Texte intégral
La première semaine de 1987 fut celle de l'épreuve de force. Comme l'on pouvait s'y attendre, la CGT a déployé sa stratégie classique d'extension des mouvements de grève avec la ferme intention de mobiliser puissamment l'ensemble du secteur public et de déborder ensuite sur le privé.
La CFDT, même si elle traîne les pieds en raison d'une analyse économique plus objective, est obligée de suivre.
FO, dans son impuissance à formuler une position originale, se contente de répéter à satiété son « je vous l'avais bien dit ».
Le gouvernement, quant à lui, se drape dans une vertueuse indignation et dénonce la politisation du mouvement.
Enfin, le CNPF, prudent et silencieux joue à Ponce Pilate.
Après le calme social de ces dernières années, on a l'impression de faire un mauvais rêve mais pourtant c'est à une dure réalité que nous sommes confrontés : celle des premières manifestations du profond mécontentement qui s'est instauré ces mois derniers dans le monde salarial. Les événements que nous vivons apportent, s'il en était besoin, la confirmation que l'on ne gouverne pas un pays comme le nôtre, quelle que soit la qualité de la politique économique mise en oeuvre, sans présenter à nos concitoyens un projet social auquel ils puissent adhérer.
La multiplication des ricanements sur les faiblesses du syndicalisme, la promulgation d'ordonnances ou de lois sans le consensus des partenaires sociaux, l'absence de messages d'espoir au salariat ont formé un mélange détonnant que la moindre étincelle pouvait rendre explosif. Je m'en suis ouvert à plusieurs reprises en privé et publiquement auprès de notre ministre des Affaires sociales à un point tel que certains ont pu imaginer qu'il y avait entre nous un contentieux personnel à régler. Ce ministre de qualité, malgré la bonne connaissance qu'il a des dossiers sociaux, n'a pas voulu ou n'a pas pu comprendre.
Aujourd'hui il faut réparer et faire renaître la confiance sans mettre en cause les objectifs économiques fixés par le gouvernement. Pourquoi ? Tout simplement parce que si les salaires augmentent de plus de 3 % dans les mois qui viennent, notre pays subira une nouvelle poussée inflationniste, notre monnaie sera dévaluée et nous aurons, fin 1987, un million de chômeurs de plus.
Le personnel d'encadrement fait parti du monde salarial, ses revendications s'accumulent au fil des ans du fait de l'écrasement de la hiérarchie des salaires et de l'augmentation de la pression sociale et fiscale qu'il subit.
Néanmoins, en 1982, nous avons salué l'avènement de la rigueur comme un mal nécessaire. Aujourd'hui, nous n'avons pas changé d'avis, car notre combat ne relève pas de la politique politicienne mais du simple bon sens. C'est pour cette raison que le personnel d'encadrement, dans cette période difficile, assumera toutes ses responsabilités professionnelles et syndicales de façon à éviter que dans un élan démagogique, on ne tue, par inadvertance, la poule aux oeufs d'or que sont nos entreprises du secteur public ou du secteur privé.