Texte intégral
Date : Mardi 13 mai 1997
Source : Dernières nouvelles d’Alsace
Dernières nouvelles d’Alsace : La problématique française s’organise autour du rôle de l’État. Vieux débat, mais débat crucial à l’heure de la mondialisation et de l’Europe. Pourquoi ne pas en débattre avec le leader de l’opposition devant tous les Français pour clarifier le choix des 25 mai et 1er juin ?
Alain Juppé : Le rôle de l’État dans notre société est effectivement un enjeu de cette élection. Car les Français auront effectivement à faire un choix : d’un côté, l’union RPR-UDF, qui veut que l’État occupe sa place, toute sa place mais rien que sa place et qu’il assure mieux son rôle de régulateur et de protecteur des plus faibles ou des plus démunis. De l’autre côté, le projet de la coalition PS-PC, c’est un État omniprésent, bureaucratique et paperassier dont l’action se traduit pat toujours plus de dirigisme et de contraintes.
Rôle accru pour les régions et départements
Dans la société française d’aujourd’hui, les citoyens veulent être parties prenantes aux décisions qui les concernent. Il faut donc que l’État se rapproche d’eux sur le terrain, c’est-à-dire que les régions et les départements aient plus de compétences. Cela passe notamment par des ministères moins lourds à Paris et une meilleure répartition des services publics sur le territoire. Il faudra que d’ici la fin de l’année, aboutisse une concertation avec les élus, les organisations professionnelles et les associations sur le rôle de l’État dans notre société.
Et puis, le rôle de l’État dans l’économie doit aussi évoluer. L’économie mixte socialiste a coûté des milliards que les Français soldent encore maintenant avec les désastres financiers du Crédit Lyonnais et d’autres entreprises publiques. Nous voulons rendre au marché les entreprises du secteur concurrentiel pour rendre ces entreprises plus compétitives et protéger ainsi l’emploi de leurs salariés. Quant au service public à la française, dont nous sommes fiers, il doit s’adapter : le cas de France Télécom est exemplaire, car le service public à l’usager est garanti, les tarifs ont baissé, et l’entreprise est compétitive.
Dernières nouvelles d’Alsace : Les Français, à en croire les sondages, ne redoutent pas une éventuelle cohabitation. Ont-ils tort ? Quels seraient, selon vous, les risques d’une réédition du pouvoir partagé ?
Alain Juppé : Le système de la cohabitation que nous avons déjà vécu à deux reprises en quatorze ans est un pis-aller qui ne permet pas à la France de défendre ses intérêts de façon cohérente. Il faut absolument que Jacques Chirac ait avec lui un gouvernement et une majorité qui tirent dans le même sens lors des grands rendez-vous internationaux et européens qui nous attendent. Ainsi, la France sera-t-elle en position de force pour négocier.
Dernières nouvelles d’Alsace : Vous venez, à Strasbourg, parler de l’Europe. Enfin ! N’est-il pas temps de mettre en perspective l’avenir de notre nation et la grande aventure européenne qui s’ouvre aux jeunes générations ?
Alain Juppé : L’Europe ? C’est un thème important du projet de l’union RPR-UDF qui propose notamment de faire de la France le moteur d’une construction européenne qui prenne mieux en compte les préoccupations des citoyens. Cela est normal car l’aventure européenne est d’une importance capitale pour les jeunes générations. Si certains croient que la solution à nos problèmes est dans le repli sur soi, je suis persuadé, au contraire, que les Français savent que leur avenir passe par l’Europe, une Europe où nous maîtrisons notre destin.
Certes, l’Europe que nous avons construite et qui apporte beaucoup à notre agriculture et à nos industries, n’est pas à l’abri de bien des critiques et je suis le premier à souligner combien elle doit changer pour devenir plus proche, plus compréhensible, plus efficace. Mais ses défauts ne doivent pas nous faire perdre de vue l’essentiel : avec la réconciliation franco-allemande, la construction européenne a assuré à l’Europe une longue période de paix et de progrès. C’est cet acquis qu’il faut prolonger et amplifier.
