notre démocratie.

L’économie est devenue omniprésente dans les discours. Elle est exclusivement assimilée à une contrainte imposant un seul mode de société et d’organisation. On devrait pouvoir, au contraire, la considérer comme un moyen, parmi d’autres, d’accroître le bien-être social. C’est dans cet esprit que le projet de résolution général qui nous est soumis et qui sera discuté présente l’économie comme un instrument au service de la personne humaine. Ceci implique que l’être humain utilise l’outil économique pour façonner une société permettant son épanouissement. Notre syndicalisme doit s’emparer naturellement de tout élément permettant d’atteindre l’objectif d’une société juste au sein de laquelle chaque individu peut s’épanouir.

L’échec des économies régulées par une planification centralisée et autoritaire ne confère pas aux économies déterminées par les seuls mécanismes du marché une plus grande légitimité, en raison même de ce fort accroissement des inégalités. Inégalités entre les pays industrialisés et les autres, mais aussi au sein des pays eux-mêmes. Ainsi, même les pays les plus riches comportent des zones de pauvreté et d’exclusion. Faut-il, ici, insister sur la situation sociale au sein même de la première puissance économique du monde : les USA où des milliers de personnes n’ont pas de couverture sociale, où 40 millions d’individus (près de 15 % de la population) vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Ce phénomène n’est hélas pas nouveau. C’est pourquoi, il nous paraît indispensable de développer des systèmes de régulation.

En premier lieu, il convient de réaliser des transferts de richesse dont la vocation est de lutter contre l’exclusion, de réaliser l’égalité des chances et des conditions de vie.

En second lieu, on sait aussi que pour certains investissements tels que les infrastructures, la recherche, l’éducation, l’intervention publique s’avère économiquement plus efficace que le fonctionnement des marchés. Là encore, l’économie peut influer sur le développement de la société.

C’est sur ces points que nos divergences sont les plus accentuées avec les tenants du libéralisme. Les libéraux pensent que plus l’État mobilise de ressources pour sa propre activité, plus il bloque l’initiative individuelle. Ils estiment que l’État, en contrariant le fonctionnement libre des marchés, aboutit à une allocation des ressources moins efficace. À l’inverse, nous pensons que plus l’État disparaît, plus les inégalités se creusent et moins d’individus participent à la vie économique.

Tout est sans doute un problème d’équilibre à trouver entre besoins collectifs et initiatives individuelles, mais une chose demeure : cet équilibre ne relève pas exclusivement de principes économiques intangibles, mais relève d’abord des choix de société. À partir du moment où il y a choix, cela veut dire qu’il n’existe pas de modèle unique de société qui serait imposé par les contraintes économiques. Ces contraintes existent mais sont susceptibles d’être traitées et modulées par des actions qui dépendent largement du degré de solidarité que choisit une société. Ceci concerne donc totalement notre action syndicale chargée de défendre les intérêts matériels, mais aussi « moraux » des salariés.

Les yeux rivés sur les critères de convergence de Maastricht (dont il est de moins en moins certain qu’ils soient tenus), les gouvernements européens, en particulier allemand et français, ont engagé depuis plusieurs années, des politiques budgétaires restrictives qui pèsent sur les revenus et la demande des ménages. Ces politiques ont des conséquences économiques inverses à l’effet recherché et de plus, compromettent terriblement l’idée même de construction européenne dans l’esprit des citoyens des différents États.

Nous adhérons à la perspective de la monnaie unique comme moyen de dépasser les contradictions nées de la coexistence d’un marché unique européen où circulent librement marchandises et capitaux et de politiques monétaires et de change continuant de relever du niveau national. Mais nous ne pouvons, pour autant, considérer l’euro comme une fin en soi.

Il faut une réforme institutionnelle de l’Union européenne qui permette de créer les conditions de la mise en œuvre d’une politique budgétaire et de change au niveau européen apte à stimuler la croissance et l’emploi sur l’ensemble de son territoire.

Mais si le retour de la croissance peut stimuler les créations d’emplois, il ne peut être, cependant, le seul instrument d’une résorption significative du chômage dans un délai supportable, compte tenu du niveau actuel de sous-emploi et de l’évolution prévisible de la population active d’ici le début du siècle prochain.

C’est dire que d’autres moyens doivent être mobilisés pour développer l’emploi, autres que par le seul recours au temps partiel qui, trop souvent est un « temps contraint », a, en fait, servi ces dernières années à masquer la pénurie de travail. Dans cette perspective, la réduction collective de la durée du travail, sa réorganisation doivent être des objectifs privilégiés. Encore faut-il que les pouvoirs publics aient la volonté politique et la capacité d’assigner une obligation de résultats aux partenaires sociaux.

Lutter pour l’emploi et les salaires

Ceci nous amène tout naturellement à examiner l’action de notre fédération sur l’emploi et sur les salaires. Car tout est lié et lutter pour nos salaires, c’est bien lutter contre cette hégémonie de la pensée unique qui prévaut actuellement en matière économique. Nous continuons à refuser le raisonnement qui tend à culpabiliser les fonctionnaires au prétexte qu’ils ont la garantie de l’emploi. Comme si la précarité devait être la règle et la garantie de l’emploi un privilège ! Nous continuons à refuser ce raisonnement économique fallacieux qui veut faire croire que comprimer les salaires permet de créer des emplois.

Le scandale des non-titulaires

À propos de garantie de l’emploi, il serait temps que l’on cesse d’entendre qu’elle existe pour tous dans toutes les fonctions publiques.

Je veux, bien sûr, parler du scandale de la situation des non-titulaires. Sur ce dernier dossier, les difficultés sont lourdes. Alors que des plans de titularisation doivent se mettre en place, plus de 10 000 non-titulaires ont été licenciés dans l’Éducation nationale à cette rentrée, et autant à la rentrée précédente.

L’État patron se conduit comme un patron de choc ! On prend, on exploite, on sous-rémunère et on jette lorsque on n’en a plus besoin !

Comment ne pas comprendre, alors, certaines formes désespérées de protestation même si nous ne pouvons syndicalement les approuver.

Nous avons fait grève sur ces questions à la rentrée dernière. Nous avons ensuite dénoncé – sans grand écho médiatique – les manipulations statistiques du ministre de l’éducation qui, pour les besoins de sa pseudo démonstration, réemployait certains MA, par rotation.

Nous avons dénoncé ce silence et donc ce refus de Matignon de transformer les heures supplémentaires en emplois pour les personnels enseignants. Ceci n’a pas empêché le Premier ministre d’organiser, il y a juste un mois, une conférence nationale sur l’emploi des jeunes et ce soir, le président de la République va nous entretenir une seconde fois. Alors qu’il incite les patrons à embaucher des jeunes, que ne montre-t-il l’exemple ?

On sait que ce n’est même pas un problème de coût, mais surtout une question d’affichage. Dans l’Europe libérale, la France ne veut pas passer pour le mauvais élève et afficher un accroissement de son secteur public ! Il ne faut pas « effrayer les marchés ».

Pourtant, les besoins sont là… et nos collègues aussi. Et n’ont-ils pas fait tous la preuve de leurs compétences au bout de toutes ces années, souvent dans les établissements les plus difficiles, en occupant parfois plusieurs postes dans une même année ?

Nous sommes, depuis le début, aux côtés du collectif des non-titulaires. Nous participons aux discussions avec le ministre de l’Éducation nationale. Même si nous enregistrons enfin des premiers résultats (3 300 réemplois à la rentrée des vacances d’hiver), nous ne nous en contentons pas, car c’est encore plusieurs milliers de collègues qui sont en attente de postes. Et, au-delà, c’est un processus de titularisation que tous attendent.

Mais au fait, ne faut-il pas s’étonner de la prudence, voire des réticences de la FSU dans ce domaine ? Que cherche-t-on à préserver ici ? Ne veut-on pas prendre en compte justement l’expérience professionnelle acquise ? N’y aurait-il pas là une forme de mépris ou de ségrégation ? ou alors, il s’agit de préserver des heures supplémentaires ? Et ici, ne faut-il pas que chacun balaie devant sa porte, car tant que nos collègues continueront à accepter des heures supplémentaires au-delà du strict indispensable, la précarité aura de beaux jours chez nous.

Et on ne parle pas assez des autres auxiliaires dans l’administration et les services. Le manque de postes à conduit, ces dernières années, au recrutement de nombreux personnels à statut précaire dans ces secteurs-là. Pour faire face aux besoins, les établissements eux-mêmes ont multiplié le recours aux CES.

Cette situation ne peut plus durer.

Il faut continuer à se battre pour l’emploi et mobiliser aussi tous les moyens disponibles pour le réemploi de tous : heures supplémentaires, postes libérés par le congé de fin d’activité, heures supplémentaires, etc.

En fait, derrière tous ces problèmes, il y a une stratégie, c’est celle de la déréglementation. Comme « on » me le fit remarquer au début de cette année scolaire, à propos de nos actions en faveur des non-titulaires : « vous rendez-vous compte, titulariser tous ces jeunes, c’est avoir à les garder pendant quarante ans ! (Sic !) » Et c’est là le fond du problème, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, c’est vrai que l’on a créé des millions d’emplois ces toutes dernières années, mais des emplois précaires, mal rémunérés. Et tout aussi bien demain, en cas de renversement de la conjoncture économique, on licenciera aussi les gens par millions.

Toutes ces menaces pèsent sur les services publics et sur les statuts des personnels.

C’est pour cela que la réforme de l’État, réduite à une peau de chagrin par une politique de l’emploi désastreuse, n’est plus, c’est évident, cette grande ambition naguère clamée par le gouvernement.

Les projets de restructuration des services déconcentrés ont d’ailleurs suscité, pour la plupart d’entre eux, l’opposition justifiée des personnels (à jeunesse et sports, à la protection judiciaire de la jeunesse) avec, bien évidemment, le soutien de la fédération.

Salariales : le conflit demeure

Mais parlons aussi salaires. Nous étions dans l’action le 6 mars dernier : dans la grève et dans la rue.

Ainsi, après nous avoir fait lanterner, de promesses en annonces, le gouvernement a claqué la porte de la négociation.

Inacceptable !

L’impasse sur 1996, le report de l’essentiel des mesures au titre de 1997 et 1998 sur la fin 1998 comportaient en filigrane cette volonté de rupture. Et ce ne sont pas les deux mesures de 97, unilatérales et chichement comptées (0,5 % au 1er mars et 0,5 % au 1er octobre) qui changeront grand-chose au problème.

Nous sommes cohérents. Dans la période précédente, c’est parce que le gouvernement avait accepté d’inclure la question des pertes de 1993 dans la discussion sur 1994 et 1995 que la négociation a pu avoir lieu et déboucher sur un accord. C’est parce que le gouvernement s’y refuse aujourd’hui qu’il y a conflit.

L’UNSA-fonctionnaires a joué tout son rôle en prenant l’initiative, avec 4 autres fédérations, d’une réunion des « 7 ». La décision d’action a été d’ailleurs immédiate et unitaire. Elle s’est faite dans un calendrier difficile, car les vacances scolaires repoussaient à un mois la première date de mise en œuvre possible. Et, au-delà, notre congrès et la manifestation nationale du 23 mars constituaient un autre butoir. La seule date possible restait donc le 6 mars et nous savons combien cette nouvelle « grève de rentrée » a été difficile à mettre en œuvre pour les académies qui reprenaient à cette date.

Quelle sera maintenant l’attitude du gouvernement ? Enfermé dans une logique strictement budgétaire, il est prévisible qu’il ne s’enferme un peu plus. Alors, inévitablement, le conflit rebondira. C’est le dialogue social dans la fonction publique en totalité qui en est aujourd’hui la première victime.

Éducation

Fédération de l’éducation nationale, l’éducation, la formation des jeunes, sont bien évidemment, au cœur même de toute réflexion. Et j’ai envie d’ajouter, malgré le ministre. Car ici, commenter les événements tiendrait du feuilleton… et nous avons déjà eu Dallas.

Je ne reprendrai pas tous les domaines de nos interventions. Je vous renvoie au rapport écrit et au complément qui est dans vos dossiers. Je veux surtout parler du climat dans lequel s’est inscrite notre action.

Il faut bien le reconnaître, François Bayrou est un virtuose. Un virtuose de la concertation.

Chacun conserve en mémoire le long épisode du « nouveau contrat pour l’école » en 1994 et ce qu’il en est finalement ressorti. Chacun d’entre nous, chacun de nos syndicats en a fait le bilan.

