Article de M. Pierre Méhaignerie, président d'honneur de Force démocrate et président de la commission des finances à l'Assemblée nationale, dans "La Tribune" du 16 avril 1997, sur ses propositions pour lutter contre le chômage, intitulé "Une stratégie de l'emploi par la baisse des charges".

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  • Pierre Méhaignerie - président d'honneur de Force démocrate et président de la commission des finances à l'Assemblée nationale

Média : La Tribune

Texte intégral

La préparation d’un projet dans la perspective d’une échéance électorale constitue une opportunité pour dresser un bilan, le comparer à la situation de pays voisins ou concurrents, définir une stratégie d’action pour l’avenir en engageant un grand effort de pédagogie et d’explication.

Le diagnostic des faiblesses de la France est établi de longue date. Dans des contextes différents, les rapports des commissions Bloch-Lainé en 1981 et Reynaud en 1993 les identifiaient. Partageant globalement ces constats et ces recommandations, le rapport du Xe plan, de Michel Rocard, en tirait, en 1989, deux conséquences : les dépenses publiques devront progresser moins vite que la richesse nationale, une maîtrise accrue des finances sociales devra être assurée. À cette fin, les régimes de retraite devront être adaptés pour tenir compte des évolutions démographiques. Les conclusions de ces trois rapports, de sources différentes, sont claires : seules des réformes structurelles d’envergure doivent permettre à la France de répondre aux trois enjeux de vieillissement du pays, des mutations technologiques et de la mondialisation. Si les Français ont le sentiment que les efforts qui leur sont demandés ne produisent pas les résultats espérés, c’est parce que ces réformes structurelles n’ont pas été suffisamment mises en œuvre.

Le pari du local. Pour réussir, il peut être utile de s’inspirer de ce qui a réussi chez nos voisins. Un regard porté par-delà nos frontières témoigne que le chômage n’est pas une fatalité. Riche de l’expérience du passé, de l’observation de nos voisins, et pour servis au mieux la priorité de l’emploi, l’UDF entend promouvoir en premier lieu une nouvelle stratégie de conduire de l’action publique. Sans réforme en profondeur du système public et de nos modes de décision, il sera vain d’espérer une perspective durable de croissance et d’emploi. En réformant un modèle trop centralisé et trop rigide, l’UDF entend faire le pari du local, de la proximité, pour libérer les initiatives, restaurer la confiance, susciter la participation de tous. Tout en s’appuyant sur cette stratégie, des résultats ne pourront être obtenus qu’au prix de disciplines et d’efforts équitablement répartis, et soutenus par une politique sociale ambitieuse mais plus efficace et financée sur une base plus saine. La baisse des charges sociales constitue l’un des volets de cette stratégie d’ensemble.

Réduire les dépenses publiques. Au-delà d’un certain seuil, la dépense publique n’est plus synonyme de progrès social. Dans l’ensemble des pays du G 7, une corrélation est constatée entre le poids de la dépense publique dans l’économie et le taux du chômage. Le cap fixé en fixé en octobre 1995 par le président de la République doit donc être tenu. La mise en œuvre de cette stratégie amorcée par la loi de finances de 1996 et 1997 doit être amplifiée dans la durée. Pour concrétiser cette orientation, l’UDF devra opter pour un objectif de baisse des dépenses publiques (État, collectivités locales, protection sociale) rapportées au PIB de 3 à 5 points en cinq ans (53 % à 48 %), en limitant l’augmentation annuelle des dépenses en francs constants à 1% ou 0,2 %, selon l’hypothèse retenue. Le retour à l’équilibre du budget de l’État (hors charge de la dette) par une action sur la dépense et non sur les recettes doit, dans le même temps, être programmé. Les réductions de crédits porteront prioritairement sur les dépenses de fonctionnement, et non sur l’investissement pour ne pas hypothéquer l’avenir. Les collectivités locales doivent être coresponsables de cette orientation dans le cadre d’un pacte de stabilité. Le respect de cet objectif de baisse des dépenses publiques impose naturellement une mise à plat des régimes de retraite du secteur public dont le surcoût, à législation inchangée, à l’horizon 2006, peut être estimé à 60 milliards de francs.