Nous devons nous regrouper pour affronter la compétition internationale : c’est uni que nous pesons le plus dans le monde, qu’il s’agisse de l’Euro face au dollar et au yen ou de notre place dans le commerce international face aux grands ensembles. C’est ainsi notamment que nous consoliderons nos emplois en évitant les dévaluations sauvages.
Nous devons aussi nous organiser pour trouver à l’échelle de l’Europe les solutions aux défis auxquels nous sommes tous soumis : comment imaginer que nous pouvons, mieux qu’ensemble, lutter contre la grande criminalité qui se joue des frontières, trouver des solutions aux problèmes de l’environnement, défendre notre emploi contre le dumping social venant de continents où le coût du travail est faible, assurer notre sécurité commune ?
De grands rendez-vous
Certains disent que cette construction menace de diluer l’identité des peuples et la souveraineté des États membres ? Je ne le crois pas ! Il faut certes veiller à ce que les peuples soient plus et mieux associés. Mais nous sommes, en Europe, trop divers et nos personnalités sont trop marquées pour craindre le nivellement et la banalisation. En revanche, je suis persuadé que pour apporter la contribution que tous attendent, la France ne peut être ni incertaine, ni ballottée, mais forte et résolue. De grands rendez-vous européens sont devant nous dans les prochains mois. Nous voulons les aborder en position de force pour défendre les intérêts de la France et des Français.
Date : Samedi 17 mai 1997
Source : La Nouvelle République du Centre-Ouest
La Nouvelle République du Centre-Ouest : En quoi la monnaie unique peut-elle rétablir l’Europe à une place dominante dans la mondialisation de l’économie ?
Alain Juppé : Aujourd’hui, les frontières sont ouvertes. Les hommes circulent, les produits s’échangent d’un continent à l’autre. Beaucoup de pays se regroupent pour être plus forts ensemble, en Asie ou en Amérique. La France ne doit pas rester à l’écart de cette évolution en Europe, car elle est essentielle pour son avenir et son niveau de vie.
L’Europe joue déjà un rôle majeur dans l’économie mondiale. Pourtant, nous subissons la loi du dollar : il représente près des deux tiers des réserves mondiales en devises, et la moitié des exportations mondiales sont facturées en dollars.
L’euro donnera à la France toute sa place sur la scène monétaire internationale : avec l’euro, nos taux d’intérêts ne seront plus influencés par ceux des États-Unis ; avec l’euro, nos entreprises pourront commercer dans leur propre monnaie, sans subir les fluctuations du dollar, tous les exportateurs en voient l’avantage : avec l’euro, l’Europe pourra parler d’égal à égal avec les États-Unis dans le domaine monétaire comme elle le fait déjà en matière commerciale.
Avec la monnaie unique, nous donnerons au grand marché européen, et donc à l’économie française, un socle stable, permettant le maintien de taux d’intérêts bas, ce qui favorisera les investissements, la croissance et donc l’emploi ; enfin, nous éliminerons les commissions de change qui pèsent sur tous ceux qui se déplacent en Europe.
La Nouvelle République du Centre-Ouest : Comment garantir la protection sociale face à la maîtrise difficile des dépenses de santé et la réduction constante de la proportion des actifs ?
Alain Juppé : C’est bien là tout l’enjeu de la réforme que nous avons lancée pour sauvegarder notre système de protection sociale que des années de laxisme et d’immobilisme des gouvernements socialistes avaient laissé au bord de la faillite.
La maîtrise des dépenses de santé devient une réalité. En effet, alors que celles-ci augmentaient en moyenne de 5 % par an, en 1996 l’objectif de 2,10 % que nous avions fixé a été tenu et cela, sans rationnement des soins, ni baisse des remboursements.
Nous avons également engagé, d’une manière déterminante, la réforme du financement de l’assurance maladie en transférant, depuis le 1er janvier 1997, 1,3 point de cotisations maladie pesant sur les seuls salaires, sur 1 point de CSG déductible, assise sur tous les revenus, sauf les minimas sociaux. Elle a eu aussi pour effet, il faut le rappeler, de donner 0,45 % du pouvoir d’achat supplémentaire aux actifs.
La Nouvelle République du Centre-Ouest : Toutes les politiques de l’emploi conduites par les gouvernements de gauche ou de droite ont été vaines à lutter efficacement contre le chômage. Existe-t-il des solutions novatrices ?