Ne parlons pas de la loi de programmation, tuée dans l’œuf par le budget. Mais tout cela occupe le temps.

Comme cela commençait une nouvelle fois à sentir le roussi dans les universités, nous avons eu droit, l’an passé, à une interminable réflexion en boucle sur l’enseignement supérieur. Le tout couronné par l’annonce du 18 juin en apothéose. Pour sembler donner un contenu à son discours d’intentions, le ministre a engagé depuis décembre un marathon chaotique qui a accaparé les syndicats. Son rapport d’étape du 4 février, en demi-teinte, essaie de relancer l’intérêt, la lassitude gagnant.

Inlassablement, de décembre 1996 à ce jour, les représentants de la FEN ont fait des propositions au cours de quelques 80 heures de réunion des groupes de mise en œuvre de la réforme des universités. À chaque fois, une délégation complète d’enseignants-chercheurs et de personnels IATOSS a montré à quel point un travail en coordination des syndicats des divers personnels au sein de la FEN peut être productif, tant pour proposer des réformes que pour contrer des propositions inacceptables. Par exemple, le ministre a retenu nos propositions d’allègement des procédures de recrutement des enseignants-chercheurs. Il a modifié ses propositions initiales en matière de stages, suite à notre vive protestation. Mais nous n’avons toujours aucune certitude quant à la date de mise en œuvre réelle des quelques perspectives positives que nous avons pu faire prendre en compte au cours de ces multiples séances de concertation qui se poursuivent.

Assurément, François Bayrou est un habile politique. Il gagne du temps autant qu’il peut en parlant avec tout le monde. De loin en loin, il communique des généralités pertinentes, il annonce comme nouveautés des mesures déjà en œuvre ici et là, des dispositions qui figurent déjà dans des textes. Il renvoie à plus tard tout ce qui fait problème et s’emploie à retarder les conflits inévitables. Peut-être espère-t-il être parti avant qu’ils n’éclatent.

Parfois, il donne l’impression que sa longévité au gouvernement l’embarrasse, mais gageons qu’il saura la faire valoir pour la suite de sa carrière politique.

Ainsi, de proche en proche, il donne l’illusion qu’il a engagé pacifiquement une réforme nécessaire alors qu’en fait restent en l’état tous les problèmes.

Une autre illustration en est donnée avec le sommet pour l’emploi des jeunes, question essentielle s’il en est, et dont j’ai déjà parlé à l’instant.

Une société qui ferme l’avenir à sa jeunesse met le sien en péril. Retrouvant les accents de sa campagne électorale, le président de la République a fait et continue de faire beaucoup de tintamarre à ce sujet. Et le sommet pour l’emploi des jeunes, convoqué de toute urgence et à grand spectacle, ne laissera pas plus de souvenir et aura la même portée insignifiante que les précédents. Une seule mesurette est nouvelle : le quota réservé aux jeunes dans les dispositifs d’aide à l’emploi. Sans création d’emplois, elle n’aura d’influence que sur la composition de la file d’attente des chômeurs, pas sur la réduction de leur nombre.

C’est pourquoi, nous appelons à l’action le 23 mars avec toutes les fédérations de l’éducation, les parents de la FCPE, les étudiants et les lycéens, tout à la fois pour l’emploi des jeunes que nous formons et pour l’emploi dans notre secteur.

Les formateurs, inexplicablement écartés du sommet pour l’emploi des jeunes, ont des exigences et des propositions pour la jeunesse dont ils ont la charge. Ils se révoltent contre l’imposture par laquelle on leur demande de former des jeunes pour prendre leur place dans une société qui la leur refuse.

Faudrait-il encore accabler notre ministre en s’interrogeant, ici, une fois de plus, à haute voix, sur sa totale inertie, son silence permanent sur les questions de formation professionnelle ? Mais est-ce vraiment un hasard si le pilotage de ces questions est abandonné au ministère du travail ? Est-ce vraiment un hasard si, dans les formations en alternance, ce gouvernement privilégie totalement l’apprentissage ?

À cet instant de mon propos sur l’éducation, je veux aussi faire référence à notre histoire.

Dès l’origine, nous avons tourné notre action et mené nos combats vers un objectif clair et émancipateur : concevoir l’éducation et la formation au service de tous les enfants, la sélection des meilleurs étant la résultante de la promotion de tous. Du plan Langevin-Wallon à « l’École de l’an 2000 » c’est sur ces bases que nous avons construit nos projets et forgé nos propositions :

 - former l’homme, le citoyen, le travailleur, faire en sorte qu’il soit autonome, qu’il ne soit pas ballotté par le flot de la vie économique, sociale ou politique ;
 - faire de l’éducation un processus continu tout au long de la vie ;
 - répondre à la demande de formation ;
 - réussir la démocratisation en prenant en compte l’hétérogénéité des jeunes.

Autant d’objectifs ambitieux qui nous ont placés, toujours, en matière d’éducation, du côté du changement, du mouvement, du progrès, de la dynamique, de l’action. Qu’on relise, à ce propos, « l’École de l’éducation permanente » dont les premières bases sont jetées au congrès de Grenoble en 1976.

Qu’on n’oublie pas « l’École de l’an 2000 », projet d’éducation global élaboré au congrès de La Rochelle en 1988. Projet qui fixait un objectif et dessinait une ambition :

 - un objectif : mener 80 % d’une classe d’âge au niveau du Bac ;
 - une ambition : fonder dans un même projet la rénovation du système éducatif et la revalorisation des personnels d’éducation.

Qu’on se souvienne qu’à chaque fois qu’il y a eu changement, ouverture et progrès, la FEN était soit à l’initiative – et c’est le plus fréquent –, soit partie prenante.

Je citerai pour mémoire :

 - les séquences éducatives en entreprise en 1979 ;
 - la loi Savary en 1984 sur la démocratisation de l’enseignement supérieur et l’organisation de l’autonomie des universités ;
 - la création des Bacs professionnels en 1985 (loi Carraz) ;
 - la loi d’orientation pour l’éducation de 1989, qui a affirmé l’éducation comme « première priorité nationale », et unifié les niveaux de recrutement et de formation des enseignants en créant les IUFM ;
 - le dossier de la modernisation, reconnaissant le rôle et la mission des personnels non-enseignants, qui a permis la revalorisation de leur fonction au travers du protocole Durafour ;
 - le plan université 2000, etc.

Depuis 93, et malgré toute la mise en scène promotionnelle autour de la concertation organisée par le ministre, il faut bien se rendre à l’évidence que rien de réellement significatif pour la transformation de l’école n’a émergé ! Faut-il s’en étonner dès lors qu’il a choisi de privilégier certaines orientations syndicales.

Cependant, il est vrai que notre ministre est maintenant devenu un chantre de la laïcité. Pour le critiquer sans ménagement, je dois dire que sur certaines questions comme le « foulard », il aura été parfois plus clair que d’autres.

Laïcité – liberté – justice

Ceci m’amène à parler de laïcité, de liberté et de justice.

Nous avions ouvert le congrès de Tours sur le succès de la manifestation laïque du 16 janvier 1994.

Aujourd’hui encore, ce crédit acquis alors, auprès de l’opinion publique, reste intact. Cette victoire politique a permis de ne plus craindre, dans l’immédiat du moins, d’aggravation de la législation en cours. Ce constat est d’autant plus vrai qu’il se double d’une victoire juridique obtenue devant le Conseil constitutionnel. L’arrêt rendu a interdit la référence à la loi Falloux pour justifier l’augmentation du financement public des établissements privés… Mais nous avons dû rester très vigilants car nombre de collectivités locales continuent leur croisade et, au mépris de la loi, poursuivent le financement des établissements privés. Dans la dernière période, nous avons dû d’ailleurs, multiplier, vous le savez, les recours juridiques.

Mais est-ce dans un département comme l’Ille-et-Vilaine où l’on compte encore 87 communes où l’école publique est bannie et où le seul choix des citoyens est de mettre leurs enfants à l’école catholique ou de les inscrire loin de chez eux.

N’oublions pas que ce combat est toujours d’actualité, dans l’ouest comme ailleurs. Ceux qui, au départ, en juin 93, se tenaient à l’écart du mouvement qui a abouti à la manifestation du 16 janvier 1994, ont essayé, par la suite, de tirer profit de ce double succès. Mais bien vite, chacun a pu se rendre compte que le « Collectif du 16 janvier » et « Carrefour laïque » par la suite ne servaient en fait, pour certains, que de tribune pour faire valoir des revendications exclusivement corporatistes. Avec nous, nombre d’organisations de ces deux collectifs successifs dénoncèrent, à juste titre, ces dérives des syndicats de la FSU.

Dans le même temps, le CNAL a continué sa mission et il entend plus que jamais occuper ce terrain de la laïcité, non seulement sur le champ de l’école, mais aussi pour toutes les questions de société. La FEN, bien évidemment, s’inscrit dans cette démarche de promotion de la laïcité avec les organisations constituant le CNAL. Car l’unité là aussi n’a de sens que si elle s’inscrit dans une approche commune de ce concept de laïcité.

Il faut noter, qu’au cours des trois dernières années, la seule fois où nous aurions pu nous retrouver dans une démarche largement unitaire, c’est à l’occasion de la commémoration du baptême de Clovis. Or nous avons pu constater, à nouveau, des divergences d’approche considérables entre :

 - ceux qui ont longtemps tergiversé pour savoir ce qu’il fallait faire, et je pense toujours aux syndicats de la FSU ;
 - ceux qui s’opposent à la venue du pape et qui s’inscrivaient donc dans une démarche antireligieuse ;
 - et le CNAL qui s’est situé dans une logique s’opposant au cléricalisme des représentants de l’État et des collectivités qui soit finançaient, soit promouvaient (ou les deux) la venue du pape et la commémoration du baptême de Clovis en lui donnant un sens particulier qui insultait l’histoire et les valeurs de la République.

L’annonce de la nouvelle venue du pape, en août prochain, à l’occasion de « l’année mondiale de la jeunesse » et surtout, une fois de plus, les conditions de préparation de ce voyage, nous ont déjà amenés à protester. Ce qui se prépare conduira sans aucun doute la FEN, dans le cadre du CNAL, à engager de nouvelles actions nécessaires.

La laïcité n’est plus cet épouvantail brandi, hier encore, par les cléricaux. Au contraire, elle est parfois avancée comme une référence par nombre de ceux qui la combattaient. Mais c’est souvent pour mieux la contourner, ou pour s’en servir contre d’autres cléricalismes, d’autres intégrismes. Ne soyons donc pas naïfs, malgré cette première victoire.

Il faut en effet aller plus loin, car les pratiques nous montrent que le concept est loin d’être réellement partagé et appliqué. Comment peut-on parler de laïcité quand l’exclusion, mais aussi le racisme, progressent au rythme de la fracture économique et sociale entre citoyens ?

Chacun pense ici à Vitrolles, à Toulon, à Orange et à Marignane. Au Théâtre national de la danse et de l’image, à son directeur, Gérard Paquet, que nous avons invité à ce congrès et qui prendra la parole devant vous cet après-midi. Nous pensons à tous ces lieux, à toutes ces circonstances où les valeurs républicaines sont mises à mal par le populisme, et les dérives fascisantes qui progressent de manière inquiétante.

Il ne suffit plus de condamner les thèses xénophobes de l’extrême droite, il faut les combattre et les combattre sur tous les terrains.

L’école laïque est le creuset où se forge l’apprentissage des valeurs républicaines, où s’apprend la démocratie, c’est dire l’importance de notre responsabilité d’éducateurs. Comme le déclare le CNAL dans son communiqué du 19 février : « Nous avons une mission spécifique et nous devons nous investir massivement dans la tâche de reconstruction du tissu social républicain. »

« Il est plus tard que nous le pensons », écrivait récemment Patrick Kessel, président du comité Laïcité-République1.

Avec lui, ne devons-nous pas nous demander si la démocratie ne tourne pas à vide, si la République ne sonne pas le creux lorsqu’autant de Français considèrent que le FN est un parti comme les autres, qu’il a sa place au Parlement ?

Avons-nous à ce point perdu nos repères pour oublier qu’Hitler a conquis démocratiquement le pouvoir ?

