Interview de M. Hervé de Charette, président du PPDF et président délégué de l'UDF, à RMC le 28 octobre 1999, sur la situation en Arménie et en Tchétchénie, les visites en France des présidents chinois et iranien et sur la convocation du Congrès sur la réforme du Conseil de la magistrature.

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RMC : Quatre hommes armés, à l'heure où nous parlons, détiennent cinquante otages arméniens au Parlement même, après avoir assassiné le Premier ministre et le président de l'Assemblée nationale. N'est-ce pas terrible et dangereux ce qui se passe dans le Caucase en ce moment ?

Hervé de Charrette : C'est navrant. L'Arménie est un pays très pauvre – un des pays les plus pauvres au monde – qui a beaucoup de mal à trouver son équilibre, et ces événements sont très éprouvants. Nous les suivons avec beaucoup d'attention car vous savez qu'en France, il y a la deuxième communauté arménienne au monde après celle des États-Unis. Il y a donc une grande proximité de la France avec l'Arménie. Nous sommes des peuples amis, liés par une longue tradition. Et voir l'Arménie d'aujourd'hui dans de si grandes difficultés, c'est très malheureux.

RMC : Les Russes, comme vous le savez, frappent très durement Grozny en ce moment, au prétexte de terrorisme. Votre avis ?

Hervé de Charrette : C'est choquant, franchement ! Je trouve que les pays européens ont tort d'apporter une sorte de blanc-seing permanent à Boris Eltsine. Lui et le pouvoir russe ne justifient pas ce blanc-seing, cette espèce de confiance permanente, ce soutien tous azimuts. Ce n'est pas normal.

RMC : À l'Assemblée nationale, hier, Hubert Védrine a répondu, au nom du gouvernement français, que la France avait bien fait de recevoir le président chinois avec fastes et, en ce moment même, le président iranien, malgré les manquements de l'Iran au respect des droits de l'homme. Vous soutenez cette position ?

Hervé de Charrette : Oui, naturellement. D'abord, parce que la Chine, c'est un immense pays. Je ne veux pas dire de banalités sur le sujet mais, que la France veuille avoir des relations avec la Chine, c'est la sagesse même. De même avec l'Iran qui est un pays très important dans l'histoire des hommes et qui reprendra sa place dans les temps qui viennent. Ceci étant, ce n'est pas une raison pour ne pas exprimer les questions touchant aux droits des peuples, aux droits des hommes.

RMC : Cela n'a jamais fait changer grand-chose…

Hervé de Charrette : Je partage l'analyse du président de la République qui dit : « Parlons, discutons ». C'est quand même comme cela qu'on obtient les meilleurs résultats. Ceci étant, dans l'affaire iranienne, je voudrais insister sur un point : c'est aussi l'occasion de tester l'aptitude du gouvernement français à se préoccuper des treize malheureux juifs qui sont entraînés dans une histoire affreuse en Iran.

RMC : Donc, c'est le président de la République qui reçoit et c'est le gouvernement qui doit régler ?

Hervé de Charrette : Vous avez tort de faire ces distinctions. Moi, je ne les fais pas. Je dis que nous allons bien voir ce qui se passe car je soutiens, avec beaucoup de convictions, toutes les actions qui sont menées en faveur de ces treize malheureux juifs.

RMC : En France, le chef de l'État a donc décidé, hier, de réunir le Congrès, le 24 janvier prochain, pour que députés et sénateurs approuvent la modification constitutionnelle…

Hervé de Charrette : C'est une bonne histoire ça !

RMC : Est-ce qu'à l'UDF, vous allez voter « oui » ?

Hervé de Charrette : On n'en a pas encore discuté mais, mon sentiment, c'est plutôt « oui ». Ceci étant – comme beaucoup d'autres dirigeants de l'opposition l'ont déjà fait avant moi –, nous allons regarder non seulement le texte lui-même, mais également l'ensemble des réformes concernant la justice, initiées par le gouvernement et pour lesquelles nous voulons avoir un certain nombre d'indications. Il s'agit en particulier de la question de l'indépendance du parquet ; il s'agit de la question de la présomption d'innocence ; il s'agit de ce droit à l'image dont vous savez qu'il est très controversé et, personnellement, je trouve que c'est bien à tort que Mme Guigou cherche à menacer, au prétexte de défendre les intéressés. Bref, on va discuter, regarder. Le président de la République, en annonçant qu'il va saisir le Congrès…»

RMC : Ce n'est pas un peu dangereux pour le président de la République ?

