Interviews de M. Philippe de Villiers, vice-président du RPF, dans "La Croix" du 1er octobre 1999 et dans "Le Figaro" du 2, sur les relations entre la RPR et le RPF et sur le "drame" de la cohabitation en particulier le consensus et l'absence de politique sur les "vrais problèmes de la France".

Prononcé le 1er octobre 1999

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC Le Figaro - La Croix - Le Figaro

Texte intégral

LA CROIX : 1er octobre 1999

La Croix : Le RPF se définit comme un parti « souverainiste ». Sur l'affaire Michelin, quelle est la réponse souverainiste ?

Philippe de Villiers : Elle est double. Il faut à la fois alléger les charges fiscales des entreprises et corriger les effets de la mondialisation. C'est d'ailleurs ce souci qui nous conduit, dans le cadre des négociations de l'Organisation mondiale du commerce à Seattle (États-Unis), à réclamer que soient introduits dans les prix mondiaux les coûts sociaux, environnementaux et sanitaires, de telle sorte que la concurrence soit vraiment équilibrée et que l'on ne pousse plus les entreprises à se délocaliser.

La Croix : C'est précisément ce que préconisent Jacques Chirac et Lionel Jospin.

Philippe de Villiers : Non, juchés sur leurs tracteurs, ils disent aux agriculteurs français : « je vous ai compris ». Mais pourquoi ont-ils signé le communiqué du Conseil européen de Berlin qui organise l'abandon de la préférence communautaire et accepte par avance un alignement sur les prix mondiaux, au nom de la course au productivisme ?

La Croix : Vous êtes bien placé pour savoir qu'un bon score aux européennes peut fondre en quelques mois. Pourquoi le RPF réussirait-il mieux aujourd'hui ?

Philippe de Villiers : Avec 15 000 adhérents, le RPF connaît déjà le succès. Surtout, l'explosion simultanée du cadre national et du milieu politique font du RPF le seul mouvement en mesure d'entendre les questions des Français et de répondre aux deux défis majeurs d'aujourd'hui : la mondialisation et la démographie. Le RPF n'a pas vocation à devenir la force supplétive des opposants de connivence, entravés par la cohabitation, mais à constituer la force centrale de refondation de la vie politique.

La Croix : Pourquoi Charles Millon n'a-t-il finalement pas rejoint le RPF ?

Philippe de Villiers : La souveraineté nationale est au coeur de notre charte. Tous ceux qui sont d'accord avec elle peuvent nous rejoindre. Mais le RPF ne sera pas un salmigondis, un RPR bis ou UDF bis. Ces partis sont morts par absence de lisibilité. Nous serons sur ce point, Charles Pasqua et moi, extrêmement vigilants.

La Croix : Candidat à la présidence du RPR, François Fillon tend la main aux amis de Charles Pasqua. Faut-il la saisir ?

Philippe de Villiers : Ce qui se passe chez les autres ne nous intéresse pas. Quand bien même le RPR serait tenté de défendre à nouveau l'indépendance nationale, il ne pourrait plus le faire car la cohabitation lui interdit la moindre marge de manoeuvre. Aucun communiqué du RPR n'est publié sans l'accord du secrétaire général de l'Élysée. Nous préférons tendre la main à tous les citoyens qui se sentent trahis par leurs partis.

La Croix : Vos amis soutiennent pourtant François Fillon au conseil régional des Pays de la Loire. Ce qui est possible à Nantes ne l'est pas à Paris ?

Philippe de Villiers : Aux dernières élections régionales, François Fillon a eu l'intelligence de considérer les forces en présence et de constituer une majorité soudée et active, et si cela avait été fait ailleurs, nous n'aurions pas perdu autant de régions. Si les partis de l'opposition veulent à nouveau gagner, c'est à eux de compter avec nous. Hélas, la plupart des hommes politiques font du cabotage médiatique. Nous, nous répondons aux questions des Français.

La Croix : Quand vous évoquez la prochaine présidentielle, c'est aussi de la tactique...

Philippe de Villiers : Non, la question de la présidentielle ne se pose pas aujourd'hui. Nous constatons simplement que l'actuel président de la République n'a pas donné suite à son message de 1995 sur la fracture sociale. Sa politique européenne et son absence totale de message le rendent à la fois imprévisible et transparent. Si une présidentielle avait lieu aujourd'hui, l'enjeu serait la survie de la France en tant que nation libre. À titre personnel, je dis que la ligne souverainiste du RPF devrait y être représentée par son président, Charles Pasqua, dont je suis fier d'être le second.


LE FIGARO : 2 octobre 1999

Le Figaro. – Comment réagissez-vous aux propos d'Alain Juppé ?

Philippe de Villiers. – Comment peut-on envisager un consensus sur la question de l'immigration quand on constate que, depuis 1997, le gouvernement Jospin pratique dans ce domaine une politique dangereuse et profondément laxiste ? Au moment où nous constatons l'échec de la « politique de la ville », l'échec de l'intégration, la multiplication des zones de non-droit et l'absence quasi-totale de contrôle des entrées, ce n'est vraiment pas le moment de réclamer, comme le fait Alain Juppé, une nouvelle vague d'immigration. Aujourd'hui, les élus de droite comme de gauche constatent dans leurs villes l'impossibilité de régler les problèmes d'insertion, d'intégration et d'assimilation. Car, hélas, les nouveaux immigrants sont des gens déracinés qui ne souhaitent accepter ni nos moeurs ni nos lois.

Le Figaro. – La cohabitation ne conduit-elle pas à la recherche d'un certain consensus sur les questions de société ?

Philippe de Villiers. - À entendre Alain Juppé réclamer de nouveaux immigrés, après avoir entendu Roselyne Bachelot défendre le Pacs, je me demande si le destin final du RPR n'est pas de fusionner avec le PS ! Plus sérieusement, nous sommes là au coeur du drame de la cohabitation. Les partis politiques prennent leurs ordres auprès des deux « cohabitant ». La cohabitation se veut consensuelle, et conduit inconsciemment la classe politique sur une ligne médiane qui est en fait une absence de politique, une absence d'analyse et de traitement chirurgical des vrais problèmes de la France.

Le Figaro. - Sur quelle ligne se situe le RPF ?

Philippe de Villiers. - Le RPF fera entendre sa grande différence. Chaque matin, nous briserons le consensus. Car ce sur quoi sont d'accord les deux « cohabitant », c'est l'intégration de la France dans un système mondialisé où elle s'abîme peu à peu.