Extraits de l'interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et de Force démocrate, à RTL le 19 octobre 1999, sur le projet de loi sur les 35 heures, la fiscalité des stock-options et la préparation au sein de l'opposition des élections municipale et présidentielle.

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« Un grand parti doit avoir un grand projet et le défendre à l’élection présidentielle »

RTL : La loi sur les 35 heures, qui fixe la durée du travail au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés, sera-t-elle, selon vous, réellement appliquée ?

François Bayrou : Je ne sais pas exactement ce que sera le texte de la loi. Je sais, en revanche, que la philosophie sur laquelle elle repose est fausse et nuisible. Il faut avoir le courage de le dire, même si on n’est pas forcément populaire en le disant.
Beaucoup de Français créateurs d’entreprise ou à la tête de petites et moyennes entreprises, entre les mains de qui repose la création d’emplois, sont profondément inquiets, troublés et amers. Ils ont l’impression d’avoir la boussole du bon sens élémentaire et d’être trompés, menés dans une mauvaise voie. Ils n’entendent pas la protestation de l’opposition. Ils ont eu l’impression que seul le Medef s’était exprimé. Ils ont l’impression d’une espèce d’indulgence des médias et des classes dirigeantes, acquises au pouvoir sur ce sujet. Il faut donc dire haut et fort, et simplement, que cette loi nous paraît mauvaise.

RTL : Comment se fait-il que les chefs d’entreprise, dans tous les sondages, affichent un réel optimisme et croient à la croissance, cela en dépit de la perspective des 35 heures ?

François Bayrou : Ils constatent la croissance et ils s’inquiètent des 35 heures. La vérité est que, si les 35 heures sont payées 39, cela veut dire que le coût du travail, directement ou indirectement, augmentera de plus de 11 % pour les entreprises. Voilà la réalité. Tout le reste, c’est du baratin.

RTL : Que ferez-vous de la loi si vous revenez au pouvoir ?

François Bayrou : La première chose, ce sera de regarder les résultats de la loi, dont nous disons, à l’avance, notre crainte qu’ils ne soient mauvais. La deuxième chose, ce sera de donner la priorité à l’accord d’entreprise ou de branche sur la loi.

RTL : Maintiendrez-vous une durée légale du travail ?

François Bayrou : Oui, bien sûr.

RTL : Vous paraît-il normal qu’une entreprise qui fait des bénéfices reçoive des aides de l’État pour des plans sociaux ?

François Bayrou : Il est vrai que, quand une entreprise fait des bénéfices importants, il paraît choquant qu’elle fasse appel à la générosité de l’État pour assumer un certain nombre de décisions. Légiférer à ce sujet ne me choque pas.

RTL : Les Français ont été choqués par l’annonce de suppression d’emplois chez Michelin, entreprise qui fait des bénéfices. Ils l’ont été aussi par le montant des indemnités et, surtout, les stock-options que percevait l’ancien président d’Elf…

François Bayrou : Le plus choquant, c’est qu’on n’en sait rien. Ce mode de rémunération, répandu universellement, est, en France, décidé et géré dans une opacité qui n’est pas acceptable. Il faut la transparence complète, à l’égard des actionnaires - c’est-à-dire du grand public -, de tout ce qui est rémunération sous quelque forme que ce soit : salaires, bonus, stock-options.
Quant à la taxation des plus-values sur stock-options, elle est à quelque chose comme 40 % actuellement. La question n’est pas d’augmenter la fiscalité sur les stock-options, mais d’abaisser la fiscalité sur le travail. Enfin, il y a une piste intéressante à suivre, c’est que cette rémunération différée ne devrait pas être réservée aux seuls petits sous-ensembles des cadres dirigeants, étendue au plus grand nombre de salariés.

RTL : Seriez-vous donc prêt à rejoindre le Parti socialiste, qui demande la généralisation des stock-options ?

François Bayrou : Quand le Parti socialiste dit qu’il fait jour à midi, je ne suis pas obligé de dire le contraire.

RTL : Charles Pasqua annonce que son mouvement, le RPF, sera présent dans la campagne présidentielle. Pensez-vous que chaque famille de l’opposition doit être représentée dans cette compétition ?

François Bayrou : Voulez-vous me citer un seul grand parti politique qui n’a pas de candidat à l’élection présidentielle ? La logique, c’est qu’un grand parti ait un grand projet, et un grand projet, cela se défend à l’élection présidentielle, qui est l’élection majeure en France. Naturellement, les circonstances peuvent amener à prendre une décision contraire : en 1995, il y avait le choix entre deux candidats RPR et eux seuls : Édouard Balladur et Jacques Chirac.

RTL : Tout président de parti a-t-il vocation à être candidat à l’élection présidentielle, de même que tout parti a vocation à présenter un candidat ?

François Bayrou : Oui, mais je ne pose pas ce problème et je ne le poserai pas en termes de personnes, pour l’instant.

RTL : Avant 2002, il y a, en 2001, les élections municipales. L’opposition doit-elle, collectivement et nationalement, se poser le problème de la situation à Paris, ou bien est-ce un problème local ?

François Bayrou : L’opposition doit se poser le problème de la situation à Paris. Ce n’est pas une affaire uniquement locale. De même que l’opposition doit se poser le problème de la situation à Lyon, à Marseille, dans toutes les grandes villes du pays.
Paris intéresse l’ensemble des Parisiens d’un côté, l’ensemble de l’opposition de l’autre. Vous sentez bien qu’il y a une situation troublée, et cette situation de trouble intéresse l’ensemble de l’opposition, donc l’UDF autant que le RPR.

RTL : Souhaitez-vous l’arrivée à Paris d’une personnalité de l’opposition ? Doit-elle appartenir au parti qui détient l’hôtel de ville actuellement, c’est-à-dire le RPR ?

François Bayrou : Sur Paris, il y a beaucoup trop de gens qui parlent et pas assez qui réfléchissent. Je n’ai pas l’intention de passer de la catégorie de ceux qui réfléchissent à la catégorie de ceux qui parlent. Surtout si c’est pour parler à tort et à travers.