Alain Juppé : Depuis trois ans, notre pays est redevenu créateur d’emplois. Cela signifie qu’il crée plus d’emplois qu’il n’en détruit. C’est tout ce qui nous différencie de nos adversaires, même s’il y a encore beaucoup à faire.
Chaque législature de notre majorité s’est traduite par des créations d’emplois : 460 000 emplois créés entre 1986 et 1988, près de 250 000 entre 1993 et 1996. Bien sûr, c’est encore insuffisant, mais je suis convaincu que nous allons dans la bonne direction, celle d’une politique pragmatique qui libère les initiatives pour développer l’emploi.
Libérer les initiatives, c’est d’abord moins d’impôts et moins de charges. Nous allégeons encore davantage les charges sociales sur les bas salaires en poursuivant l’effort engagé depuis quatre ans. Car, c’est en allégeant le coût de l’emploi que nous créons plus d’emplois. Nous réformerons la taxe professionnelle et nous réduirons l’impôt qui pèse sur les transmissions d’entreprises. Nous poursuivrons la simplification et l’allégement de l’impôt sur le revenu, entamés en 1997. Nous allégerons les cotisations sociales d’assurance maladie en poursuivant leur transfert sur la CSG déductible.
Libérer les initiatives, c’est ensuite simplifier la vie par des mesures concrètes. Après la mise en place de la déclaration unique d’embauche et la récente simplification du bulletin de salaire, le grand chantier de simplification qui est engagé maintenant, c’est celui de la déclaration unique des cotisations sociales pour simplifier les relations des entreprises avec las organismes sociaux.
Libérer les initiatives, c’est faciliter l’entrée de notre jeunesse dans la vie active. Pour cela, l’effort que nous avons, fait sur l’apprentissage et l’alternance doit être poursuivi grâce à un plan d’action sur l’ensemble de la législature pour développer des formations.
Libérer les initiatives pour l’emploi, c’est également favoriser la création de nouveaux emplois dans de nouveaux secteurs. Je pense aux services de proximité, à ce qui a été fait avec la création du chèque emploi-service et la mise en place, dès cet été, de la prestation dépendance.
Libérer les Initiatives pour l’emploi, c’est enfin favoriser une réduction intelligente du temps de travail, comme dans la loi de Robien.
La Nouvelle République du Centre-Ouest : La sécurité pose problème en ce qui concerne la petite et moyenne délinquance. Que proposez-vous alors que l’encadrement prévu des dépenses publiques ne saurait autoriser d’accroître significativement les effectifs de police ?
Alain Juppé : C’est vrai que la petite et la moyenne délinquance empoisonnent la vie des Français, et notamment dans un certain nombre de quartiers difficiles.
Des progrès sensibles ont déjà été faits. Je rappelle que de 1989 à 1992, sous les gouvernements socialistes, la délinquance avait augmenté de 22 %. Cela représentait 600 0000 victimes de plus. Depuis 1995, la délinquance a reculé de 12 %.
Mais ce résultat, bien entendu, ne peut nous satisfaire. Il faut faire encore mieux.
Pour cela, il faut encore augmenter la présence des policiers et des gendarmes sur le terrain. C’est ce qui a été entrepris avec la réforme des cycles de travail des policiers, qui est entrée dans les faits en janvier, et c’est ce que fait la gendarmerie en se recentrant sur ses missions prioritaires.
À effectifs constants, on peut ainsi faire mieux en utilisant les moyens disponibles là où les besoins sont les plus pressants. C’est le sens de ce qui a été réalisé en 1996 dans le cadre du plan de relance pour la ville avec le redéploiement de 3 000 fonctionnaires au profit des départements qui ont des quartiers difficiles.
La Nouvelle République pose ces quatre mêmes questions aux leaders des principales formations politiques. Ont déjà répondu : Lionel Jospin (7 mai), Jean-Marie Le Pen (12 mai), Robert Hue (14 mai) et Philippe de Villiers (15 mai).
