Texte intégral
RMC le 30/08/1999
Philippe Lapousterle : Des électeurs vous ont fait confiance en juin dernier, est-ce que vous n’avez pas le sentiment de les avoir déçus lors des universités d’été à Lorient ? On vous a vu quand même en désaccord, assez divisés sur des points importants.
Jean-Luc Bennahmias : Je n’ai pas vraiment ce sentiment là. Ceux qui s’intéressaient à la politique, entre le 23 août et le 31 août, ont vu plusieurs centaines de personnes, de tout âge, de toute sociologie, qui débattaient fortement ; avec des leaders qui ne disent pas forcément tous la même chose, mais qui vont quand même sur le fond, sur les mêmes structures et dans les mêmes débats. J’ai l’impression que l’on est à la hauteur.
Philippe Lapousterle : Vous avez le sentiment d’être à la tête d’un parti cohérent, uni et qui va dans le bon chemin ?
Jean-Luc Bennahmias : Cohérent oui, uni ce n’est pas la question, en tout cas pas divisé au sens trop politicien du terme, avec, je vous le dis les paroles publiques qui définissent des propositions et des perspectives. On est bien dans un temps de débats aujourd’hui. Il n’y a pas d’échéance politique immédiate.
Philippe Lapousterle : Pas d’élections ?
Jean-Luc Bennahmias : Non pas d’élections immédiates, mais même d’autres échéances politiques qui seraient des échéances rapides, ce qui fait que ça permet un débat extrêmement important. On l’a eu !
Philippe Lapousterle : Alors M. Jospin, le Premier ministre, a dit hier en parlant de vous que vous aviez beaucoup parlé et percé la critique, que vous avez parlé peut-être un peu trop et de façon désaccordée ?
Jean-Luc Bennahmias : Non. C’est vrai que les gens attendent beaucoup et j’ai l’impression, au-delà de nos électeurs, parce que l’on fait des propositions, beaucoup de propositions. Alors, c’est vrai que sur beaucoup de propositions il faut en choisir. On ne fait pas tout à la fois, en politique et dans la vie et dans la société. Mais je crois que nos propositions sont cohérentes. Nos propositions sur l’énergie sont cohérentes, nos propositions sur la démocratisation de la vie politique française sont cohérentes.
Philippe Lapousterle : Il a dit ça comme si vous étiez un peu gênant quoi !
Jean-Luc Bennahmias : Je crois que nous sommes un peu gênant. J’écoutais M. Devedjian hier sur une antenne et il disait : « Ils sont casse-pieds ! », c’est vrai que l’on peut-être casse-pieds.
Philippe Lapousterle : Sur le fond, le Premier ministre s’est engagé hier à soumettre à un grand débat démocratique, tout lancement éventuel de programme nucléaire. Est-ce que vous êtes satisfait de cette proposition ou est-ce que vous maintenez la demande de référendum qui fut la vôtre ?
Jean-Luc Bennahmias : Non. Un grand débat démocratique peut se terminer par un référendum, on verra. Mais déjà, que l’on ait un grand débat démocratique qui dépasse le stade des scientifiques et des chercheurs - c’est très bien les spécialistes -, et qui permette à l’ensemble des Français et des Françaises d’être au courant des coûts de l’énergie en France, des structures de l’énergie et des perspectives qui existent en France et en Europe par rapport à l’énergie, c’est un grand pas en avant. On verra enfin de la transparence sur la façon de produire de l’énergie en France.
Philippe Lapousterle : Donc quitus à M. Jospin sur ses promesses ?
Jean-Luc Bennahmias : A ce niveau là c’est une bonne chose !
Philippe Lapousterle : Alors par contre sur l’introduction de la dose de proportionnelle lors de l’élection législative prochaine, ni possible ni souhaitable a dit dont le Premier ministre, on ne pouvait pas dire non plus clairement.
Jean-Luc Bennahmias : J’ai le regret de dire que nous jugeons toujours la proportionnelle aux prochaines législatives comme extrêmement utile et nécessaire pour la démocratie. Ce gouvernement va dans le bon sens sur la démocratisation : parité, non cumul des mandats - c’est aussi bloqué au Sénat mais par une droite extrêmement réactionnaire mais ça, le Gouvernement va à l’encontre et c’est une bonne chose d’aller vers le non cumul des mandats -, une nouvelle loi aux élections régionales proposée dans la majorité plurielle votée. Il ne faut pas s’arrêter en chemin. Le bout du chemin de la démocratisation, c’est d’arriver maintenant à ce que dans élections législatives et dans les élections aux conseils généraux, il y ait une dose de proportionnelle.