Et je cite encore le même auteur : « N’y aurait-il plus que les communautaristes, les xénophobes ici, les intégristes là, objectivement complices, pour proposer un avenir alternatif ? »

Je me permets ici une parenthèse : chacun aura remarqué que ces mêmes communautaristes sont partis, une fois de plus, en croisade contre une affiche de cinéma.

Mais pour en revenir à notre sujet, est-il supportable qu’un préfet de la République manœuvre pour permettre au maire de Toulon de mettre à mal le théâtre de Châteauvallon et se fasse l’instrument d’une mise au pas de la culture dans cette région ? N’est-ce pas l’honneur de la FEN d’avoir combattu, il n’y a pas si longtemps, concrètement, les dictatures des divers Pinochet d’Amérique latine, comme les régimes staliniens à l’est de l’Europe, et qui tous entendaient mettre au pas la pensée en opprimant l’éducation et la culture.

Si nous restions silencieux ou inertes aujourd’hui, ne trahirions-nous pas et notre histoire, et notre mission d’éducateurs. Est-ce trop de paroles ou est-ce trop de silence sui conduisent aux nuits de cristal ?

Et en ce qui concerne la toute dernière loi Debré, fallait-il se taire, obéir par avance à une loi projetée, où comme le dit si bien J. Claude Villain2, écrivain et philosophe : « la France… sacrifie les valeurs qu’elle a, la première, posées à la face du monde et qui lui ont valu une souveraineté morale incontestée ».

Et à ce propos est né dans notre pays un débat intéressant, mais qui n’est pas nouveau, autour de la question de la « désobéissance civique ».

Le débat n’est pas nouveau en effet et ne remonte pas seulement à l’opposition aux lois de Vichy, à la Résistance. Ces quelques lignes de Benjamin Constant – un des théoriciens du libéralisme en France – et écrites en 1806, n’ont pu échapper à nos gouvernants : « L’obéissance à la loi est un devoir ; mais comme tous les devoirs, il n’est pas absolu, il est relatif ; il suppose que la loi part d’une source légitime, et se renferme dans ses justes bornes. Mais aucun devoir ne nous lierait envers des lois qui, non seulement restreindraient nos libertés légitimes et s’opposeraient à des actions qu’elles n’auraient pas le droit d’interdire, mais qui nous en commanderaient de contraires aux principes éternels de justice et de pitié que l’homme ne peut cesser d’observer sans démentir sa nature… »

Il est nécessaire d’indiquer les caractères qui font qu’une loi n’est pas une loi…

La rétroactivité est le premier de ces caractères…

Un second caractère d’illégalité dans les lois, c’est de prescrire des actions contraires à la morale. Toute loi qui ordonne la délation, la dénonciation, n’est pas une loi ; toute loi portant atteinte à ce penchant qui commande à l’homme de donner un refuge à quiconque lui demande asile n’est pas une loi. Le gouvernement est institué pour surveiller ; il a ses instruments pour accuser, pour poursuivre, pour livrer, pour punir ; il n’a point le droit de faire retomber sur l’individu, qui ne remplit aucune mission, ces devoirs nécessaires mais pénibles…

Et il ajoutait :
Anathème et désobéissance à la rédaction d’injustice et de crimes décorée du nom de loi. Un devoir positif, général, sans restriction, toutes les fois qu’une loi paraît injuste, c’est de ne pas s’en rendre l’exécuteur. »

Il n’y a rien à ajouter.

La FEN, fidèle à son histoire, s’est opposée à toute démarche fondée sur l’exclusion, la haine raciale et la remise en cause des libertés individuelles et collectives.

Elle a, en conséquence, condamné cette loi liberticide. Citoyenneté, laïcité, droits de l’homme et solidarité sont des valeurs cardinales pour lesquelles notre intransigeance ne peut faiblir. Elles fondent l’identité d’une organisation d’éducateurs qui, depuis l’origine, a construit son action sur ces repères essentiels. N’est-ce pas ce qui nous a justement historiquement toujours différenciés de beaucoup d’autres.

La loi qui sera sans doute votée demain, au lieu de se situer dans une démarche d’apaisement, est effectivement apparue comme une fuite en avant devant les thèses du Front national. Mais le débat n’en est pas pour autant terminé. Attendons, le cas échéant, l’avis du juge constitutionnel. Mais n’oublions surtout pas que cette loi avait, paraît-il, initialement pour but de porter remède aux incohérences issues des législations précédentes (lois Pasqua et Méhaignerie) mises en évidence avec l’affaire dite des « sans-papiers ». Chacun se souvient, par exemple, des « non régularisables, non expulsables ».

D’insupportables menaces vont continuer à peser sur les étrangers installés depuis longtemps dans notre pays. Et surtout, ce texte, malgré les modifications apportées à l’article premier, n’apporte aucune réponse aux problèmes de fond. Si la maîtrise des flux migratoires est une nécessité, il faut s’en donner les moyens par une véritable politique de coopération internationale de développement en faveur des pays d’origine et une répression sans ambiguïté de l’offre de travail clandestin.

Alors il n’est que temps de réhabiliter la politique, le débat d’idées, tout ce que d’aucuns appellent idéologie. Il est temps de dire et de redire à tous ceux qui se fourvoient l’avenir que leur réservent les forces qu’ils soutiennent. Il faut leur expliquer quel type d’éducation on réserve à leurs enfants. Mais surtout il est temps de montrer, et d’abord aux hommes politiques, qu’il ne faut pas se tromper de combat et ne pas prendre l’effet pour la cause. Je partage encore l’opinion de P. Kessel : « Quand douze millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, que dans la patrie des droits de l’homme se trouvent de plus en plus de femmes et d’hommes dont on dit qu’ils sont en fin de droits. Si les mots ont un sens, cela signifie qu’ils ne sont plus citoyens, qu’ils ne sont plus rien ! Qu’est-ce qu’un citoyen sans droits sociaux ? Quelle perspective ouvrons-nous à ceux qui ont vingt ans… ? » 3

Après la guerre d’Algérie sortait ce film, réflexion sur une génération perdue « Avoir 20 ans dans les Aurès ».

Mais aujourd’hui quel sens cela a-t-il d’avoir 20 ans à La Courneuve, aux Minguettes ou dans tant d’autres cités ghettos ? C’est sur ce terrain d’abord que prospère la « bête immonde » – comme disait B. Brecht – dont les effets ont meurtri le siècle.

Cela, c’est-à-dire les vraies causes de ce profond malaise, Alain Juppé ne l’évoque qu’au détour d’un paragraphe et de manière fort ambiguë, dans son adresse publiée dans « Le Monde » du 26 février.

Puisse-t-il méditer sur cette pensée de Camus : « Le vrai désespoir ne naît pas devant une adversité obstinée, ni devant une lutte inégale. Il vient de ce qu’on ne connaît plus ses raisons de lutter et si, justement, il faut lutter. »4

Bien cerner les causes des dérèglements de notre société et s’y attaquer, c’est recréer l’espoir d’une autre vie.

C’est aussi montrer à d’autres une voie, offrir une perspective pour sortir de l’impasse dans laquelle s’enfonce, par exemple, l’Algérie que j’évoquais à l’instant. Car méfions-nous, c’est sur le désespoir que trébuchent même les démocraties.

Défendre les libertés, la justice, c’est le sens de toute notre action internationale au sein de l’IE, avec d’autres partenaires comme en Bosnie ou en Haïti, ou encore en bilatéral avec de nombreux partenaires syndicaux africains. Mais je vous renvoie ici au rapport d’activité écrit.

À propos de la Bosnie, je vous précise que nous lançons actuellement notre campagne de solidarité.

Si je devais résumer notre ligne permanente, je dirais que nous cherchons partout à conforter l’espoir.

Conclusion

J’ai commencé mon propos par un regard sur nous-mêmes et je voudrais, pour conclure, y revenir.

Dans un secteur important, nous avons subi un échec. Sans nier nos propres erreurs, gardons-nous, dans le débat qui va suivre, de ne chercher qu’un seul responsable. Les causes sont multiples. J’ai essayé d’en cerner quelques-unes et de montrer aussi la réalité d’une activité de trois années.

Mais prenant en compte ce qui s’est passé, il faut avant tout réagir.

Sommes-nous suffisamment proches des adhérents, des personnels, des lieux d’exercice du métier où, confrontés au quotidien, nos collègues ont besoin d’une force syndicale qui écoute, comprend, partage leurs préoccupations en les intégrant dans un ensemble plus large ? Ensemble, posons-nous lucidement et honnêtement cette question. Nous savons bien que nous avons un déficit militant qui a trop laissé le champ libre à nos concurrents.

C’est d’abord à chacun des syndicats d’analyser son fonctionnement et d’en tirer les conséquences, car c’est sur le lieu de travail : dans l’école, le collège, l’université, le service, que l’organisation puise sa légitimité. C’est le syndicat qui fait des adhérents, c’est le syndicat qui, au contact du terrain, est d’abord l’interlocuteur qui écoute, répond, intervient, propose.

Les choix fondamentaux que nous opérons doivent être mieux articulés avec l’action quotidienne. Ces choix fondamentaux doivent être des choix collectifs que les adhérents s’approprient parce qu’ils ont participé à leur élaboration. L’écart est aujourd’hui sans doute trop grand entre les militants aux différents niveaux, les adhérents, et plus largement encore, l’ensemble des personnels. Il est préjudiciable à l’organisation parce que la distance génère indifférence, méconnaissance, parfois méfiance, et même rejet. C’est à cela qu’ensemble il nous faut remédier. Dans les syndicats et aussi dans la FEN, car tout est lié et dépendant.

La FEN est une fédération de syndicats nationaux auxquels, depuis Clermont-Ferrand, nous avons choisi de redonner toute leur place, toute leur légitimité. Mais certes dans des conditions brouillées pour l’époque par l’action de l’anti-FEN. Choix confirmé ensuite à Perpignan.

Se fédérer est un choix. C’est la volonté unitaire de dépasser le seul champ d’activité corporatif. Ce choix a été clairement affirmé, sans le moindre doute, entre les syndicats et leur fédération.

Se fédérer, c’est mettre en commun des champs de responsabilités, ce n’est pas abandonner des champs de compétences. Se fédérer, c’est partager les responsabilités tant dans l’élaboration des décisions que dans leur application.

« Positionner » fermement la FEN sur le terrain de l’éducation, de la recherche, de la culture et de la justice, en clarifiant les champs de responsabilité des syndicats, d’une part, de l’UNSA, d’autre part, est tout aussi nécessaire. Il faut que notre message soit clair. Il aidera à rendre notre image plus nette et notre expression mieux comprise.

Je crois en effet fortement à la nécessité de mieux nous identifier dans nos professions. Mieux valoriser ce que nous sommes, les valeurs que nous défendons, le syndicalisme que nous pratiquons. Car c’est autour de leurs métiers que se rassemblent les personnels. C’est là, et d’abord là, qu’ils attendent réponses, relais, appuis de l’organisation syndicale. C’est sur ces aspirations que le syndicalisme peut construire ses revendications, élaborer ses projets. Je suis convaincu que c’est d’abord cela que les personnels attendent de nous, plutôt que des discussions byzantines sur nos structures. C’est par là que l’on regagnera leur confiance. Mais j’ajoute que les idées justes ont peu d’impact s’il n’y a pas de militants pour les promouvoir.

Clarifier notre message et notre image, c’est demander à l’union que nous avons constituée, il y a quatre ans, d’exercer pleinement sa responsabilité sur les champs transversaux recouvrant les préoccupations communes de ses composantes. C’est ainsi que se forge une identité. Une identité affirmée qui fasse qu’on est « de » l’UNSA et pas seulement « dans » l’UNSA.

Mais demander à l’UNSA d’exercer cette responsabilité, serait-ce nous désengager, nous désinvestir, abandonner ces terrains ? Comment pourrions-nous alors participer pleinement à l’élaboration des prises de positions et de décisions de l’UNSA ? N’est-ce pas plutôt en y apportant notre expérience, notre capacité militante, notre réflexion et notre expression qui traduisent les valeurs dont nous sommes porteurs et sur lesquelles nous sommes intransigeants ?

L’UNSA détient sa force de la force même de ses composantes. Tout comme la FEN tient sa force de la force de ses syndicats. Occulter la FEN serait affaiblir l’UNSA, serait priver les adhérents de nos syndicats de ce point de repère que nous avons mis des années à construire. Ce serait leur confisquer une identité qui les a historiquement rassemblés.