Hervé de Charrette : Non, je crois qu'il fait vivre la démocratie. Et, à partir de là, les partis politiques représentés au Parlement – Assemblée et Sénat –, et le gouvernement doivent se mettre autour de la table pour rechercher la meilleure solution possible. Si le gouvernement entend se satisfaire des voix de sa majorité – qui ne lui donne pas de majorité au Congrès –, il n'aura pas de vote.

RMC : C'est le président aussi qui n'aura pas de votes ?

Hervé de Charrette : Non, non, le président de la République a pris des positions très claires s'agissant de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. Depuis toujours, il défend toutes les dispositions qui vont dans le sens de l'indépendance des magistrats mais, à partir de là, je crois qu'il fait quelque chose qui est tout à fait, disons, pas habile, mais tout à fait conforme au bon fonctionnement de la démocratie, en nous disant, à nous parlementaires et à eux, le gouvernement : « Discutons ». Moi, je suis d'accord pour ouvrir la discussion. Cela m'intéresse et je veux être autour de la table. Et je dis au gouvernement : « Attention ! Si vous comptez régler tout cela tout seul, eh bien, vous n'aurez rien du tout ! »

RMC : Si le projet échouait – ce serait une première historique qu'un projet soumis au Congrès soit repoussé par les sénateurs –, est-ce que ce ne serait pas un échec pour le présent de la République ?

Hervé de Charrette : Non, non ! Ce que vous venez de dire démontre le fonctionnement autocratique du pouvoir en France. Le Congrès n'a jamais repoussé un texte qui lui était soumis. Mais la vie parlementaire, c'est, de temps en temps, les parlementaires qui peuvent dire « non ». Et cela m'intéresse que gouvernement, majorité, opposition, nous puissions débattre et discuter sur un sujet qui est fondamental parce qu'il intéresse les libertés publiques.

RMC : Quelle est votre réaction sur le fait que Démocratie libérale – vos cousins, vos anciens frères, car vous étiez ensemble, il y a encore un an – ait décidé de voter contre un projet dont le président de la République pense qu'il est bon ?

Hervé de Charrette : C'est la position de Démocratie libérale. Je la prends en considération. Je crois que se jeter tout de suite vers une position, blanc, noir, oui, non, ce n'est pas du tout conforme au sens de la démarche faite par le président de la République. Ce dernier nous dit : « Voilà, il y a un sujet très important. Moi, j'ai une certaine vision des choses mais, après tout, je ne suis pas le seul en cause. À vous parlementaires, à vous majorité, à vous opposition et gouvernement d'en discuter. » Eh bien discutons ! Et ne prenons pas position avant même d'entrer dans la salle des discussions. Mais je dis au gouvernement qu'il va falloir nous réunir pour que nous parlions ouvertement de ce sujet.

RMC : À Paris, les épisodes judiciaires passés et à venir, rendent-ils le problème insupportable à l'ensemble de l'opposition ? Faut-il le régler de manière urgentissime ?

Hervé de Charrette : Je sais bien. J'ai bien compris que, désormais, Jean Tiberi est devenu l'homme sur qui on tire. Cela dispense de regarder que Robert Hue est devant un tribunal…

RMC : Mis en examen.

Hervé de Charrette : Mis en examen. Cela dispense de regarder ce qui se passe du côté de la Nef et tous ceux qui sont déjà mis en examen et ceux qui vont probablement l'être. Bref ! Vous savez, je ne m'intéresse pas beaucoup à ces sujets parce que je pense que ce n'est pas le rôle des hommes politiques d'avoir toujours les mains dans ce cambouis-là. Il y a des magistrats pour cela. Mais je trouve qu'il y a parfois un peu d'abus. Vous me dites qu'il y a en effet des mises en examen. C'est vrai, je ne dis pas le contraire. J'en suis désolé et navré. Évidemment il y aura des élections municipales à Paris, comme ailleurs, et les citoyens choisiront et jugeront.

RMC : Paris vous intéresse ?

Hervé de Charrette : Évidemment que Paris intéresse tout le monde ! Comment voulez-vous qu'on se désintéresse de la capitale !