Article - profession de foi de M. Patrick Devedjian, porte-parole du RPR et candidat à la présidence, dans "La Lettre de la Nation" des 22 octobre et 5 novembre 1999, sur les grandes lignes de son programme pour la présidence du RPR notamment la réorganisation de l'opposition de droite, la clarification des relations avec le président de la République, l'opposition sans concession à la politique de gauche, l'esprit du gaullisme et la restauration du véritable rôle de l'Etat.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Elections à la présidence du RPR les 20 novembre et 4 décembre 1999

Média : La Lettre de la Nation Magazine

Texte intégral

Chers compagnons,
Aujourd’hui démoralisée, désunie et sans projet, l’opposition peut et doit se redresser : nous sommes responsables de l’avenir de notre pays. Si nous ne proposons pas un projet crédible aux Français, porté par une organisation politique efficace, nous garderons longtemps la gauche au pouvoir et c’est notre pays tout entier qui ira vers le déclin, car les socialistes sont incapables de susciter le sursaut et l’énergie nécessaires pour relever le défi de la mondialisation.
Le RPR est la colonne vertébrale de l’opposition, même s’il ne peut pas la représenter tout entière. À nous donc de tout faire pour nous redresser et pour mettre l’opposition en ordre de bataille.
Pour y arriver, nous devons d’une part accepter notre diversité, d’autre part déterminer clairement notre position à l’égard du président de la République.
La droite porte un vrai projet moderne de société, qui intéresse nos concitoyens : nous faisons confiance à l’homme, nous croyons à la liberté de l’individu et à sa responsabilité, nous revendiquons la seule solidarité qui vaille, celle qui reconnaît l’autre libre et égal, celle qui tend la main pour l’aider à se remettre debout, au contraire de l’assistance anonyme et administrative.
Ce projet, fondamentalement gaulliste, nous savons si mal le mettre en valeur ! C’est autour de lui que nous pouvons et devons accepter des différences naturelles d’appréciation sur l’Europe ou sur le rôle de l’État : nous avons ensemble apporté le dynamisme à notre pays et la prospérité à nos concitoyens.

Alors, comment organiser la droite « plurielle » ?

D’abord, acceptons les clivages mis à jour par les dernières élections européennes, parce qu’ils correspondent à de vraies sensibilités. Longtemps nous avons refusé de l’admettre et beaucoup de nos électeurs, exaspérés ou déçus par notre « langue de bois », ont dérivé vers l’abstention ou vers l’extrême droite.

La scission du RPF est douloureuse, parce qu’il s’agit du départ de compagnons, mais Charles Pasqua ne veut pas revenir : prenons acte de sa volonté d’autonomie. Le RPF peut ainsi réintégrer dans la droite républicaine des électeurs déçus, et nous pouvons conclure de solides accords de désistement de deuxième tour avec eux qui restent nos amis et nos alliés. Avec l’éclatement du FN, c’en sera fini des « triangulaires » mortelles qui ont fait les beaux jours des socialistes !
Avec DL et l’UDF, qui soutiennent comme nous la politique européenne du président de la République, nous pouvons resserrer les liens et avoir un maximum de candidats communs dès le premier tour : ce sera d’autant plus facile que notre mouvement aura refait ses forces.
En même temps, clarifions une fois pour toutes notre relation avec le président de la République. Oui, nous soutenons le Président sans réticence. Oui, Jacques Chirac est notre candidat naturel à l’élection présidentielle de 2002. Oui, il peut et doit avoir confiance en nous, qui sommes son parti.
Pour autant, les rôles ne sont pas les mêmes.
Le président de la République est le garant des institutions. Il doit permettre au gouvernement démocratiquement élu de mener sa politique, même si cette politique ne lui plaît pas. Il donne les grandes orientations qu’il juge bonnes pour le pays, ainsi pour la politique familiale, les retraites, la justice, les 35 heures, mais ce n’est pas lui qui gouverne, c’est la gauche.
Et nous notre devoir, c’est de nous opposer sans concession, de façon pugnace, quotidienne et argumentée à cette politique de gauche que nous jugeons si mauvaise pour l’avenir de notre pays. C’est de proposer une alternance aux Français.
Mais le RPR aura d’autant plus d’autonomie dans son action politique que son rapport de confiance avec le Président sera solide.
Grâce à cette opposition confiante et réorganisée, notre objectif c’est de gagner les élections municipales et législatives pour créer la dynamique de la victoire à l’élection présidentielle de 2002 ! Tout se tient.

Nous voulons une opposition efficace !
Nous voulons une France qui avance avec tous !

 

 

Nous ne retrouverons la confiance des Français que lorsque nous leur proposerons un projet alternatif crédible au socialisme. Ils nous ont dit souvent qu’ils arriveraient de moins en moins à différencier la gauche de la droite : nous avons besoin d’un président convaincu que la droite apporte mieux et plus à la France et aux Français que la gauche !
Le grand défi pour la France d’aujourd’hui c’est de faire face à la mondialisation : quel pays demain laisserons-nous à nos enfants ? Une nation déclinante, frileuse, appauvrie et affaiblie, parce qu’elle aura refusé les évolutions indispensables et aura cru se protéger en se rigidifiant par une réglementation de plus en plus paralysante ? Ou bien saurons-nous nous enrichir ? à tous points de vue, de cette ouverture sur le monde ?
Les français ont toutes les qualités pour relever le défi : leur haut niveau de formation et de culture, des réussites exceptionnelles à l’exportation, leur conception universelle, des droits de l’homme. C’est l’esprit même du gaullisme, l’audace et le courage au service d’« une certaine idée de la France » dans son avenir, qui doit nous animer pour agir ! La France a besoin qu’on lui insuffle de l’énergie, qu’on lui redonne de grands espoirs, qu’on l’entraîne à donner le meilleur d’elle-même, et non, comme l’y incitent les socialistes, à se crisper sur des « avantages acquis » en refusant d’ouvrir les yeux sur la réalité. Qui paiera les retraites et la santé, qui assurera la solidarité avec les plus faibles, si nous ne faisons plus d’enfants et si nous ne progressons plus aussi vite que les autres pays ?
Nous refusons la répartition de la pénurie : l’activité crée l’activité, la croissance crée l’emploi, et non les « 35 heures » ou les voies de garage que sont les « emplois-jeunes ». Nous voulons la libération des énergies, aider les jeunes qui veulent créer, à tous les niveaux, aider les « entrepreneurs » dans tous les domaines, le social, l’environnement, l’éducation, l’économie, aider tous ceux qui ne se contentent pas de se protéger individuellement, mais qui ont compris que la meilleure protection c’est d’aller de l’avant !
Pour que chacun soit libre, il faut la loi qui, seule, protège le plus faible : la liberté n’est pas celle du renard dans le poulailler ! L’État a pour mission première de faire respecter la loi et d’assurer la solidarité indispensable entre tous les citoyens. Sans liberté, c’est la fin de la civilisation et du progrès, mais sans solidarité, c’est la fin de la communauté nationale : l’une et l’autre sont indissociables.
Ces convictions fondent le projet que nous allons élaborer ensemble pour répondre aux attentes des Français qui veulent à la fois, et ils ont raison, le dynamisme et la sécurité, l’emploi et une retraite assurée, la liberté et la solidarité.
Il doit être longuement mûri et concerté avec tous les adhérents de notre mouvement, qui, vivant au cœur de notre peuple, en sont les meilleurs porte-parole.