Il faut que l’UNSA apparaisse bien comme un plus pour la FEN. C’est lorsque nos adhérents retrouveront aisément dans l’UNSA les positions, les principes et les valeurs qui fondent l’identité de la FEN qu’ils cesseront de s’interroger sur ce qui rassemble nos organisations dans notre union. Sachons avancer dans cette voie, sans précipitation. Faisons le choix d’évolutions intériorisées plutôt que décrétées. Prenons garde à ce que des collègues, qui ne percevraient plus clairement l’identité de la FEN, ne se tournent alors vers la FSU.

Il ne s’agit bien sûr pas de clore un débat avant qu’il soit ouvert. Ce congrès devra tracer des pistes d’avenir, débattre des propositions avancées. C’est pourquoi nous avons voulu y consacrer une journée entière de débat en commission, avant de revenir en séance plénière.

Mais ce débat sur la place, le rôle respectif des uns et des autres ne peut se conduire indépendamment d’une réflexion sur l’UNSA elle-même, son devenir, les perspectives, les options ou les choix à faire, les difficultés à surmonter.

Investir le champ de l’interprofessionnel n’est pas une entreprise aisée. Il faut être en capacité de défendre effectivement les travailleurs de ces secteurs. La réaction des confédérations qui, tout récemment, viennent d’écrire ensemble au Premier ministre pour lui demander de réglementer le droit de présenter des listes aux prochaines élections prud’homales marque bien leur volonté de préserver leur monopole de représentativité.

La FEN, pour sa part, n’a cessé d’affirmer que l’UNSA n’était pas une fin en soi. Ne faut-il pas vérifier si dans l’UNSA tous nos partenaires partagent réellement ce point de vue ?

Mais au-delà, quelles perspectives, avec quels partenaires ?

Le mandat du congrès de Tours était celui-ci : « Notre objectif est de contribuer à construire un regroupement confédéral du mouvement syndical réformiste fondé sur les valeurs de solidarité, de liberté et de laïcité, renonçant aux vaines utopies révolutionnaires, œuvrant pas à pas pour changer l’ordre économique et social du monde dans le sens de la justice sociale. » C’était il y a trois ans. Au-delà des mots, l’objectif reste-t-il le même ? Et dans l’affirmative nous savons bien que nous n’aurions pas à décider seuls de l’avenir. S’il est nécessaire de savoir ce que l’on souhaite, de se fixer des objectifs, il faut néanmoins être conscient qu’il y a une marge entre l’ambition et la réalité.

Ces réflexions qu’il nous faut conduire sur notre devenir sont bien entendu également indissociables du choix du syndicalisme que nous avons fait : un syndicalisme de transformation sociale.

Il n’y a qu’en France que le partage des rôles entre, d’un côté, un syndicalisme protestataire – donc qui défend et agit – de l’autre, un syndicalisme négociateur – donc qui propose et passe des compromis – est aussi nettement affiché. Le partage, voire la dichotomie développés parfois tournent à la caricature. Le syndicalisme qui ne remplit pas ces fonctions, ne remplit ni son rôle social, ni sa mission.

Théoriser sur ces définitions ne sert d’ailleurs à rien, c’est la pratique qui est essentielle, car c’est elle qui fait la différence.

Le syndicalisme doit développer à la fois une fonction de contestation et de dénonciation, une fonction de proposition et de négociation s’il ne veut pas laisser le champ libre aux seuls politiques pour mettre en œuvre, voire imposer leur projet. C’est ce syndicalisme de la responsabilité que nous avons toujours privilégié.

L’histoire du syndicalisme français montre d’ailleurs que ceux qui combattaient ou combattent cette dernière mission, laissaient ou laissent le champ libre à un seul parti… hier autoproclamé « parti de la classe ouvrière ».

Dans un contexte social difficile, où le grain à moudre se fait rare, gardons-nous de nous laisser entraîner, au nom d’une artificielle unité, dans une logique où la démagogie et le populisme exploitent les colères et les mécontentements, se nourrissent du désarroi, de la crainte du lendemain et du doute devant des repères qui vacillent.

Ne laissons pas cette dérive l’emporter sur l’efficacité, la lucidité et la vérité.

Maintenons le cap d’un syndicalisme qui intègre et exprime la colère, les mécontentements, le désarroi, le doute, les attentes et les préoccupations, par l’action sans complaisance lorsqu’elle est nécessaire. Un syndicalisme qui construit ses revendications et les met en cohérence, propose les réformes nécessaires avec pour objectif cette société de liberté et de justice qui nous fait tant défaut.

Maintenons donc, ensemble, le cap de la responsabilité.

1 In « Le Monde » 13 février 1997.
2 Écrivain et professeur de philosophie.
3 P. Kessel.
4 A. Camus in « Actuelles ».


Réponse du secrétaire général à l’issue du débat sur le rapport d’activité

Le président : La parole est au secrétaire général pour la réponse.

Guy Le Néouannic : Réponse ? Je ne sais pas.

C’est vrai que nous sommes dans une situation un peu particulière au terme de ce débat sur un rapport d’activité… qui sera approuvé… malgré une série d’interventions qui pouvaient parfois laisser penser le contraire.

En fait, notre débat s’est focalisé sur deux ou trois questions essentielles. Essentielles parce que sensibles. Pourtant chacun sait que ce n’est pas, bien évidemment, à cela que s’est limitée une activité dense, riche, au jour le jour.

Mais, et c’est un peu la règle du genre, ce qui ne pose pas de problème est considéré comme normal et nous n’y passons pas trop de temps.

Parfois, devant certaines critiques, j’avais envie de dire avec Verlaine : « dis, qu’as-tu fait toi que voilà, pleurant sans cesse ? ».

Une situation paradoxale, car une réponse est aujourd’hui un pont vers l’avenir. Or, ici, j’ai, en quelque sorte, un « devoir de réserve ».

Je me limiterai donc au rôle qui est le mien, et je ne voudrais pas aller au-delà. Je voudrais commencer par remercier Hervé Baro pour cette phrase de son intervention : « un désaccord, une divergence ou une nuance d’appréciation ne peuvent faire oublier l’essentiel, c’est-à-dire notre accord global sur une orientation partagée… ».

Et je voudrais bien qu’au-delà de cette salle, ceux qui commentent nos travaux n’oublient pas que c’est là l’essentiel et c’est ce qui nous rassemble. Et c’est ce que, malgré tout, vous avez tous voulu exprimer.

« Accord global sur une orientation partagée », j’ajoute personnellement : « une orientation et une action conduites ensemble », car je veux le rappeler : le débat, le jugement, portent sur l’activité, non pas du secrétaire général, mais du bureau fédéral national, disons au moins de l’exécutif fédéral national, auquel participent tous les grands syndicats, toutes les semaines, pour ne pas dire tous les jours.

Alors, lorsqu’Hervé ajoute : « le message de la fédération doit être clarifié, il doit être beaucoup plus revendicatif, beaucoup plus offensif » et je suis d’accord. J’apprécie ici une certaine forme d’autocritique collective.

Mais je ne confonds pas le secrétaire général du syndicat des enseignants, aujourd’hui, dans son rôle, porteur de l’expression de son syndicat – de mon syndicat – et le co-responsable de l’activité que nous jugeons.

En ce qui me concerne, j’assume, c’est mon rôle, les choix que nous avons faits collectivement.

Mais je reviendrai, bien sûr, sur notre message, sa perception, cette nécessité d’être effectivement mieux perçus, mieux compris, mieux entendus parce que mieux à l’écoute. Toutes choses que je partage, que j’ai voulu exprimer hier matin dans un but constructif, tant il est vrai que l’avenir de la FEN et l’avenir de chacun de ses syndicats nationaux sont irrémédiablement liés.

Vie interne

Mais avant d’en venir à ce qui a fait l’essentiel des interventions, je veux dire à tous les camarades qui sont venus, à juste titre, rappeler toutes les questions non encore résolues, toutes les revendications, que le succès ne dépend pas de la seule, la bonne volonté de la FEN :

 - qu’il s’agisse du Durafour et des ingénieurs d’étude (je cite Gérard Marien) ;
 - ou du statut des psychologues (je cite Annie Groleau), secrétaire générale du SNPSYEN.

Ou encore :

 - des demandes du SIRN ;
 - de toutes les demandes que les syndicats nationaux sont venus rappeler parce qu’elles constituent en fait cette attente des personnels, nous savons bien que nous sommes dans une situation où nous avons à nous battre rudement et ces demandes, en fait, démontrent toute la nécessité d’une organisation syndicale forte, susceptible de créer le rapport de force nécessaire pour la satisfaction de nos revendications.

Ce sont, bien entendu, autant de points différents qu’il va vous falloir rappeler dans nos mandats pour l’avenir. Et je renvoie là nécessairement à la résolution générale.

Psychologiques scolaires

Je renvoie notamment à cela nos amis du SNPSYEN sur la question du statut des psychologues scolaires, et Annie Groleau a eu raison de dire, avec quel mépris parfois, le ministère de l’Éducation nationale nous traite. Mais là aussi, il faut bien voir pourquoi il y a ce refus de prendre en compte un certain nombre de nos collègues et de leur accorder ce type de statut. C’est tout simplement parce qu’il y a d’autres personnels qui s’y opposent, mais ils ne sont pas chez nous.

« Service d’aide à l’enfant »

Même chose en ce qui concerne cette proposition de service d’aide à l’enfant, que tu suggères, que tu souhaites. Je pense qu’il faut étudier les conditions de mise en application de cette perspective. Mais cela rejoint je crois, fondamentalement et totalement, cette grande idée que nous avons avancée du « travailler autrement » du « travailler en équipe ».

Charte des handicapés

Sur la charte des handicapés par contre, je regrette un peu ton intervention Annie. Parce que c’est un travail remarquable qui a été accompli au travers de la mise en forme de ce texte important avec les organisations qui y ont travaillé et qui s’y sont engagées. Je crois que c’est cela l’essentiel malgré l’amertume que tu as pu ressentir sur la question de la conférence de presse, où malheureusement d’ailleurs il n’y avait qu’un seul journaliste de l’agence France Presse. Mais c’est vrai qu’il n’y avait pas de « sang à la une » et que nous travaillions des dossiers de fond.

SNIES

J’ai aussi une petite amertume parce que je vais vous faire une confidence mes amis, je n’ai pas bien compris encore à cette heure, pourquoi l’un de nos syndicats nationaux, le SNIES, vote de la manière dont ça a été présenté hier, le rapport d’activité. J’invite vraiment nos camarades infirmières et infirmiers à se rapprocher de leur fédération, à travailler ensemble pour dépasser ce qui me semble être conjoncturel, peut-être à partir d’une difficulté, d’un trouble face à une concurrence nouvelle dans ce secteur. Nous y sommes prêts, et la nouvelle équipe que vous désignerez bientôt y sera prête, j’en suis convaincu.

Un regret encore, c’est que nous n’avons pas pu réaliser la plaquette qui expliquait les missions des personnels IATOSS et promouvoir leur rôle éducatif, justement parce que le SNIES ne nous a pas communiqué tous les documents que nous attendions. Alors travaillons ensemble, dépassons ces difficultés conjoncturelles.

SNATE

C’est aussi sur un petit problème, mais important pour le syndicat, qu’Annie Bayens, au nom du SNATE, est venue nous dire deux ou trois choses. C’est vrai, elle a fait, dans son intervention, allusion à un « coup de menton de la FEN à Uniformation » comme elle dit. Il s’agit, c’est vrai, d’une appréciation divergente entre la FEN et son syndicat à propos du renouvellement de la présence d’Uniformation, des instances d’Uniformation en décembre 1996.

Il faut se rappeler qu’historiquement la FEN a participé, en 1972, à la création d’un organisme de collecte de fonds de la formation professionnelle continue du secteur de l’économie sociale.

Membres des instances d’administration d’Uniformation depuis l’origine, depuis cette date, la FEN a donc fait siéger deux de ses syndicats directement concernés : le SNATE et le SNPCE. Et c’est vrai que la loi récente, la loi quinquennale de décembre 1993 et les accords interprofessionnels ont modifié les règles concernant les organismes de collecte devenus depuis OPCA.

Ces transformations ont imposé une réorganisation d’Uniformation qui ne s’est pas faite dans l’unanimité des représentants salariés dont fait partie la FEN.