Philippe Lapousterle : Comment faire lorsque l’on veut quelque chose et que le Premier ministre dit non et que l’on appartient à sa majorité ?
Jean-Luc Bennahmias : Vous avez raison c’est une bonne question et c’est assez difficile, parce que ce n’est pas une surprise que le Premier ministre dise non. Eh bien, je crois que l’on va continuer à en débattre, fortement, amicalement mais très fortement avec nos alliés du Parti socialiste et du Parti communiste. On a des rendez-vous.
Philippe Lapousterle : Mais quels moyens de pression avez-vous pour faire aboutir votre demande ?
Jean-Luc Bennahmias : Ça ne se joue pas en pression, ça se joue par intelligence politique. Nous sommes tous dans un cadre où nous pouvons, dans les années qui viennent, avoir les bonnes perspectives et donc jouer « gagnant-gagnant » et non pas « perdant-perdant », donc il faut que chacun soit satisfait. Vraiment, une dose de proportionnelle, ça se discute, ça se calcule, ça peut même se vérifier, c’est utile pour l’ensemble de la majorité plurielle.
Philippe Lapousterle : Vous pensez que M. Jospin est homme à changer d’avis, après avoir pris un engagement de ce genre devant ses militants ?
Jean-Luc Bennahmias : Je pense que M. Jospin est un homme lucide et pragmatique et qui sait qu’il veut travailler sur dix ans.
Philippe Lapousterle : Ça veut dire quoi ? Comment vous avez interprété cette perspective de dix ans ?
Jean-Luc Bennahmias : Je ne l’interprète pas comme deux ans plus sept.
Philippe Lapousterle : Mais comment l’interprétez-vous ?
Jean-Luc Bennahmias : Il parle du plein emploi. On pourrait en discuter, mais il faudrait beaucoup plus de temps parce que la société du plein emploi, c’est délicat et difficile. Moi, je parle toujours en terme d’activité pour chacun et chacune. Mais si on veut aller au plein emploi, il faut au moins dix ans.
Philippe Lapousterle : Lorsque le Premier ministre a dit que les Verts recevaient beaucoup, est-ce que vous partagez son point de vue ?
Jean-Luc Bennahmias : Oui, mais je pense que nous donnons beaucoup aussi.
Philippe Lapousterle : C'est-à-dire ?
Jean-Luc Bennahmias : Je pense que c’est assez égal.
Philippe Lapousterle : C’est équilibré ?
Jean-Luc Bennahmias : Si l’ont dit ça comme ça, je pense que nous pouvons répondre la même chose.
Philippe Lapousterle : Alors M. Jospin et M. Hollande ont fait une proposition hier aux Verts : aller ensemble sur les mêmes listes aux municipales. Réponse ?
Jean-Luc Bennahmias : On s’est donné le temps après une réflexion approfondie pendant ces journées d’été de grands débats avec l’ensemble des militants et militantes qui étaient là, près de 1 500. On se donne le temps, comme eux, comme le Parti socialiste, on se donne six mois et on verra ce qui sera proposé par le Parti socialiste, par le Parti communiste, et comment nos militants réagiront par rapport aux propositions. On peut tout envisager. On peut envisager des listes d’union ; on peut aussi envisager des listes d’union dans quelques villes et pas dans d’autres ; on peut envisager des listes autonomes vertes, des listes très ouvertes mais autonomes.
Philippe Lapousterle : Est-ce que vous pourriez séparer votre réponse, c'est-à-dire accepter sur certaines villes d’être sur des listes uniques et d’être sur des listes indépendantes dans d’autres villes ?
Jean-Luc Bennahmias : C’est déjà le cas aujourd’hui. Si on regarde la réalité au niveau local, les listes à l’heure actuelle ne sont pas complètes partout. Déjà en 1995, et pourtant on était déjà en stade d’union. Donc, on peut envisager. Ça dépend vraiment de l’intelligence collective de l’ensemble des partenaires de la majorité plurielle. C’est possible mais ça n’est pas certain.
Philippe Lapousterle : Quand D. Cohn-Bendit dit qu’il veut absolument des listes au premier tour ?
Jean-Luc Bennahmias : Il le dit, j’entends bien ce qu’il veut dire par là. Mais ce qui me semble important, ça n’est pas encore choisi, c’est que les Verts ont à prouver qu’ils peuvent diriger des mairies, des mairies de plus de 20 000 habitants. C’est bien le maire qui dirige, même s’il décide de fait avec son conseil municipal, en toute démocratie, mais c’est bien lui qui donne les grands axes. Si on veut prouver que nous sommes capables de gérer de grandes villes de France, tout en transformant ces villes, mais au quotidien, je dirais que ça doit se faire.
