Texte intégral
Monsieur le président de FELCOOP,
Monsieur le président de la FNCC,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec un très grand plaisir que j’ai répondu à votre invitation.
J’ai souhaité le faire pour une raison qui dépasse l’estime que j’ai pour vous même et pour les hommes et les femmes qui constituent le cœur de votre secteur.
J’ai souhaité le faire car le moment est bien choisi, au moment de la mise en œuvre d’une nouvelle OCM pour les fruits et les légumes frais et transformés, de venir vous soutenir et vous encourager.
Devant les producteurs de fruits le 14 mars dernier, j’ai donné les grandes lignes de la mise en œuvre de l’OCM en France. Je signais également ce jour-là deux des principales circulaires d’application relatives aux critères de reconnaissance des organisations de producteurs et à l’attribution des aides liées aux fonds opérationnels.
Elles n’ont aujourd’hui plus aucun secret pour vous, responsables de coopératives ou responsables professionnels et c’est bien.
J’ai conscience pourtant qu’il reste beaucoup d’informations à faire auprès des producteurs. C’est pour cela que la semaine dernière j’ai demandé aux DDAF de préparer des réunions dans leurs départements. J’ai mis à leur disposition une mallette pédagogique pour appuyer leur démarche.
Messieurs les présidents, je ne pouvais pas faire moins que de vous en apporter une à chacun.
Sur le fond la nouvelle OCM constitue en effet à mes yeux une opportunité à saisir l’ensemble du secteur. Elle ouvre des perspectives fondamentales et stratégiques.
Il faut en rappeler les orientations générales.
L’offre de produits s’est développée face à une demande qui a globalement plafonné. Une des difficultés majeures à laquelle se heurte le secteur des fruits et légumes est la dispersion de l’offre face à une distribution de plus en plus concentrée. La grande distribution est en effet devenue le canal principal d’écoulement des fruits et légumes frais.
Il était donc nécessaire de réorienter les règles de base de l’OCM pour amener les producteurs à s’adapter à ces nouvelles situations. C’est le sens de cette réforme qui vise à aider les producteurs à être plus compétitifs. Pour cela, l’OCM les incite à se regrouper dans le cadre d’organisations de producteurs pour commercialiser une production mieux adaptée aux besoins du marché. C’est le but du nouvel instrument que constitue le fonds opérationnel. Comme vous le soulignez, cet instrument s’ajoute aux dispositions qui existaient déjà pour le secteur : le retrait, l’extension de règles, la normalisation des produits…, mais il constitue à l’évidence l’enjeu essentiel de cette réforme.
La réforme prévoit que ce nouvel instrument soit réservé aux organisations de producteurs. Et en effet, dans le secteur des fruits et légumes, l’organisation des marchés passe par une bonne organisation des producteurs.
Pour y parvenir, il faut conforter les producteurs déjà organisés pour la commercialisation de leurs produits, en préservant leur spécificité. Ces organisations de producteurs qui assurent déjà la commercialisation de leurs produits sont à l’évidence un noyau dur du dispositif, et vous le représentez largement ici. C’est bien la commercialisation et le contrôle par les producteurs qui définissent l’appartenance à ces organisations de producteurs de commercialisation.
Il faut appuyer de telles organisations en mettant des moyens à leur disposition pour renforcer l’intérêt de l’organisation et pour tenter d’aller plus loin que ce qui se fait aujourd’hui. Le fonds opérationnel le permettra.
Je sais que vous avez une difficulté de calendrier pour la modification de vos statuts. Cela n’est pas insurmontable et votre proposition me parait une bonne solution.
D’autres organisations de producteurs ont un rôle davantage tourné vers la mise en marché des produits de leurs adhérents tout en permettant aux producteurs de vendre leurs produits par leur intermédiaire.
Les organisations de producteurs de commercialisation et de mise en marché répondent aux critères de la réglementation communautaire.
Elles auront donc le même accès au Fonds opérationnel, mais seules les premières pourront financer des actions spécifiquement liées à la fonction commerciale des organisations de producteurs.
Au-delà de cette distinction, il est bon de rappeler que les critères retenus dans la réforme pour la reconnaissance des organisations de producteurs sont plus exigeants que ceux qui existaient précédemment pour les groupements de producteurs.
Par exemple, le nombre minimum de producteurs a été fixé entre 5 et 40 selon les cas. Je vous rappelle qu’antérieurement il n’y avait aucune exigence minimale sur ce point.
De même, des critères contraignants sont exigés en matière de transparence du marché, d’émission des factures par l’OP, de centralisation des paiements.