Je veux considérer, pour ma part, après l’intervention d’Annie, que le débat est clos sur cet incident, mais qu’il nous reste à trouver ensemble les meilleures voies pour concilier les intérêts de la fédération qui sont aussi nécessairement ceux de ses syndicats, et réciproquement, et la spécificité du secteur d’intervention de nos syndicats qui agissent là dans un secteur régi par le code du travail.

La Réunion

Il a été aussi, à plusieurs reprises dans ce débat-question, puisque c’est l’actualité brûlante, de la situation à l’île de La Réunion.

Hier matin, j’ai à nouveau saisi le ministre de l’outre-mer de cette question, en lui demandant une nouvelle fois directement de renoncer à son projet. De renoncer à un projet qui, comme cela a été dit, institue de fait une fonction publique à deux vitesses. Un projet qui met le feu aux poudres, un projet qui a enclenché tout un processus de révolte dans l’île, de révolte et de répression.

Le ministre de Peretti me semble un bon ministre de ce gouvernement, entendez par là qu’il est aussi sourd que le Premier ministre. Il vient d’adresser au collectif une lettre dont je vous lis un passage : « Une réforme inscrite dans le cadre global du développement économique et de l’emploi me paraît indispensable. Personne n’a dit le contraire. À l’issue des assises, j’ai proposé des modalités et les ai soumises à discussion, je confirme bien qu’il ne s’agit pas de décision, et je suis tout à fait ouvert à d’autres propositions qui émaneraient des responsables réunionnais et qui auraient fait l’objet localement d’un débat. »

Moi, je traduis que ce ne sont pas des décisions, mais je maintiens mes propositions.

Je traduis, ce ne sont pas des décisions, mais faites-moi la démonstration que vous êtes capables d’en proposer d’autres ! Et après ce qu’a dit Robert André sur la situation de certains responsables réunionnais, on voit bien que les choses risquent bien d’être plus, derrière ces formules-là, un calcul politique, voire politicien, qu’une vraie réponse à un vrai problème.

Alors je constate, moi, que cette lettre marque toujours la même attitude du gouvernement qui, lorsqu’il se fourvoie, s’obstine, hésite, tergiverse, nie la réalité. C’est la stratégie du pourrissement.

Alors, que faire d’autre que continuer ? Que continuer à se battre ! Et je souhaite que ce congrès apporte à nouveau son soutien à nos camarades réunionnais.

Mais le ministre doit savoir qu’il portera toute la responsabilité de ce qui pourrait arriver. Et il sera trop tard après pour le regretter.

Mouvement social

Sur ce qui a été très largement au centre des débats. Ce qu’on peut qualifier, qu’il faut qualifier d’ailleurs de mouvement social de 95 à aujourd’hui.

Auto-flagellation ou auto-justification, j’ai entendu les deux mots, j’en avais employé un, moi-même, hier matin, je crois qu’il n’y a pas entre nous d’un côté ceux qui détiendraient la vérité et taxeraient ceux qui expriment leur conviction de s’auto-justifier.

Gérard Paquet disait, hier à cette même tribune : « l’Homme est un animal particulier, sa connaissance du réel n’est que le reflet de la représentation qu’il s’en fait ».

Je pense que c’est profondément juste. Mais c’est aussi peut-être pour cela que nous avons parfois des difficultés à bien nous comprendre, car nous ne nous faisons pas toujours la même représentation de la même réalité. C’est cela qui doit, je crois, nous inciter à la modestie aussi dans nos jugements.

Vous avez été nombreux à critiquer, voire à stigmatiser la gestion de la fin du conflit de 95 par la FEN.

Lucette Morand, disait : « La FEN continuera à dégringoler en entraînant tous les syndicats dans la chute si elle continue sur la ligne qu’elle conduit aujourd’hui. »

Pourquoi considérer a priori et exclusivement, ce que Hervé Baro n’a pas fait, que l’affaiblissement de nos syndicats viendrait de l’image, de la pratique et de l’action de leur fédération ?

Nous sommes tous co-responsables, même si, comme j’ai tenu à le faire d’entrée dans le rapport moral, en toute lucidité et sans concession, la fédération doit faire sa propre autocritique quand il y a problème.

Je tiens à dire que la FEN n’est forte que lorsque ses syndicats sont forts. Et s’affaiblit quand ses syndicats subissent des revers. Je n’ai pas dit autre chose.

La poursuite de l’affaiblissement des uns ou des autres, c’est de toute façon l’affaiblissement de tous, c’est comme cela que ça se passe. Je le répète, comme je vous disais hier dans le complément au rapport moral « se fédérer, c’est partager les responsabilités tant dans l’élaboration des décisions que dans leur applications ».

Pour le conflit de décembre 1995, Lucette Morand tu as été franche, je le serai aussi. Paris, ce n’est pas rien, même si nous sommes à Rennes. Ce n’est pas rien parce que, malheureusement, tout ce qui s’y passe prend une importance sans commune mesure avec ce qui se passe dans le reste du territoire. Et lorsque ça se passe mal à Paris, c’est l’image de toute l’organisation qui en subit les conséquences. Alors, tu nous as reproché de n’avoir pas défilé à Paris le 12 décembre.

J’y étais, nous y étions, quelques-uns. La région avait appelé… combien avaient répondu ? Pourquoi si peu ? Combien avaient résisté au bout de quatre ou cinq heures. Pourquoi si peu ? Est-ce qu’il n’y a pas là à s’interroger sur notre façon de travailler au plus près du terrain ?

Parqués dans un coin, après une attente de plusieurs heures, une trentaine de militants ont fini par renoncer.

Ah ! si, comme dans le Cid, nous étions partis 500, mais par un prompt renfort, nous étions parvenus des milliers au port… Mais ce n’était pas le cas !

Pourquoi donc, d’autres arrivent-ils à mobiliser et pas nous ?

Il te faut répondre Lucette à cette question, à Paris comme ailleurs, lorsque nous avons des problèmes et ne pas renvoyer sur d’autres toutes les responsabilités. Alors mouvement « mal géré sur la fin », oui. Oui, je l’ai dit sans ambages hier.

Il aurait fallu s’y prendre autrement. Je peux vous faire une confidence : nous ne l’avons pas fait volontairement !

Consulter, laisser les sections gérer les questions aujourd’hui au plus près du terrain. Je crois que c’est l’une des évolutions indispensables de notre syndicalisme. Mais j’allais dire, ça c’est pour la forme. La forme est importante. Je ne veux pas la distinguer totalement du fond. Mais Patrick Gonthier est venu dire autre chose. Il faut, disais-tu, Patrick, dépasser le stade trop facile des constats et, si j’ai bien compris, mais tu as lu ton texte de manière très rapide, si j’ai bien compris, tu nous as reproché de ne pas avoir compris que d’un conflit conjoncturel, nous étions passés à l’expression d’un profond malaise social.

Je m’inscris en faux si c’est ça que tu as voulu dire.

Dans l’éditorial du FEN-Actualité que j’ai écrit le 17 décembre 1995, je concluais : « Cette crise a effectivement mis en évidence :

 - l’absence quasi systématique de dialogue social dans notre pays ;
 - la déception, l’amertume et le rejet d’une société assujettie aux diktats des économistes tenants de la “pensée unique” ;
 - le rejet des méthodes autoritaires du gouvernement ;
 - l’angoisse de l’avenir qu’exprimaient entre autres, dans le même temps, les mouvements étudiants… » (Tu vois Jean-Paul Lecertua, nous ne les avions pas oubliés !)

… « Tout ceci ne se réglera pas, car les grèves continuaient, par un pourrissement de la grève. Il faut d’autres projets de société, d’autres méthodes dans les relations sociales et à tous les niveaux, un autre comportement du politique, mais aussi un syndicalisme qui sache s’éloigner du populisme.

Faute de cette réflexion et de changements radicaux de comportements, de nouvelles déceptions se préparent, et un jour ou l’autre, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Alors oui, nous avons gagné, mais il reste tant à faire. » Nous avions parfaitement analysé que nous étions en pleine crise sociale et d’ailleurs, c’est le titre d’un éditorial qu’Alain Olive avait signé dans FEN-Hebdo à la même époque.

Mais là aussi, et c’est à Pascal Priou que je m’adresse. Tu as dit, que nous avions été absents du seul mouvement social depuis 1968. Je crois quand même que Gérard Contremoulin, dont ce n’est pas toujours la première qualité, a, là, été plus sérieux quand il a dit que notre action a été exemplaire pendant 4 mois… et qu’en 24 heures, nous avons beaucoup perdu.

Mais dire que nous avons été absents de ce mouvement social ! Je crois quand même qu’il y a des effets de tribune qui, lorsqu’ils sont reproduits auprès de nos adhérents finissent par laisser entendre que ce que l’on affirme est vrai. C’est ainsi que le faux devient progressivement vérité.

Alors, je le répète : il faut assumer les choix que nous avons faits ensemble et qui sont devenus les mandats de l’organisation.

Je reconnais Pascal que la FEN est et était en désaccord avec notre positionnement au regard du plan Juppé sur la Sécurité sociale. C’est son droit. À mon sens, c’est une erreur mais… mais la FEN 44 ne peut pas nous critiquer pour avoir appliqué les mandats sur lesquels une écrasante majorité dans la FEN, et dans l’UNSA, était d’accord.

Je dis que la FEN 44 a tort, car je crois que vous vous êtes trompés d’enjeux. Le problème n’était pas de savoir s’il fallait ou ne fallait pas faire confiance à la droite.

Faire confiance à la droite ? Non !

Faire confiance à la gauche ? Je vous laisse répondre…

Le syndicalisme n’est pas une question de confiance mais de lucidité et de réalisme. Or, quel était l’enjeu ? L’enjeu, c’était l’avenir de la Sécurité sociale. C’était le risque de la voir s’effondrer. C’était le risque de la voir passer pour l’essentiel aux mains des assurances, d’aller dans la voie de la privatisation, d’aller dans la voie de l’exclusion de bon nombre de nos concitoyens. C’était ça l’enjeu.

Sommes-nous satisfaits de ce qui a été fait ? Je crois avoir dit hier dans la présentation du rapport moral, tout ce que nous souhaitions et qui n’a pas été fait, très objectivement, et notre regret de voir qu’un certain comité ne joue pas pleinement son rôle.

Mais pour autant, tout est-il mauvais et devons-nous avoir des regrets ?

Avons-nous manqué de lucidité à ce moment-là ?

Rappelons-nous ce qu’écrivait d’ailleurs Luc Bentz à cette époque ; je le cite, dans le FEN-Hebdo du 20 novembre, avec le style direct qu’on lui connaît : « Relevons aussi, qu’en l’état actuel des choses, nous ne sommes sûrs que d’une chose : les ménages, les salariés, les retraités vont commencer à payer tout de suite. Mais cela ne doit pas conduire, de manière suicidaire pour la sécu, à aller renforcer le chœur des Blondel et Viannet, sauf à être totalement incohérents. »

Quant au bilan que l’on peut tirer de la réforme, je le disais hier dans mon rapport : le gouvernement a fait le plus facile ! Et s’il est vrai que le RDS a été rapidement mis en place, conclure aujourd’hui qu’il n’en reste que cela me paraît réducteur.

Même s’il y a des lenteurs qui sont excessives, intolérables, certaines orientations ne sont pas aussi simples qu’il y paraît à mettre en œuvre.

L’assurance maladie universelle pose – c’est une réalité à laquelle l’UNSA est confrontée – la question de l’existence des régimes spéciaux : nos amis de la SNCF et de la RATP en savent quelque chose. La réforme de la contribution des entreprises ne pourra être que progressive : on ne basculera pas en un jour d’un financement associant la masse salariale à un financement assis sur une autre assiette.

Sur certains autres dossiers, tel le développement des médicaments génériques, par contre, les choses auraient dû aller plus vite, elles auraient pu d’ailleurs aller plus vite.

Quoi qu’il en soit, notre avis positif sur les grandes orientations de la réforme ne nous empêche, ne doit pas nous empêcher ce regard critique sur sa mise en œuvre, et nous devons, oui, rester en alerte sur ce que fait le gouvernement, peser pour infléchir ses intentions ou les combattre s’il le faut.

Alors, encore un mot Pascal.

Tu as dit à ce propos : « il faut repenser notre orientation », bigre ?! Je ne comprends pas ! Ou alors, les mots ont dépassé ta pensée et je te renvoie aux propres propos de ton secrétaire général, Hervé Baro.