Philippe Lapousterle : Le budget 2000, sur la manière dont la cagnotte a été répartie par le Gouvernement ?
Jean-Luc Bennahmias : Il y a de bonnes décisions. La baisse de la TVA sur certains produits, sur certains éléments est une bonne chose, sur les frais de garde aussi. On dit toujours, les Verts - et on n’est pas les seuls -, qu’il faut augmenter plus vite les minima sociaux - d’ailleurs c’est un processus qui permet une certaine croissance, puisque s’occuper, directement et le plus rapidement possible des familles qui sont dans la plus grande pauvreté, amène forcément un surplus de consommation.
Philippe Lapousterle : Je vous trouve, ce matin, plus réconcilié avec le Parti socialiste que vous ne l’étiez, que vous ne l’apparaissiez, il y a deux semaines par exemple.
Jean-Luc Bennahmias : Chacun sa parole. Mais ce que j’avais dit en début de semaine, c’est que je pensais que la rentrée serait calme. Elle sera calme si nous sommes bien capables de discuter ensemble dans la majorité plurielle, et de nous entendre sur les propositions et que chacun pèse bien le poids réel dans la société. Alors on verra. Peut-être que je serai moins calme dans quelques semaines ou dans quelques mois.
Philippe Lapousterle : J.-P. Chevènement a dit, hier, que c’était moyenâgeux d’être contre les nouveaux réacteurs nucléaires, et qu’il fallait absolument que la France décide de les faire.
Jean-Luc Bennahmias : Je ne sais pas si M. Chevènement est un spécialiste du nucléaire, peut-être, c’est possible. Je ne répondrais pas en disant que « c’est moyenâgeux » de continuer le nucléaire, mais en tout cas je dirai que c’est extrêmement dangereux.
Philippe Lapousterle : Un mot sur José Bové, qui en prison pour avoir mis à sac un McDonald’s.
Jean-Luc Bennahmias : Démonté ! Si, il manquait très peu de pièces devant la préfecture, et des pièces ont été remises.
Philippe Lapousterle : Vous trouvez que c’est injuste qu’il soit en prison ?
Jean-Luc Bennahmias : Largement injuste, plusieurs injustices.
Philippe Lapousterle : Tout le monde peut démonter un McDonald’s.
Jean-Luc Bennahmias : Non, ce n’est pas légal.
Philippe Lapousterle : Bon, alors ?
Jean-Luc Bennahmias : On a vu des manifestations paysannes dernièrement et de tout temps, nettement plus violentes sans aucune mise en examen. Là il y a injustice. Il y a deux poids et deux mesures car là, J. Bové et ses amis de la Confédération paysanne font ça à total visage découvert et en annonçant ce qu’ils vont faire. Et la justice s’en prend vraiment à eux de manière extrêmement dure par rapport à des actions qui ne sont pas extrêmement dures. Vraiment ! Quand on fait la comparaison avec d’autres actions - je pense à des saccages de mairies, de préfectures qui coûtent plusieurs dizaines de millions de francs, il y a deux poids et deux mesures.
VERT CONTACT le 11 septembre 1999
A Lorient, en Bretagne, du 24 au 27 août 1999
Il est des rentrées vraiment satisfaisantes. Comment ne pas nous réjouir de nous être retrouvés à près de 1 500 militant(e)s et sympathisant(e)s Vert(e)s pour nos Journées d’été, fin août, à Lorient, en Bretagne ? Merci à toutes celles et tous ceux qui, sur place, ont permis le succès de ce cru 1999. Il nous faut maintenant continuer à débattre, à confronter, à améliorer nos analyses et nos propositions. Écologie politique, parti du développement durable, troisième gauche… Nous devons renouer nos discours tout en étant présents sur tous les terrains. Nous avons plus d’un an devant nous pour réussir les États généraux de l’écologie politique en travaillant avec son comité de pilotage, qui réunit déjà de brillantes personnalités. Et puis nous avons le temps aussi de discuter de notre stratégie pour les futures échéances électorales (municipales, cantonales, sénatoriales, législatives et présidentielle). L’importance de notre Convention sur les élections municipales, qui se tiendra les 13 et 14 novembre prochains, n’échappera à personne. Pluriels nous sommes, pluriels nous devons rester dans et hors Les Verts.