Au-delà de l’organisation directe des producteurs, le rassemblement au niveau des comités économiques est prévu par la loi française actuelle depuis 1982. Cette loi va être modifiée comme vous le savez.
Ainsi, l’organisation future de la production restera assise sur les organisations de producteurs de commercialisation et de mise en marché. Mais le rassemblement des organisations de producteurs devra évoluer vers des comités qui tiendront mieux compte pour chacun des produits ou groupes de produits, des réalités de la production et qui colleront de plus près aux bassins de production.
Des comités de bassin remplaceront ainsi les comités économiques.
Mais le cas échéant, ils pourront avoir une envergure nationale, cela se justifie parfois pleinement par exemple pour les fruits et légumes destinés à la transformation.
Permettez-moi de revenir un instant sur le nouvel instrument de cette réforme, le Fonds opérationnel, afin d’apporter des réponses à certaines questions que vous vous posez.
Le Fonds opérationnel est cofinancé par des contributions des producteurs et par une aide financière communautaire. Comme vous, j’aurais souhaité que la part de l’aide financière publique soit plus importante. Cela n’a cependant pu être possible. La négociation européenne se joue à 15 et mes 14 partenaires n’ont pas voulu me suivre sur ce terrain.
Quoi qu’il en soit, même cofinancé, le fonds opérationnel constitue la clé de voûte de la réforme.
Grâce à lui, les organisations de producteurs pourront entreprendre des actions visant à une meilleure adaptation des produits à leur marché dans le cadre de programmes opérationnels pluriannuels. Mais elles pourront également financer du retrait ou des compléments de retrait pour certains produits en cas de besoin.
À ce sujet, je voudrais vous rassurer, Monsieur le président, il n’est pas question dans cette réforme, de vous demander de faire des prévisions de retrait à 5 ans. Le retrait ne doit être à mon sens qu’un pis-aller conjoncturel et il ne faut pas le considérer comme un débouché. C’est annuellement, et de façon préventive que le retrait pourra être prévu dans ce cadre.
Je tiens également à préciser que les OP peuvent s’associer entre elles sur une base volontaire et déléguer à leur association une partie des fonds opérationnels. Les unions de coopératives constituent évidement une bonne possibilité.
Pour assurer une bonne cohérence économique dans l’utilisation des Fonds opérationnels comme nous l’impose d’ailleurs la réglementation communautaire, j’ai décidé de la création d’une Commission nationale du fonds opérationnel.
Celle-ci sera, constituée de responsables professionnels du secteur et de représentants de l’administration, l’ONIFLHOR en tiendra le secrétariat, et elle se réunira très prochainement. Elle devra en particulier se prononcer rapidement sur l’encadrement des actions de retrait, sur la définition éventuelle par produits d’actions collectives qui devront figurer dans chaque programme opérationnel, sur la définition de profils types de programme opérationnel par produit. Cette commission n’attend que vos projets !
Si le regroupement des producteurs en organisation de producteur et l’instauration des fonds opérationnels constituent la clé de voûte de cette réforme, elle ne se limite pas à ces deux dispositions.
J’ai en particulier obtenu que le principe de la responsabilité du détenteur de la marchandise pour le respect de ces normes soit consacré. Je sais Monsieur le président, que cette disposition vous tient tout particulièrement à cœur et je tiens à vous féliciter d’en être largement l’instigateur. C’est un résultat en effet très important dont le décret d’application est en cours d’adoption.
La nouvelle OCM reconnaît enfin les organisations interprofessionnelles.
Des dispositions importantes ont également été arrêtées pour la transparence du marché national et des marchés communautaires. Cela répond à une attente importante des producteurs de fruits et légumes et c’est en effet un élément clé de la gestion de ce marché.
Enfin, cela me semble également très important, les contrôles et les sanctions pour l’application de cette réforme seront harmonisés au niveau communautaire, afin d’assurer une mise en place harmonieuse de cette réforme.
Pour terminer sur l’OCM, je vous dirai un mot de la tomate d’industrie que vous avez évoquée car c’est une production à laquelle j’attache de l’importance.
Le régime des quotas a été maintenu mais la globalité de l’équilibre de la négociation n’a pas permis d’aller assez loin dans l’établissement du nouveau régime. Notamment il n’y a pas assez de souplesse dans la répartition des quotas entre produits.
J’ai donc remis l’ouvrage sur le métier pour les négociations du paquet-prix qui ont commencé le mois dernier, en demandant une réévaluation par transfert de 15 000 tonnes du quota « autres produits ». Reste à boucler la négociation. Je m’y emploierai.