Je voudrais quand même remercier Alain Salvador d’être venu rappeler qu’il ne fallait pas oublier que c’est dans ce conflit que nous avons fait reculer le gouvernement sur les retraites. Ce n’était pas la première alerte ! Alain Savreux évoquait Michel Rocard. Nous avions déjà été confrontés à des points d’interrogations. Est-ce terminé ?

Je crois que Luc Bentz a bien posé les termes du problème et Gérard Contremoulin aussi.

Le coup de l’omelette qu’on coupe aux 2 bouts :

 - les jeunes qui entrent de plus en plus tard dans la vie active et qui trouvent de plus en plus tard un emploi ;
 - et les vieux que l’on veut pousser dehors de plus en plus tôt.

Notons aussi, chez nous l’aspiration à la CPA.

Mais tout cela conduit-il vraiment à des créations d’emplois ? Certainement pas au bilan, puisque le chômage n’arrête pas de progresser.

Alors, comment dépasser la question du nécessaire équilibre entre actifs et retraités, sinon par une réduction de la durée du travail ?

Il nous faut des revendications claires, disais-tu Gérard : 32 heures sans perte de salaires, 37 annuités et demi pour tous.

Alors mes camarades, à vous de le mettre dans votre résolution générale et de nous donner ensuite les moyens de faire avancer cela.

En attendant, et pour y parvenir, Charles Serra le disait, il y a une nécessité : c’est aujourd’hui de renforcer le syndicalisme européen. Et l’exemple de ce qui commence à germer autour des initiatives déclenchées par l’affaire de l’usine Renault de Belgique, cité hier, est quand même un signe encourageant. Alain Mouchoux le sait bien, nous sommes encore très frustrés de la capacité relative d’organiser le mouvement syndical en Europe de la Confédération européenne des syndicats.

Nos habitudes en Europe nous conduisent encore à rester trop cloisonnés dans nos frontières. Et plus nous serons cloisonnés, plus nous permettrons à ceux qui ne le sont pas, le capital justement, de nous diviser. La réaction par rapport à cette usine Renault, je crois est un exemple que nous ne devons pas perdre de vue. Saurons-nous le faire sur d’autres terrains ? Je l’espère.

Mais en attendant, pour répondre à ce que beaucoup de camarades sont venus dire à cette tribune, je voudrais vous lire un texte de message de soutien aux ouvriers de Renault de Vilvoorde.

« Le congrès de la Fédération de l’éducation nationale (FEN) réuni à Rennes, du 10 au 14 mars, salue la lutte des ouvriers de Vilvoorde menacés de licenciement par la décision du PDG de Renault ».

Il leur exprime sa solidarité.

Le congrès de la FEN condamne cette décision qui s’inscrit dans la logique libérale de gestion des entreprises et sacrifie les salariés aux profits des actionnaires.

Pour la FEN, l’Europe qui se construit ne saurait se réduire à une simple zone de libre échange étrangère aux préoccupations sociales.

« L’Europe sociale ne saurait n’être qu’un slogan. Les critères de Maastricht ne suffisent pas à construire l’Europe. Il faut aujourd’hui renverser la logique, faire des critères sociaux une priorité et mettre la création d’emplois au centre de la construction européenne. »

Alors il faut regarder devant nous. Conquérir l’avenir, disions-nous à Tours. Jean-Yves Rocca tu le rappelais tout à l’heure, conquérir l’avenir, c’est reconquérir le terrain sur tous les domaines.

« Être maître auxiliaire, c’est ne pas être respecté ! » disait Catherine Michel, il y a quelques instants à cette tribune. Elle nous disait qu’elle était fatiguée de mendier, de ne jamais recevoir une marque de reconnaissance.

Les maîtres auxiliaires se battent et ils ne sont pas seuls. C’est vrai, l’action de soutien a été importante, considérable même. Mais, malgré tout, avons-nous encore tout fait pour leur montrer notre solidarité… Nous avons ici un terrain pour marquer notre différence avec d’autres. Je sais leurs attentes, vous les avez entendues.

Je ne sais pas quelles seront les méthodes qui devront être enfin retenues pour mettre fin à cette situation. Le concours ? On peut le voir, comme Yves Guezenguer, comme la pire des choses – je ne le suivrai pas sur ce terrain – ou comme la meilleure garantie contre l’arbitraire…

Il y a des nuances, disait Jacques Maurice, c’est vrai. Mais ce qui est certain, c’est qu’on ne peut accepter qu’on laisse nos collègues dans cette situation de précarité, d’insécurité sans perspective.

C’est pourquoi je pense que de notre congrès, réuni à Rennes, doit sortir la réaffirmation de notre engagement aux côtés des auxiliaires qui luttent pour obtenir un emploi et un réemploi. Alors que s’ouvre ce soir une nouvelle séance de négociation avec le ministre de l’Éducation nationale, le congrès de la FEN doit exiger avec force de ce dernier, au lieu des tergiversations actuelles et éternelles, des décisions qui apportent des solutions à tous les auxiliaires, qui prennent en compte leurs situations particulières.

Le réemploi et la titularisation des auxiliaires doivent être au cœur des revendications de la FEN et de ses syndicats.

De cette tribune, j’appelle solennellement le gouvernement à mettre fin au scandale que constitue la précarité et l’exclusion des non-titulaires.

Mais après Robert André, après Jean-Yves Rocca, je ne veux pas distinguer entre les différentes catégories de non-titulaires. Certes les solutions à trouver sont sans doute différentes, mais toutes les situations sont à prendre en compte et doivent toutes être réglées. Je crois que c’est là vraiment le mandat de la FEN.

Créer le rapport de force pour y arriver c’est aussi, entre les non-titulaires, renforcer les solidarités et renforcer les solidarités entre les syndicats nationaux de la FEN.

Conquérir l’avenir, reconquérir le terrain aussi oui, Maryse Le Moël sur la situation des femmes où sans doute nous ne montrons pas encore assez la traduction de ce que nous avons engagé et que nous faisons pourtant. Je vais prendre par exemple cette affaire de la CADAC, que tu as évoquée hier.

Nous avions pris en exécutif, la décision de ne pas rester dans un collectif permanent qui traite de tous les sujets que nous traitons déjà nous-mêmes dans l’organisation. CADAC qui en plus n’est pas un modèle de démocratie. Mais nous partageons certains des combats menés et je vous rappelle d’ailleurs notre participation à la manifestation du 25 novembre 1995. Comme le fait que nous avons répondu favorablement à l’invitation que nous a lancée la CADAC à participer aux assises des jeunes, les 15 et 16 mars prochains, à Paris, où la FEN sera représentée en tant que telle.

Mais comme nous ne sommes pas dans le collectif, nous n’apparaissons pas dans le sigle.

Nous avons eu une réflexion approfondie sur ce type de collectif. Nous n’avons jamais contesté leur utilité ponctuelle. Mais ils posent un problème de fonctionnement. Très souvent, nos organisations syndicales sont utilisées comme des « vaches à lait » pour être trop souvent critiquées et rejetées par ceux-là mêmes qui souhaitent les voir venir dans les collectifs pour des besoins alimentaires. D’ailleurs, les organisations comme la Ligue des droits de l’homme, le MRAP ou SOS Racisme, pour n’en citer que quelques-uns, sans compter d’autres organisations syndicales, ont la même opinion. Enfin, tu vois Patrick Gonthier, quand en exécutif, nous décidons de nous lancer dans un collectif, c’est pour assumer et nous savons tout le travail que cela implique : des réunions interminables, tard le soir, des surenchères permanentes…

Bien sûr, il y a une autre méthode, celle de signer tout ce qui se passe pour apparaître ou paraître, mais alors le risque est grand de renier nos valeurs et de remettre en question ce que j’ose appeler une éthique syndicale. C’est vrai que derrière ça, il y a ce qu’Hervé appelait tout à l’heure le débat sur l’unité ou les besoins d’unité. Il ne faut pas fuir ce débat, il n’est pas simple, on sait très bien l’aspiration des personnels à ce besoin d’unité et en même temps cette nécessité d’être au clair dans notre pensée et dans notre action.

Alors poursuivons ce débat-là, sachons mieux apparaître sur des terrains aussi sensibles que celui-là et surtout sachons, à l’intérieur de l’organisation, bien relayer ce que nous faisons. Car nous faisons beaucoup de choses, beaucoup plus qu’on ne veut bien parfois le voir.

Libertés

Reconquérir le terrain… Hervé le disait et je partage son sentiment sur les libertés, nous n’avons pas à rougir de notre bilan.

Nous n’avons pas à rougir de notre bilan mais le Front national est là. Mettre des bornes éthiques, disait Gérard Paquet hier, car il y a une triple urgence :

 - l’urgence à dire non ;
 - l’urgence de comprendre ;
 - l’urgence de réhabiliter la politique.

L’urgence de comprendre, l’urgence de réhabiliter la politique… le travail que nous avons accompli ces derniers mois, ces dernières semaines, je devrais dire ces dernières années, sur l’immigration, participe de tout cela. Mais comme trop souvent, lorsque nous faisons du travail en profondeur, en amont, vous nous faites confiance. Ce travail, est-ce que chacun d’entre nous l’a bien intégré, l’a bien porté, l’a bien relayé ?

Est-ce que nous avons su créer par nous-mêmes ce mouvement qui pouvait permettre à l’opinion publique de mieux appréhender ces questions de l’immigration ?

L’immigration, je vais m’y attarder un instant.

Parce qu’il y a là beaucoup de confusion, je crois que nous devons rester fermes sur nos principes. Mais nous ne pouvons, nous ne voulons pas, je crois, faire de la démagogie, ni faire croire que dans la situation actuelle, tous ceux et toutes celles qui veulent venir dans notre pays peuvent le faire sans règles. Parce qu’ils sont et ils seraient, eux-mêmes victimes des marchands de travail, de logements illégaux. Parce que, comme le disait Paul Bouchet, la conjonction des libéraux extrêmes et des extrêmes gauchistes peut contribuer à détruire les lois du travail et encore une fois pour le propre malheur des immigrés.

Serions-nous tièdes sur l’immigration ? Sans doute faudrait-il dire oui au regard des troupes que nous arrivons à mettre dans la rue, notamment à Paris. Mais il faut dire non au regard de notre engagement et de notre volonté de poser les vrais problèmes. J’évoquais à l’instant ce conseil fédéral de 1996 au cours duquel nous avions invité Paul Bouchet, ancien président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Nous avons eu un débat sans retenue sur cette question pourtant difficile. Nous avons adopté un texte que nous avons transmis aux partis politiques, à nos collègues syndicalistes et je ne crois pas que nous soyons étrangers à ce début de prise de conscience de la nécessité d’une révision complète de la législation sur l’immigration, prise de conscience qui se fait lentement, trop lentement.

Mais nous ne sommes pas au bout du chemin. Cela participe incontestablement de cette lutte contre le Front national.

Je n’ai rien à ajouter personnellement à ce que disait Bellandi hier, mais au-delà de ça il faudra savoir nous montrer, et le premier rendez-vous c’est Strasbourg. Nous allons nous y compter, mes camarades. C’est là aussi qu’il faut savoir mettre en accord ses actes avec pensée.

Il faut savoir mettre ses actes en accord avec sa pensée et nos décisions au cours de la semaine nationale d’éducation contre le racisme, du 17 au 22 mars.

Il faut aussi que nous soyons présents à Toulon. Je fais un nouvel appel à nos amis européens pour qu’ils répondent à notre invitation pour ce colloque que nous tenons le 22 mars. Mes camarades, c’est là, comme sur le terrain de l’action professionnelle qu’on nous attend.

Cette montée du Front national dans notre pays ne peut pas être considérée comme une banalité.

Gérard Paquet y a beaucoup insisté hier, j’y reviens à mon tour, ce n’est pas de trop d’actions dont nous souffrons, de trop de paroles, mais de trop de silences.

Éducation

Reconquérir le terrain sur les secteurs qui sont les nôtres, reconquérir le terrain de l’éducation.

Hier soir, le président de la République répondait aux questions des journalistes sur le chômage des jeunes. Rien de bien nouveau dans le discours de Jacques Chirac qui a retrouvé un peu les accents de la campagne présidentielle.

« Les jeunes sont formidables » a dit le Président, c’est vrai, tout d’ailleurs comme le sont leurs enseignants. Mais sur l’emploi, rien de plus que ce qui a été dit en février, lors de la conférence nationale de Matignon. Tout au plus, un appel aux chefs d’entreprise qui sont invités à favoriser l’emploi pour diminuer le coût social du chômage supporté par les entreprises.

