Texte intégral
P. Lapousterle : Est-ce que l’on peut faire de l’aménagement du territoire sans toucher aux structures françaises actuelles qui sont lourdes, si centralisées ?
D. Baudis : Il faut réorganiser les structures, le problème, c’est qu’en France, on a toujours beaucoup d’imagination pour créer des structures nouvelles et l’évolution des choses fait qu’il faut effectivement créer ces structures nouvelles – je pense donc à l’entité agglomération qui est une véritable réalité – mais que l’on ne touche jamais à ce qui existait préalablement et que nous sommes probablement le pays du monde qui empile le plus de structures administratives. On a la commune, l’échelon intercommunal, le département, la région, l’État, l’Union européenne, maintenant la notion de pays qui vient s’intercaler entre l’intercommunalité et le département, ça fait beaucoup. Alors, on en invente, on en crée, cela correspond d’ailleurs généralement à un besoin, mais on ne touche jamais à ce qui existe et le courage, là, ce serait d’ouvrir un débat sur la simplification administrative également à ce niveau qui passe, je pense, par la disparition progressive de certaines structures.
P. Lapousterle : Alors, autre question, à la tête de liste européenne que vous étiez aux dernières élections : on réaffirme officiellement la nécessité absolue de faire la monnaie unique à la date prévue – c’est le 1er janvier 1999 – et pourtant, tous les jours, des doutes sont exprimés. D. Vaillant disait à notre antenne, hier au Forum, qu’il n’excluait pas une crise européenne sur l’euro si les conditions n’étaient pas réunies. Est-ce que cela vous paraît un vrai danger ?
D. Baudis : C’est une étape considérable, peut-être la plus importante de toutes les étapes qui ont été franchies sur la voie de la construction européenne, le passage à la monnaie unique. Et donc, il est inévitable qu’avant une étape comme celle-là, s’expriment des craintes, que vous ayez des crispations conservatrices. Je pense, pour ma part, que si nous voulons développer notre économie, sauvegarder nos emplois, créer des emplois, exister sur la scène internationale, il nous faut une monnaie européenne. Les européens sont la première puissance économique du monde, mais ils ne peuvent pas profiter de cette situation parce que la monnaie européenne n’existe pas sur le marché mondial et que le marché mondial est entièrement régi par le cours du dollar. Donc, nous sommes sur un marché dont nous ne maîtrisons pas la monnaie et nous ne pourrons maîtriser ce marché que lorsque nous aurons une monnaie à la hauteur de ce marché.
P. Lapousterle : Est-ce qu’on y est prêts ?
D. Baudis : C’est une nécessité alors, dans la vie politique, il s’agit de savoir si, face à une nécessité, on dit : je suis prêt, je ne suis pas prêt… Et on laisse passer l’échéance. Je vois – et je m’en réjouis – que le Chancelier allemand, le président de la République française – c’est l’axe franco-allemand qui fait tourner le moteur européen – ont la volonté clairement réaffirmée de respecter les engagements et les échéances.
P. Lapousterle : Les élections régionales sont prévues en France l’an prochain, est-ce qu’il faudrait changer le mode de scrutin et la date qui est prévue en même temps que les élections législatives ?
D. Baudis : Sur le mode de scrutin, je ne me prononcerai pas, je ne suis pas conseiller régional, je ne suis pas candidat au conseil régional, c’est un débat compliqué qui n’est pas très passionnant pour les Français. Sur la date, je trouve que ce serait dommage de coupler les élections législatives et les élections régionales. Je crois beaucoup à la région, je crois qu’elle doit prendre sa place dans le débat public et que si l’on organise simultanément les législatives et les régionales, ces dernières seront étouffées par le débat politique national qui aura lieu à l’occasion des élections législatives. Je pense qu’il vaut mieux, puisque l’on aura beaucoup d’élections l’année prochaine, coupler les élections régionales et les élections cantonales, c’est-à-dire que l’on débatte simultanément de la politique régionale, de la politique départementale. Cela me paraît beaucoup plus logique et dans l’intérêt de la région.
P. Lapousterle : Et comme il y a beaucoup d’élections l’an prochain, est-ce qu’il faudrait dissoudre, c’est-à-dire en faire une cette année ?
D. Baudis : Écoutez, je trouve que c’est un débat peut-être intéressant pour les journalistes politiques, pour les dirigeants de parti, mais comme c’est une décision qui n’appartient qu’à un homme, à un seul homme, au président de la République, très franchement, tout ce que l’on peut dire à ce sujet me paraît tout à fait inutile puisque c’est un seul homme qui est habilité à prendre la décision.
P. Lapousterle : Et dans l’affaire du secret défense qui oppose les socialistes à la majorité, donc, M. Ménage a décidé de s’affranchir du secret défense alors que le Premier ministre, lui, avait donné instruction de ne pas le faire…
D. Baudis : C’est une affaire qui est très compliquée sur le plan juridique, on n’y comprend plus rien. Il y a une polémique à laquelle on ne comprend plus rien, revenons aux faits eux-mêmes, il y a eu, semble-t-il, des écoutes téléphoniques qui n’étaient pas justifiées par des raisons de sécurité nationale et il me paraît normal que la justice fasse entièrement la lumière sur cette question. Alors, par quelles procédures ? Cela ne me paraît pas impossible de constituer un organisme avec des personnalités neutres politiquement, au-dessus de tout soupçon, qui saura faire le tri entre ce qui relève de la sécurité nationale – il y a peut-être dans ces écoutes des conversations qui, effectivement, doivent rester secrètes pour des raisons, encore une fois, de sécurité, de lutte contre le terrorisme – et puis tout ce qui ne relève pas de cela, eh bien, la justice doit en délibérer.