Baisser les prélèvements sociaux. Une action vigoureuse de maîtrise de la dépense publique, un cadre favorable à la prise d’initiatives et de risques permettront de donner plus d’ampleur au troisième volet : la baisse des prélèvements fiscaux et sociaux d’ores et déjà amorcée. La réforme fiscale décidée en 1997 et l’allégement de l’impôt sur le revenu (75 milliards de francs) doivent être menés à leur terme. Mais la priorité doit être désormais réservée à une réduction et à une adaptation des prélèvements sociaux : non seulement les charges sociales sont trop élevées en France, notamment pour les bas salaires, mais ce mode de financement ne tient pas suffisamment compte de la nature des politiques mises en œuvre. L’effort, qui a été engagé dans le budget de 1997, de transfert de cotisations maladie vers la CSG doit être poursuivi. Enfin, un dispositif d’allégement des charges sociales, patronales et salariales, par une franchise de cotisations sur les 1 500 premiers francs, doit être progressivement mis en place. Plusieurs raisons motivent ce choix en lieu et place d’une seconde phase de diminution de l’impôt sur le revenu ou d’une baisse de la TVA. Les choix fiscaux doivent être déterminés en fonction de leur efficacité pour l’emploi. AU regard de ce critère, une nouvelle étape de baisse de l’impôt sur le revenu apparaît moins justifiée. L’option d’une baisse de la TVA n’est pas plus satisfaisante au regard du critère de l’emploi. Eu égard à son impact budgétaire, celle-ci ne peut porter qu’à la marge sur les taux de TVA. De même que la hausse de 1995 n’a été que très faiblement répercutée sur les prix, la même absence de répercussion serait observée en cas de baisse.

Mesure simple, lisible, susceptible de réduire sensiblement les coûts de production, d’améliorer la compétitivité et d’inciter à l’embauche d’une main-d’œuvre peu qualifiée actuellement exclue du marché du travail, l’allégement des charges apparaît, en revanche, plus efficace sur le plan de l’emploi et participe à l’objectif qu’entend poursuivre l’UDF de donner la priorité au salaire direct. Les perspectives d’élargissement à d’autres branches, des allégements de charges aujourd’hui ciblées sur le textile, ouvertes par le commissaire européen Karel Van Miert, méritent, à cet égard à son impact budgétaire, une franchise de charges pourrait être appliquée dans une première étape aux 1 500 premiers francs pour les salaires inférieurs à une fois et demis le Smic. Cette mesure se substituerait aux différentes formes actuelles d’allégement (ristourne dégressive notamment) et pourrait être également financée par la suppression d’aides à l’emploi peu efficaces. Ainsi donc les moyens dégagés par une meilleure maîtrise des dépenses publiques grâce à une profonde réforme du système public et à un développement des capacités d’initiative et de liberté doivent permettre de concentrer l’effort sur la baisse des charges sociales pour en faire bénéficier l’investissement, l’emploi et le salaire direct.

Un projet social. Cette voie libérale est indissociable d’un projet de société : celui-ci a, pour priorité, la création d’emplois, mais il propose, également, de porter une attention particulière aux salariés percevant de bas salaires. Enfin, soucieux de reconnaître à chacun un rôle social et eu égard à l’importance de l’activité pour l’équilibre personnel et familial de la personne et sa dignité, il entend fixer un objectif ambitieux (50 %) de remise au travail, en activité ou en formation des titulaires de minimums sociaux, grâce à une action volontariste au plan local et une large activation des dépenses passives de minimums sociaux ou d’indemnisation du chômage. Dans une période d’incertitudes accrues du fait de la rapidité des évolutions technologiques et économiques, il entend réformer les politiques sociales en vue de garantir aux plus fragiles un ensemble de sécurités de base (soins, logement, retraité, sécurité…). En résumé, cinq priorités orientent notre projet : libérer la création de richesses, développer l’emploi, accroître l’équité de notre système social, engager le pari de la responsabilité et de l’initiative locale, ouvrir à chacun, quelle que soient ses ressources, l’accès aux services qui conditionnent, aujourd’hui, l’exercice de la citoyenneté.