Faute de faire des propositions pour l’emploi, le président de la République a discouru sur la formation professionnelle.

Après avoir une fois de plus vanté les mérites de l’apprentissage, il a dit ne pas comprendre les raisons de la dévalorisation de l’enseignement professionnel dans notre pays. Alors, il faut le lui expliquer. Parmi ces raisons, nous, on en connaît au moins une : la vacuité totale de son ministre de l’Éducation nationale sur ce sujet.

Qu’a fait François Bayrou depuis quatre ans pour l’enseignement technique ?

 - rien pour la formation professionnelle initiale ;
 - rien pour promouvoir l’alternance sous statut scolaire ;
 - rien pour prendre en compte les difficultés rencontrées par les GRETA dans leur mission de service public pour la formation continue des adultes.

Je reprends à mon compte d’ailleurs, l’analyse faite sur ces sujets par Annie Berail.

Après quatre années passées à la tête du ministère, François Bayrou n’aura eu comme projet pour la formation professionnelle que de créer un haut comité, en remplacement de celui qui existait. Cette proposition qui porte le n° 86 dans le « Nouveau contrat pour l’école » n’a d’ailleurs, comme beaucoup d’autres, à ce jour, pas trouvé de traduction concrète. Nous ne pouvons que constater et déplorer que ce dossier de la formation professionnelle ne soit traité qu’au ministère du travail. Le Président Chirac a, dans son intervention télévisée, annoncé une loi pour l’automne. Cette loi reprendrait l’essentiel des propositions du rapport de Virville – dans lequel nous avons exprimé un avis plutôt nuancé – notamment la simplification des différents contrats de formation en alternance, la création d’un compte épargne pour la formation continue des salariés et enfin, la validation des compétences professionnelles.

La FEN s’est exprimée à plusieurs reprises sur ces différents sujets sans beaucoup d’échos d’ailleurs dans les médias. Mais je veux rappeler ici avec force, notre opposition à la mise en place d’un nouveau dispositif de certification qui remettrait en cause les diplômes.

Les diplômes sont un élément déterminant pour l’emploi des jeunes. Le président de la République l’a reconnu hier soir. Certes, nous sommes favorables à l’évaluation des modes de validation, mais cela ne nécessite pas de remettre en cause les diplômes. Ils sont le fondement d’une reconnaissance sociale de la qualification dans notre pays.

Leur porter atteinte, c’est remettre en cause ce consensus social. C’est par là même, porter un mauvais coup aux jeunes, au système éducatif, aux salariés en formation et aux conventions collectives qui garantissent justement la reconnaissance de leur qualification.

Alors, c’est sans doute encore un des dossiers chauds qui nous attend, qui vous attend mes camarades.

La bataille se gagnera ou se perdra en deux lieux, disait Lecertua (et il a raison) : les IUFM et les lieux d’exercice.

Henri Feuillard ajoutait, c’est d’abord dans les écoles, les collèges, les lycées, les services que doit se conduire l’action militante.

Les IUFM constituaient d’ailleurs l’essentiel de l’intervention de Philippe Niemec.

Mais, c’est une intervention qui m’a perturbé et surpris. La FEN n’a rien fait sur les IUFM as-tu dit, non la FEN n’a rien pu faire sur les IUFM.

Nous avions mandat de constituer un réseau grâce aux responsables locaux des différents syndicats concernés, les présences des uns ici, comblant les absences des autres là.

Tous les rappels que nous avons formulés sous toutes les formes ont été vains. Administration et intendance, et je leur rends grâce, et le SNAEN ont fourni les noms, je dois dire, malheureusement le syndicat des enseignants, ne l’a pas fait Philippe. C’est dommage, mais je ne vais pas m’arrêter là, dépassons les constats. Il me semble aujourd’hui que les choses s’organisent mieux et qu’on puisse constituer ce réseau, non pour substituer la FEN aux syndicats, mais pour permettre à chacun d’eux de se déployer pleinement. Je crois effectivement que la FEN doit apporter tout son concours à cela et à la proposition que tu faisais Philippe : l’enjeu des IUFM, c’est évidemment décisif, déterminant pour l’avenir, mais travaillons réellement tous ensemble.

Reconquérir le terrain par l’action pour faire aboutir nos revendications

Pour faire aboutir nos revendications. Oui, bien sûr. Et là est toute la difficulté. Vous avez d’ailleurs globalement été discrets sur la dernière action en date, celle du 6 mars.

Le Bohec s’est interrogé sur l’utilité d’actions qui n’aboutissent pas et la nécessité d’inscrire notre démarche dans la durée. Vaste et éternel débat que celui de l’action.

Ne pas mélanger unité structurelle et unité d’action, disait Contremoulin. Oui. Nous avons besoin de l’unité d’action pour créer le meilleur rapport de force… sans doute… mais aussi à la condition d’avoir quelques objectifs communs.

Je ne veux pas revenir sur l’ambiguïté des actions qui se sont poursuivies, y compris en janvier 96… mais j’ai entendu dans le cadre des congrès départementaux préparatoires à ce congrès national, une réflexion exprimée sous plusieurs formes, à plusieurs reprises : lorsque les ouvriers dans le privé sont en grève, ils pénalisent le patron, lorsque les fonctionnaires sont en grève, ils pénalisent les usagers et les fonctionnaires eux-mêmes parce que ce sont eux qui paient.

Et pourtant, je suis d’accord avec Alain Salvador… Ne pas faire grève, parce qu’on a un salaire, la sécurité de l’emploi avec une certaine idée de solidarité, cela n’a de la solidarité que l’apparence. Alors, nous sommes de plus en plus confrontés à ces questions, chacun le sait, nos collègues sont parfois lassés, incrédules parce que l’efficacité des grèves à répétition… Faut-il que je poursuive, nous en avons fait trois depuis le début de l’année. Alors, quelles autres formes ? Comment mobiliser et comment se faire voir ? Il faut faire preuve là de plus d’imagination, y compris de manière plus spectaculaire. Mais la question reste ouverte.

La question est ouverte car c’est vrai qu’on ne peut pas simplement se contenter de constater que nous sommes dans certains cas face à des blocages.

Et Jean-Yves Rocca a souligné notamment cette difficulté que nous rencontrons sur la sortie du décret NBI. C’est intolérable et il demande une action de grande ampleur. La future équipe, mon cher Jean-Paul, je n’en doute pas, prendra cette demande en compte…

Mais il faudra penser quel type d’action, quelle forme d’action. En attendant, et puisque je parle de visibilité, nous savons tous très bien que c’est à partir de cette visibilité qu’il y a lisibilité dans nos positions et que se construit notre image. Alors mes camarades, je vous en prie, réussissons ce 23 mars, car sinon, sinon, nous aurons encore plus de difficulté à l’avenir. Mobilisons-nous et soyons tous à Paris dans quelques jours.

Pour reconquérir le terrain… Quel syndicalisme ? Quel outil syndical ?

D’abord un mot à Michel Puzenat. Je ne lui reprocherai pas d’être fidèle à lui-même et constant dans son orientation qui renvoie les camarades dos à dos dans la responsabilité de la scission.

Mais malgré tout, chaque fois que je t’écoute, je découvre quelles intentions malignes, j’avais ou nous avons derrière nos têtes et que je n’avais même pas perçues.

Ainsi, d’après toi, avant Tours, nous voulions aller vers la CFDT, et il y aurait eu vote de défiance de l’équipe nationale ! Tu ne crois pas toi-même ce que tu dis, tu sais bien que la réalité est bien différente et qu’il ne s’agissait pas de cela. Tu as raison sur un point : l’interrogation qui frappe aujourd’hui certaines organisations depuis l’effondrement du modèle communiste… Reconnais cependant que nous n’avons pas, nous, attendu aujourd’hui pour dire ce que nous pensions de ce type de modèle.

Alors, quel syndicalisme, je ne sais plus qui à cette tribune hier, demandait si l’on avait le droit d’employer le mot réformiste. On a tous les droits à cette tribune.

L’emploi du mot réformiste est une chose. S’il est piégé, ce mot, si le poids de l’histoire a tant pesé sur lui qu’il est chargé d’un sens que nous, nous ne lui donnons pas. Et puisque la conception léniniste du syndicalisme l’aura confisqué à jamais en déformant le sens, remplaçons-le mais ne renions ni son contenu, ni la pratique syndicale qui en découle :

 - contestations – action ;
 - proposition – négociation.

Comme le demande en fait, Gérard Contremoulin, restons fidèles au contenu, n’employons plus le mot. Nous le remplaçons d’ailleurs par responsable dans le projet de résolution générale.

Et, bien sûr, Patrick Gonthier, que les ouvriers de Renault verraient mal qu’on loue aujourd’hui les vertus de la négociation alors qu’ils sont face à la décision autoritaire de la direction de l’entreprise.

Bien sûr que contester cette décision et agir en solidarité avec les ouvriers de Renault s’impose.

Car, contester et agir n’est ni contraire, ni antinomique avec ce que nous avons mis, nous, historiquement dans la pratique réformiste, c’est même l’un des volets essentiels de cette pratique syndicale, et c’est vrai que tout le monde a des pratiques réformistes.

Pascal Priou, tu disais : « réapprendre à dire non !!! ».

Non ? Il faut apprendre à mieux dire non. Je ne peux pas laisser dire que nous ne savons pas dire non. Nous ne l’avons pas suffisamment fait entendre. En fait, ce qu’il faut que nous soyons, c’est être nous, totalement fidèles à ce que nous sommes, à ce que nous voulons, à ce pour quoi nous nous battons.

Alors, quel syndicalisme… et avec quel outil ?

Je rejoins ici Paul Labit. Je n’en serai pas, mais aujourd’hui, un débat sur les structures n’est pas le plus urgent. Le plus urgent, c’est la syndicalisation ; ce sont les réalités du terrain ; le plus urgent, c’est que nos collègues s’approprient le syndicalisme et arrivent à travailler ensemble. Je rejoins Paul et Gérard qui ont dit l’un et l’autre, que la FEN c’est plus que l’addition de ses syndicats nationaux. Ce sont, oui, Jean-Yves Rocca, les syndicats nationaux, qui font la FEN.

Et, je te remercie d’avoir montré que l’on peut gagner :

 - que l’on peut gagner des adhérents ;
 - que l’on peut gagner des voix ;
 - que l’on peut gagner des combats lorsqu’on est dans la FEN et lorsqu’on partage ses valeurs et lorsqu’on agit avec elle.

Le débat sur notre syndicalisme ne fait que commencer, c’est là où je vais me réfugier dans mon devoir de réserve. Je ne me permettrai pas d’aller au-delà de ce que j’ai dit hier matin, c’est au congrès de choisir, de tracer les voies.

Mais vous avez été attentifs comme moi à certaines constantes dans les propos des uns et des autres, mais aussi à certaines nuances (pour rester dans le langage « soft »).

Paul Labit, Jean-Paul Lecertua, Pascaline Ferrot, Fernand Krauth, Jean-Claude Manceau ne disent pas la même chose. Il va falloir approfondir ce débat, le dépasser.

Nous avons été les moteurs de la construction de l’UNSA, nous mettons au service de son action nos militants, nos moyens, notre réflexion, nos pratiques, notre modeste expérience. Nous nous sommes investis pleinement dans cette aventure du regroupement dans un contexte d’émiettement exacerbé !

Nous l’avons fait et nous le faisons parce que nous y croyons et nous y croyons plus que jamais.

Je veux redire ici simplement qu’avoir construit l’UNSA ne signifie pas avoir décidé de rabougrir la FEN. Ce n’est pas avoir décidé, comme l’écrit hier un grand quotidien national, « d’accepter de se décharger entièrement de quelques-unes de ses prérogatives sur l’UNSA et ne plus s’exprimer que sur ce qui la concerne directement : l’enseignement ».

Sur les terrains transversaux de sa responsabilité, l’UNSA doit, c’est évident, s’affirmer, s’exprimer. Bien plus qu’elle ne l’a fait encore… et elle le fera véritablement en prenant en compte la réflexion, l’expression de ses composantes, dont la FEN, bien sûr. Mais, imaginerait-on que, puisque la FEN est compétente sur l’éducation, aucun de ses syndicats n’aurait plus droit de s’exprimer sur ces questions ?!

D’ailleurs Hervé, je suis d’accord avec toi.