Pour que ce cadre soit celui-là dans le secteur des fruits et légumes, la France a pesé de tout son poids dans les négociations bruxelloises. Le maximum a été fait pour que les modalités d’application collent aux réalités du terrain. À vous d’user de cet outil prometteur avec volonté et détermination.
Toujours dans les fruits et légumes, je voudrais évoquer le problème des pommes de terre.
Vous savez que je souhaitais une organisation commune de marché pour ce produit qui ne doit pas rester à la porte de la PAC.
J’ai donc encouragé à la recherche d’une solution au niveau communautaire sans succès.
Mais l’on ne fait pas une OCM sans les producteurs du moins sans les deux tiers d’entre eux.
Pour autant tout espoir n’est cependant pas perdu. Je reste persuadé de la nécessité de clarifier la règle du jeu sur le marché communautaire.
Il faudrait pour cela connaître mieux les marchés, stimuler la demande par des actions de promotion communautaire et pouvoir s’organiser au sein d’une interprofession.
D’ici là le Gouvernement n’abandonnera pas les producteurs de pommes de terre. Il continuera à accompagner leurs efforts d’adaptation au marché. À votre question précise sur les organisations de producteurs, je réponds évidemment que la réforme de l’OCM fruits et légumes n’entraînera pas la suppression des organisations de producteurs de pommes de terre. Les deux dispositifs coexisteront.
J’ai gardé pour le dessert, la banane, bien qu’en ce moment ce soit plus dur à avaler : l’OCM est soumise à rude épreuve comme vous le savez.
Certains de ses volets font l’objet de critiques fortes aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union européenne.
Les premières conclusions rendues dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce ont été défavorables à ce dispositif.
Je ne suis pas d’accord avec ces conclusions. Avec mes collègues du Gouvernement, je vais agir auprès des institutions européennes pour que tous les moyens offerts par la procédure soient utilisés afin de faire prévaloir notre point de vue.
L’organisation commune de marché de la banane représente pour la France un pan très important de la Politique agricole commune. Son cadre est en effet déterminant pour organiser le soutien public apporté à un secteur indispensable à l’équilibre de nos départements des Antilles.
Soyez de toute façon assurés d’une chose, le Gouvernement français apportera un soutien sans faille aux producteurs de bananes français, communautaires mais aussi des pays ACP.
Enfin, restent les fleurs pour décorer la table. Ce ne sont pas des chrysanthèmes !
Je ne veux pas refaire l’histoire, ni son procès. Les leçons ont été tirées de la crise qui a traversé l’interprofession. Elle n’existe plus et les pouvoirs n’ont pas arrêté pour autant de s’intéresser à ce recteur tout en assumant le poids énorme de la liquidation.
Vous savez bien que le coût de la liquidation du CNIH est imputé en totalité sur le budget de l’ONIFLHOR, ce qui réduit fortement les capacités d’intervention en faveur du secteur horticole. J’ai cependant tenu à maintenir le soutien de l’ONIFLHOR aux programmes de recherche appliquée expérimentation des stations régionales.
En matière de promotion, j’ai fait un effort important puisque sensible aux arguments de la Confédération nationale du commerce horticole et de l’Union nationale des entreprises du paysage, j’ai souhaité que 15 MF soient affectées au financement des actions de promotion en 1996 et 1997. L’essentiel était là !
Les aides aux serres ont été inévitablement diminuée en 1986. Mais j’ai demandé au directeur de l’ONIFLHOR de prendre en compte tous les dossiers déposés par les jeunes agriculteurs lors de leur première installation. C’est ainsi que 47 jeunes horticulteurs ont pu bénéficier d’une aide de l’ONIFLHOR dans le cadre de leur investissement en serre horticole. Je m’efforcerai qu’il en soit de même en 1997.
Les producteurs eux-mêmes vont y contribuer. J’ai en effet récemment proposé aux représentants des producteurs un cadre dans lequel pourrait se régler individuellement le cas de tous les redevables de la taxe CNIH.
Je dois dire que mes propositions ont été accueillies favorablement ; j’ai donc bon espoir que la plus grande partie des taxes dues soient enfin perçues. Or ceci entraînerait automatiquement un abondement des lignes budgétaires de l’ONIFLHOR bénéficiant au secteur horticole. Je m’y suis engagé.
Outre l’aspect budgétaire, cette demande d’apurement du passé et la bonne voie pour se tourner vers l’avenir.
