Interview de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, dans "Le Figaro" du 25 octobre 1999, sur la réunion du Parlement des enfants.

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Circonstance : Séance plénière du Parlement mondial des enfants dans la Salle des séances du Congrès à Versailles le 23 octobre 1999 et séance solennelle d'adoption du Manifeste de la jeunesse pour le XXIe siècle à l'Assemblée nationale le 24 octobre

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Texte intégral

Le Figaro. – La vérité sort elle de la bouche des enfants ?

Laurent Fabius. – La vérité, peut-être pas, mais une vérité, sans doute. Celle du vécu des jeunes. À écouter les enfants venus de 178 pays différents, on apprend leurs vraies préoccupations.
Nous ne demandions pas aux députés juniors de trouver des solutions politiques ou techniques aux problèmes auxquels ils sont confrontés, mais une expression humaine, authentique, de leurs attentes, de leurs angoisses, de leurs souhaits et de leurs espérances. Je ne suis pas naïf. Le risque consistait à ce qu'un certain nombre d'adolescents disent ce qu'on attendait d'eux dans leur pays. Mais la coloration politique se note aussitôt. De toute façon, par le biais de cette initiative, nous semons une petite graine de démocratie.

Le Figaro. – On a beaucoup dit, ou espéré, que le XXIe siècle serait spirituel. Le manifeste du Parlement des enfants vous semble-t-il aller dans ce sens ?

Laurent Fabius. – Je ne sais pas si le XXIe siècle sera plus spirituel. Je sais que par définition il appartient aux jeunes. D'où cette idée de marquer le passage au nouveau millénaire par la convocation du Parlement mondial des enfants. J'ai été frappé par une phrase prononcée par un des rapporteurs : « Nous forgerons notre futur lorsque nos rêves seront devenus lois ».
Le manifeste est un message de la jeunesse du monde. C'est à nous hommes politiques, responsables de gouvernement et d'organisations internationales, de faire en sorte qu'il ne soit pas une bouteille jetée à la mer. Nous ne devons pas décevoir les enfants.

Le Figaro. – La mondialisation est un thème à la mode. Est-elle une panacée ?

Laurent Fabius. – Le prix Nobel de la paix vient de couronner Médecins sans frontières. Je crois qu'au XXIe siècle, plus que par le passé, nous aurons conscience que la plupart des problèmes sont désormais sans frontières. Ce qui ne signifie pas qu'il doit y avoir uniformisation. La diversité est réelle. Un seul exemple. Les enfants du Liberia attendent de leur école qu'elle leur donne à manger, tandis que les adolescents des 15 pays les plus développés parlent surtout des nouvelles technologies.
Face aux enjeux, les parlementaires, jeunes ou pas, doivent être « sans frontières » s'ils veulent pouvoir répondre à l'universalité des besoins et des espoirs.