Date : Jeudi 22 mai 1997
Source : Le Provençal
Le Provençal : La personnalisation actuelle de la campagne électorale sous forme de match « Jospin-Juppé » vous satisfait-elle en égard aux enjeux ? Celle-ci pose-t-elle les vrais débats pour notre société, compte tenu du maigre intérêt que semblent lui apporter les Français ?
Alain Juppé : Je crois qu’il ne faut pas se tromper d’élection. C’est lors de l’élection présidentielle que les Français choisissent une personnalité en l’élisant directement au suffrage universel. En revanche, les élections législatives, c’est le choix par les électeurs d’un candidat dans chacune des 577 circonscriptions. Outre son engagement personnel, chaque candidat propose le programme débattu dans le pays. Et, c’est sur la base de la majorité qui s’est dégagée à l’Assemblée nationale que le Président de la République exerce sa prérogative de désigner le Premier ministre. Quant à la manière dont vous qualifiez l’intérêt des Français pour cette campagne, je ne partage pas votre avis. Par-delà les petites phrases et les invectives que l’on se jette des deux côtés et que l’on peut déplorer, les Français ont bien perçu, même si certains réservent leur décision jusqu’au dernier moment, comme à chaque élection, qu’il y a un enjeu qui les concerne directement.
Le Provençal : Choix de société contre choix de société, n’y a-t-il pas là un air de « déjà vu » et le risque de caricaturer les positions dans un affrontement gauche-droite excluant aussi bien toute culture de gouvernement chez l’une que la moindre part de rêve chez l’autre ?
Alain Juppé : Oui, cette élection constitue un choix de société et la formule n’est pas sans signification. D’un côté l’union RPR-UDF mise, d’une part, sur l’initiative, c’est-à-dire plus de libertés pour ceux qui entreprennent, ceux qui créent des richesses et donc de l’emploi, et cela passe par une extension de la baisse des charges sur les bas salaires et par des simplifications concrètes dans la relation des entreprises avec les administrations. D’autre part, nous plaçons notre ambition sous le signe du partage. Comme nous avons sauvé la Sécurité sociale, nous voulons préserver notre système de protection sociale. Mais le résultat économique seule nous permettra de renforcer les solidarités en redistribuant les fruits de la croissance. Face à cela, c’est le programme, ou ce qu’il en reste, de la coalition PS-PC avec ses vieilles recettes. C’est une conception bureaucratique de l’activité avec toujours plus d’État, et donc plus de bureaucratie et plus d’impôt pour financer les 700 000 emplois créés par décret, et les 35 heures payées 39 qui se traduiront par plus de chômage.
Le Provençal : Par quels changements dans la politique gouvernementale devra se traduire le « nouvel élan » voulu par le Président de la République, en cas de victoire de la majorité ? Accélérer le rythme des réformes, cela passe-t-il par un « plus » de libéralisme ? Et quelle « dose » de libéralisme ?
Alain Juppé : Le Président de la République a expliqué la dissolution, notamment par le fait que la France ne pouvait pas attendre alors même que les Français, par leurs efforts, ont créé le socle de la croissance qui nous donnera plus de richesse et donc plus d’emplois. Le nouvel élan, ce sera donc, amplifier les réformes et les accélérer, car elles sont indispensables si nous voulons que la France aborde le prochain siècle en position de force et ne se fasse pas semer par ses concurrents. Ce nouvel élan – avec une nouvelle équipe – ce sera la poursuite de la baisse des prélèvements, un statut pour la très petite entreprise qui ne devrait pas être soumise aux mêmes règles que les entreprises qui comptent des milliers de salariés. Ce sera aussi une nouvelle relation entre l’État et les citoyens qui, informés et éduqués comme ils le sont, veulent être partie prenante aux décisions qui les concernent. Ce sera donc, poursuivre la décentralisation des compétences vers les régions et les départements dans le domaine de l’emploi et de la formation, par exemple. Ce sera rendre au marché concurrentiel les entreprises en économie mixte où l’État n’a rien à faire, afin d’éviter des désastres comme le Crédit Lyonnais dont les Français sont obligés de solder eux-mêmes les ardoises. Dans tout cela, vous le voyez, il n’y a pas de libéralisme ou de quelconque idéologie. Il y a le souci d’adapter la France à son époque pour la faire gagner.