Vous avez soulevé la question du transport des plantes en pot les dimanche et jours fériés. Comme vous le savez suite-à mon intervention auprès de Madame Idrac, secrétaire d’État aux transports, les préfets ont reçu au mois d’octobre 1996 l’instruction de délivrer des dérogations de longue durée pour le secteur des plantes en pot. Cette circulaire s’applique donc actuellement mais elle n’offre pas une situation durable.
Et il faut une solution durable :
Eh bien, Monsieur le président, j’ai le plaisir de pouvoir vous dire que nous l’avons trouvé. Je viens de signer l’arrêté établissant la liste des denrées périssables faisant l’objet d’une dérogation permanente à l’interdiction de circuler. Cet arrêté va être publié dans les tous prochains jours au Journal officiel et il comprendra les plantes en pot.
Enfin, la promotion horticole : outre l’effort important dans ce domaine qu’apportera l’ONIFLHOR, je voudrais maintenant parler du fonds de promotion européen. Vous en demandez la création depuis plusieurs années. Eh bien voilà, c’est chose faite :
Dès 1997, ce fonds va être mis en place pour financer des programmes de promotion.
La gestion de ce fonds sera très décentralisée et il permettra en France que ce soit l’ONIFLHOR qui sélectionne les programmes.
La répartition de l’enveloppe de crédits dont va bénéficier chaque pays sera fixée à l’avance en fonction de la production de chaque État membre. Cela nous est bien entendu favorable car nous sommes un important pays producteur au niveau européen.
Finalement la contrepartie nationale au cofinancement des projets pourrait largement être issue de l’ONIFLHOR. Nous allons obtenir satisfaction sur ce point, mais la commission exigera toujours cependant toujours une contrepartie minimale professionnelle.
Il reste donc très important que l’ensemble des partenaires de la filière s’organisent pour profiter de cette opportunité. Le gâchis a assez duré : ne laissons pas passer cette chance !
Au-delà l’approche par produit si révélatrice de la gestion des filières et des marchés, si essentielle parce que c’est là que les producteurs expriment leur fonction première de production, vous soulevez plusieurs questions transversales ou touchant à la coopération de façon plus générale.
À juste titre vous mentionnez l’outil que constitue la loi sur la concurrence de 1986 modifiée en 1996.
Comme vous, je pense que ce dispositif s’est montré insuffisant pour gérer une crise sur des produits périssables comme celle de cet été. Comme vous je ne crois pas non plus que son assouplissement fasse peser un risque en matière d’indice des prix.
C’est pourquoi comme l’a demandé le premier ministre lors de la conférence annuelle de 1997, j’entends rechercher des améliorations à travers un dispositif législatif approprié.
Quant au projet de loi d’orientation pour l’agriculture, la forêt et l’alimentation en cours d’examen au Conseil d’État, vous me permettrez d’être plus bref pour me laisser parler aussi dans d’autres enceintes.
Sur la place des coopératives dans la loi, je pourrai répondre que c’est le propre même d’une loi d’orientation que de répondre à une telle question, mais je dirais surtout que c’est la place de la coopération dans l’agriculture française qui importe.
Dans cette perspective la loi apportera plusieurs éléments importants aux premiers rangs desquels le renforcement du Conseil supérieur de la coopération agricole qui verra ses missions étendues. Il assistera le ministre en matière de développement et de mise en œuvre de la politique poursuivie. Il aura un rôle permanent d’étude, de proposition et de conseil sur le plan juridique et fiscal.
Pour tenir compte de votre présence sur le marché européen en particulier, la loi ouvrira la possibilité d’accueillir dans une coopérative des personnes installées dans d’autres États membres.
Pour tenir compte également des évolutions des coopératives, union de coopératives, filiales, des dispositions nouvelles en matière de consolidation des comptes seront prises. Elles permettront de faciliter les synergies à l’intérieur des groupes coopératifs et de favoriser une gestion plus performante.
La réponse est claire à votre question. Nous voulons des outils efficaces pour une coopération agricole en développement.
Pour conclure, je voudrais à nouveau insister sur l’enjeu majeur que constitue cette année la mise en œuvre de la nouvelle OCM pour les fruits et les légumes frais et transformés.
Il s’agit bien d’une ouverture fondamentale et stratégique.
Comme je l’ai indiqué il s’agit de donner aux producteurs français et donc à leurs coopératives le maximum de chance pour tirer le meilleur parti de l’OCM.
Je serai présent tout au long de sa mise en œuvre comme je l’ai été pour sa négociation. Chaque fois que nécessaire, je me battrai pour faire progresser la situation de votre secteur, que ce soit pour reconquérir le marché intérieur ou pour explorer de nouveaux marchés extérieurs.
Je vous remercie.