Il appartient, bien sûr, à la fédération de rechercher les synthèses, disais-tu. Je peux transposer ça à l’UNSA.

Mais, à aucun moment, la fédération ne peut ni remplacer ni obliger un syndicat à agir. Ce fonctionnement ne met pas en cause l’existence et le rôle de notre fédération. Mais il tient compte des sensibilités et du contexte dans lesquels chacun de nous évolue. Je crois que c’est une parole sage.

Mais qui peut le plus peut le moins. Positionner mieux et plus la FEN sur le terrain de l’éducation, de la recherche et de la culture, ça ne peut être la cantonner dans un créneau strictement corporatiste. Ou alors ce que nous disons sur les libertés, sur la laïcité et la culture, quel sens cela aurait-il ?

Le secrétaire général de la FEN que je suis, que j’étais, au moment de la constitution de notre union et au long de ces quatre années de développement, tenait à vous le rappeler avec clarté.

Permettez-moi de penser et de vous dire que la « résistance » que d’aucuns évoquent, beaucoup voudraient bien, dans d’autres domaines, la sentir vraiment pour ce qu’elle est, c’est-à-dire une très forte impulsion.

Ceux qui se permettent de le nier, de nous dicter notre conduite, feraient bien de se préoccuper de leurs propres affaires. Faute, pour ceux que le journaliste de ce grand quotidien national, et qu’il citait sans les nommer (et ce n’est pas A. Olive qui est en cause), faute donc, pour ceux-là, d’avoir grand-chose à faire, ils aimeraient sans doute nous passer les menottes… Je crois que nous n’aimerions pas ça.

Comme chacune le sait, j’arrive au terme de mon mandat. C’est une échéance choisie et fixée depuis longtemps et si je veux ajouter quelques mots encore, ce n’est pas pour exprimer je ne sais quelle nostalgie personnelle ou de quelconques regrets. Si j’avais cependant des regrets à exprimer, ce serait au regard d’une situation de la FEN que j’aurais voulue mieux stabiliser au moment où je quitte cette responsabilité. Cela permet de mieux mesurer tout le chemin qui reste à parcourir pour atteindre cet objectif que nous nous sommes fixé depuis bientôt six ans : construire ce syndicalisme moderne, fort, responsable. Mais « gémir n’est pas de mise »… chantait Brel.

Je crois que l’histoire nous rendra raison d’avoir su refuser, lorsqu’il en était encore temps, les faux- semblants et les unités devenues trop factices. Nous sommes en Bretagne, nous avons choisi d’affronter la tempête. Il est utopique de croire qu’on peut bouleverser l’Histoire sans perturbations ou sans subir quelques dégâts. Mais il ne faut pas prendre quelques avaries pour un naufrage.

Lorsque vous m’avez demandé d’assumer cette fonction de secrétaire général, j’ai déclaré que je n’étais pas de ceux que le doute n’habite jamais. Et il est vrai que l’on est parfois conduit à s’interroger sur sa propre action, sur l’utilité et le sens de son combat, lorsqu’on ne se sent plus compris ou porté par ceux que l’on représente et que l’on défend.

Et puisque je parlais d’avaries, et parce que le désert et la mer présentent d’étranges similitudes, c’est alors qu’il faut se souvenir de cette phrase du petit prince de Saint-Exupéry : « Ce qui embellit le désert, c’est qu’il cache un puits quelque part. »

C’est tendre vers la recherche de ce puits, qui est pour moi, le sens même de l’action syndicale.

Ne jamais oublier que nous avons et qu’il faut un idéal.

On ne soulève pas les montagnes sans faire rêver. Pour regagner la confiance de ceux qui, un temps, seulement je le crois, nous l’ont retirée, il faut montrer fièrement la foi qui nous anime, celle qui, pour nous, place l’esprit, la raison et le cœur au départ et à l’aboutissement de toute action humaine.

Faire rêver, c’est refuser toute injustice, toute compromission, toute démagogie. C’est mettre ses actes en conformité avec ses paroles.

Faire rêver, c’est donner de l’espoir. C’est montrer que notre mission, c’est l’éducation, la formation, l’avenir des jeunes et que nous entendons nous y investir totalement car, ici, est le fondement de toute liberté, de toute démocratie. Faire rêver, c’est nous dresser lorsque l’on veut étouffer la culture.

Faire rêver, c’est savoir, comme nous l’avons toujours fait dans notre histoire, bousculer la routine, le confort et l’ordre établi lorsqu’il ne génère que désespoir et exclusion.

C’est ce souffle plus que jamais vivant qui doit sortir de ce congrès.

« Mon secret, disait le renard s’adressant toujours au petit prince, il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».

Mes amis, n’oubliez jamais, on ne voit bien qu’avec le cœur…

Comme ces instituteurs dont parlait Georges Lapierre – fondateur de l’École libératrice – il nous faut tous, mes amis, rester « porteurs de flambeaux, ces serviteurs d’idéal ».

[Tableaux non reproduits]


Intervention de clôture de Jean-Paul Roux

Nous allons avancer.

L’histoire ne connaît pas la marche arrière.

Changer ! Avancer ! Construire.

Nous avons un projet, bâti pas à pas. Il faut aujourd’hui le porter. Porter un projet, c’est agir sur le terrain pour le faire avancer.

Si l’école va mal, c’est parce qu’elle s’use de tant d’immobilisme, de tant de régression.

Elle fonctionne plutôt mieux pour le plus grand nombre. Le niveau monte. Et en même temps, le nombre de jeunes en voie de marginalisation augmente. Aujourd’hui, une grande majorité de jeunes arrivent à l’université et pourtant il y en a toujours autant qui sortent sans qualification.

Face à cette dérive, M. Bayrou parle, il discourt pour éviter d’agir, il discourt et les postes tombent.

M. Arthuis, pendant ce temps, poursuit ses comptes boutiquiers.

L’économie est roi, la Bourse dans au Palais Brognart et les jeunes explosent dans les banlieues.

Ils explosent de misère, de chômage, de désœuvrement, d’un avenir aveugle.

Suis-je pessimiste !

Non, cette réalité, nous la voyons tous les jours en Seine-Saint-Denis, aux « Minguettes » ou au « Val-Fourré », je la vois, chez moi, à Toulon, aux « Œillets », à la « Grande Plaine » ou au « Jonquet ».

Ainsi, entre ces deux France, notre société se fracture, s’écartèle, elle n’a plus de repères, elle s’enferme dans le chacun pour soi ou dans les communautarismes. Où est cette nation dont nous aimons les valeurs, dont celle première de laïcité, et qui nous rassemblait tous parce qu’elle s’incarnait dans la République.

Pendant ce temps, Le Pen tricote de Toulon à Orange, de Marignane à Vitrolles, il trace son petit bonhomme de chemin et un gouvernement tétanisé cherche désespérément à lui donner des gages.

Alors, lorsqu’on s’attaque aux immigrés en jetant un os à Le Pen, ils croient ainsi le rassasier ! Pauvres innocents qui ne font que le mettre en appétit !

Au prétexte de traquer l’immigration irrégulière, on voudrait soumettre au régime de la suspicion illégitime des millions d’étrangers qui n’aspirent, par profession ou par passion, qu’à venir dans ce qui fut une patrie des droits de l’homme et finira, si nous n’y mettons pas le holà, recroquevillée derrière d’illusoires frontières. Un pays qui se ferme est toujours un pays qui se meurt.

Que les partis républicains réhabilitent d’abord le débat politique contradictoire, conflictuel, qu’ils proposent aux citoyens des choix clairs, des alternatives crédibles, des alternances possibles, qu’ils réhabilitent la fonction du politique dans sa dignité, dans sa noblesse, dans sa probité !

Que le syndicalisme cesse de se réfugier dans les délices de la division, qu’il cesse de faire du « tous ensemble » le cache-sexe de ses divisions, de ses contradictions et qu’ils proposent des choix syndicaux clairs !

Alors, certains de nos compatriotes cesseront de chercher une solution à leurs problèmes dans cet « autre choix » que leur propose le Front national et abandonneront Le Pen à ses fantasmes nauséabonds.

La FEN agit avec sa centrale l’UNSA. Le 1er mai, à Paris, et peut-être ailleurs en France, car le mouvement doit s’étendre à notre initiative, il doit prendre de l’ampleur…

C’est notre façon, à nous, de développer cette solidarité interprofessionnelle qui est fondamentale à notre orientation… Cette initiative sur Paris émane du syndicalisme responsable UNSA, FO, CFDT. Voilà le bon chemin. Elle est en phase avec l’appel à l’unité qui part de ce congrès.

Sur le terrain, agissons, coopérons, travaillons ensemble alors, loin des démarches d’appareils, les salariés retrouveront le goût du syndicalisme et l’espoir de l’action.

Ce pays a besoin d’un pôle syndical fort, responsable, porteur des valeurs de la République et, sur ces bases, ouvert à tous. Dans l’UNSA, nous voulons prendre ce chemin.

Alain, ton organisation, aujourd’hui, te lance cet appel.

Notre ambition pour l’UNSA, tu la portes, tu as la confiance de ton organisation, l’accueil que t’a fait le congrès lundi, la confiance massive que tu as recueillie dans ton élection sont autant de points d’appui. Pour avancer, tu auras le secrétaire général de la fédération à tes côtés. Face aux drames du monde, à la désespérance qui s’empare de notre pays, notre devoir de syndicaliste est de témoigner et d’agir.

Dans un monde où il n’y a plus de certitude, il faut avoir des convictions.

Notre congrès témoigne ! Il est aux côtés des peuples qui luttent pour la liberté, et la démocratie, en Iran, en Algérie, en Bosnie, aujourd’hui en Albanie et hélas ailleurs. Dans cette lutte, les éducateurs sont toujours en première ligne, les cibles des premières balles, les déportés des premiers camps.

Car éducation et culture sont par essence porteuses de liberté. Gérard Paquet l’a dit. L’accueil du congrès a été une réponse forte à son appel. Et aussi un engagement à agir.

Agir dans notre métier d’éducateur porteur des valeurs républicaines.

Nous serons donc à Toulon le 22 mars pour mettre en œuvre ensemble une initiative d’Hervé Baro « les éducateurs face à la monté de l’extrême droite ». Merci Hervé d’avoir pris cette initiative, dans ma ville, de me permettre de porter avec toi ce bon combat.

Agir dans notre engagement de syndicalistes.

Nous serons à Strasbourg le 29 mars avec nos camarades de la FEN du Bas-Rhin, pour dénoncer ce congrès de l’ignominie qu’est le congrès du Front national.

Notre congrès a agi – hier – ensemble dans les rues de Rennes et les 23 mars – demain – à Paris, avec nos collègues par milliers et milliers. Pour l’emploi des jeunes, ce devoir sacré de la Nation, pour la transformation du système éducatif et les moyens de cette transformation.

Nous allons dire, en mots simples et forts, ce qui nous paraît juste, et appeler les collègues à partager cet engagement car c’est celui de la dignité de nos métiers, de la responsabilité citoyenne et plus simplement l’intérêt de l’école, des jeunes qui nous sont confiés, donc l’intérêt de l’ensemble des personnels du système éducatif.

Nous allons nous battre, sur le terrain, porter notre projet. La reconquête commence.

En avril, nos syndicats affrontent les élections professionnelles. Toute la FEN est mobilisée.

Administration et intendance, SNIES, SNMSU, portent le 3 avril les couleurs de la FEN. De cette tribune, j’appelle tous mes collègues agents administratifs, adjoints administratifs, infirmières et infirmiers, médecins, à voter pour les syndicats de la FEN, le SNAPS et le SEP, seront aussi aux urnes. J’appelle tous nos collègues de la jeunesse et des sports à voter pour les syndicats de la FEN.

Un congrès, c’est une vitrine.

Vous avez dit vos doutes, vos craintes, vos inquiétudes, vous avez fait entendre vos critiques. C’est bien, car à partir de la critique, on construit.

Vous avez dit aussi vos espoirs, votre volonté, vos exigences et vous avez construit, pas à pas, un projet, celui qui émerge de ce congrès.

Ce message est une dynamique, ne la laissons pas retomber. Elle doit demain, partout dans les syndicats, dans les sections, servir de moteur à notre action syndicale. Le message est clair, sans le syndicat, nul ne peut avancer. Sans la responsabilité, nul ne peut construire. Notre syndicalisme est proposition, il est action.

Notre syndicalisme est un optimisme.

Au 23 mars, à Paris !