Le Provençal : S’employer à réduire vraiment la fracture sociale, cela passe par quelles décisions gouvernementales que vous n’avez pas prises (ou pas pu prendre) depuis deux ans ?
Alain Juppé : Réduire la fracture sociale reste un objectif fondamental de notre action. D’abord, il faudra faire voter la loi de cohésion sociale si critiquée par le PS et le PC pendant la discussion au Parlement et si regrettée aujourd’hui par les mêmes. Cette loi qui a fait l’objet d’une concertation approfondie pendant des mois avec toutes les associations concernées et qui a été soumise au conseil économique et social, en particulier à Mme Anthonioz de Gaulle, représente des avancées considérables, en matière de droit au logement, par exemple, mais encore pour l’accès à l’emploi pour les allocataires du RMI, en matière d’accompagnement vers l’emploi pour les jeunes en difficultés. Elle prévoit de nouveaux outils pour l’emploi comme les contrats d’insertion locale. Par ailleurs, nous avons un projet d’école de la « deuxième chance » qui permettra à ceux qui ont échoué de bénéficier d’un droit à une autre formation ou alors de réorienter leur vie professionnelle. Enfin, ce qu’il faut faire pour réduire la fracture sociale, c’est créer plus de richesses pour les distribuer équitablement. Et cela revient à encourager la croissance comme je l’ai dit, et à se donner les moyens de créer des emplois durables.
Le Provençal : Quelles mesures (forcément douloureuse ?) devra adopter le prochain gouvernement, pour que la France soit totalement en conformité avec les critères de Maastricht avant le printemps 1998 ?
Alain Juppé : Le Parlement a voté un budget pour 1997 qui permet de tenir les objectifs du traité. La commission des comptes de la Nation début avril, puis la commission [Illisible] de Bruxelles nous ont crédi[Illisible] bonne gestion. C’est aussi le cas du Fonds monétaire international. Il nous faut donc continuer dans le cadre budgétaire qui a été tracé. Je rappelle que le budget 1997, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, consiste à reconduire le budget 1996 sans augmentation des dépenses publiques autre que le montant de l’inflation. Personne ne l’avait fait avant nous. Dès après les élections, le nouveau gouvernement établira sur 5 ans un plan de baisse des dépenses publiques et de baisse des impôts.
Le Provençal : Une majorité unie lors de la bataille électorale, cela signifie-t-il que toutes ses « chapelles » se retrouveront dans le futur gouvernement ?
Alain Juppé : La majorité mène cette campagne dans l’unité. Toutes les sensibilités se sont retrouvées dans l’élaboration du projet RPR-UDF auquel chacun a souscrit, que ce soit sur la libération des initiatives pour que les entreprises créent plus d’emplois ou sur le resserrement des solidarités par une juste place donnée à l’État, qui doit être fort là où personne ne peut l’être à sa place et garder son rôle de régulateur et de protecteur des plus faibles. En face de l’union de la majorité, je remarque de nombreuses divisions chez les socialistes où l’on est, non seulement pas d’accord sur le choix européen que nombre d’entre eux renient comme ils le font d’une partie de leur héritage au nom du « droit d’inventaire », mais où l’on évite ce qui fâche, que ce soient les fonds de pension, la réforme de la Sécurité sociale et les privatisations sur lesquelles tout a été dit et son contraire. Enfin, je ne parlerai même pas du programme commun entre PS et PC dont on peut se demander s’il a encore un contenu, alors que le PS sait bien qu’il aurait besoin du PC pour gouverner.
Le Provençal : Il appartient au Président de la République de choisir le Premier ministre. Considérez-vous toutefois qu’à majorité nouvelle, il faudrait, en cas de victoire de la droite, un Premier ministre nouveau – même si une victoire vous conforte personnellement ?
Alain Juppé : Vous avez raison de rappeler que c’est au Président de la République qu’il appartient de nommer le Premier ministre. Je suis le chef de la majorité sortante et, à ce titre, je mène la campagne, entouré de tous les responsables de la majorité. Ce serait très arrogant de ma part de prétendre à quoi que ce soit pour la suite. Mon objectif, c’est de gagner ces élections.