Texte intégral
Le Figaro Magazine : Quelle est pour vous, Monsieur le Président, l’actualité de la semaine ?
Valéry Giscard d’Estaing : Il y a l’actualité au quotidien, mais il y a surtout deux grands points de repère : nous sommes à un an exactement des élections législatives – qui seront un choix important pour les Français – et à 655 jours de l’entrée en vigueur de l’euro...
Le Figaro Magazine : Un mot sur l’euro. Y a-t-il une alternative à l’union monétaire ?
Valéry Giscard d’Estaing : Il n’y en a aucune, ni technique, ni juridique. Sauf à imaginer une catastrophe. Il s’agit d’un traité d’union monétaire qui devra être mis en œuvre à la date prévue – à moins de le renégocier à quinze, ce qui est en fait impossible. Il a fallu vingt ans – j’en sais quelque chose étant avec Helmut Schmidt à l’origine de ce projet – pour monter cet assemblage. Qu’il tombe en morceaux, on ne pourra pas les recoller. Si un oiseau tombe du ciel, on ne peut pas l’y faire remonter ! Vous assisteriez à de fortes secousses sur les marchés, et à quelque chose d’encore plus pénible pour nous : la perception par la communauté internationale qu’il y existe bien une monnaie européenne... le Deutsche Mark !
Le Figaro Magazine : On dirait que le vrai clivage partisan n’est plus la gauche ou la droite, mais l’adhésion ou le refus de l’Europe de Maastricht.
Valéry Giscard d’Estaing : Je ne le crois pas. C’est peut-être vrai des dirigeants et des milieux politiques. Mais l’opinion, elle, se détermine sur d’autres sujets : emploi, chômage, sécurité, immigration, justice.
Le Figaro Magazine : L’affaire Renault Vilvorde ne voit-elle pas l’émergence d’une Europe sociale ?
Valéry Giscard d’Estaing : Ce n’est pas une affaire européenne. La fermeture de l’usine de Vilvorde n’est pas liée à Maastricht, mais à la mondialisation des marchés. Il y a de fortes restructurations partout en Europe, comme aux États-Unis il y a dix ans, dues à la situation économique mondiale. Tous, nous subissons une concurrence à laquelle nous ne pouvons malheureusement pas nous soustraire.
Le Figaro Magazine : La méthode Schweitzer pour annoncer les « dégraissages » a été vivement critiquée par le président de la République...
Valéry Giscard d’Estaing : Il n’y a pas de bonne méthode pour annoncer une mesure pénible. Ceux qui affirment qu’il y en a se gardent de vous en recommander aucune. Faut-il faire souffrir inutilement à l’avance ? Ce que l’on peut faire, c’est au moins expliquer pourquoi il n’y avait pas d’alternative, et prouver surtout qu’on s’est préoccupé à l’avance des conséquences pour le personnel. Cela n’a pas été le cas pour Vilvorde.
Le Figaro Magazine : Le chômage a encore augmenté en janvier. Quel est, pour une société, le seuil de tolérance du chômage ?
Valéry Giscard d’Estaing : On ne peut pas le dire, parce qu’on s’est toujours trompé ! À un million de chômeurs, on annonçait que ce serait la révolution. À deux millions, même annonce. Et nous voilà au-delà de trois millions ! Dans cette réflexion sur le seuil de tolérance, il faut tenir compte de deux éléments : les progrès accomplis en matière d’indemnisation du chômage, ensuite le travail au noir ignoré par les statistiques, comme c’est le cas, par exemple, en Espagne.
Le Figaro Magazine : Et en France, faut-il craindre une explosion sociale ?
Valéry Giscard d’Estaing : Je ne répondrai pas en termes d’explosion mais de destruction. Un jeune resté dans le marasme du chômage durant deux à trois ans, en position d’attente, d’angoisse et d’espoirs constamment déçus, en ressort abîmé. Un homme, une femme de quarante à cinquante ans à qui l’on répète qu’ils sont désormais inutiles s’abîment aussi. Voici ce que je crains le plus : la destruction des structures sociales et des individus. Le chômage est peu à peu considéré par nos hommes politiques comme une fatalité : c’est une idée pernicieuse et fausse ! Les États-Unis connaissent le plein emploi alors que leur niveau de vie est largement supérieur au nôtre ! Pourquoi n’en serait-il pas de même chez nous ? Le plein emploi existe chez certains de nos voisins européens : les Pays-Bas, l’Irlande. J’insiste : il n’y a pas de fatalité du chômage.
Le Figaro Magazine : Ce qui veut dire concrètement ?
Valéry Giscard d’Estaing : Qu’il faut revoir la méthode de lutte contre le chômage. Nous avons lutté contre le chômage comme nous avons lutté autrefois contre la hausse des prix : par addition d’innombrables mesures administratives de détail (une par campagne électorale) auxquelles s’ajoutait l’appel à la bonne volonté des uns et des autres. Rappelez-vous : on taxait le café, la baguette de pain, la viande, on faisait appel aux commerçants, aux consommateurs, au patronat, etc. Cela n’a jamais réussi parce qu’on ne va pas contre les lois de l’économie. Pour le chômage, c’est pareil. La France étant principalement gouvernée par son administration, on emploie naturellement la même méthode.
Le Figaro Magazine : Avez-vous une suggestion précise ?
Valéry Giscard d’Estaing : Tant que le niveau de coût salarial des travailleurs peu qualifiés restera trop élevé en France, nous garderons un fort taux de chômage. Embaucher quelqu’un au taux du Smic, ce serait possible pour beaucoup d’entreprises, d’associations et de personnes. Mais, quand cela coûte le Smic plus 50 %, c’est impossible ! Je recommande une réduction massive et générale des charges sociales – ramenées à 10 % – sur tous les bas salaires.
Le Figaro Magazine : L’immigration a-t-elle une incidence sur le chômage ?
Valéry Giscard d’Estaing : Évidemment oui, mais la relation n’est pas si simple qu’on le dit. D’un côté, le chômage est incontestablement plus élevé chez les immigrés que dans la population française, ce qui élève le taux moyen. Mais si vous envisagez le chômage dans sa globalité, l’immigration a une faible incidence, car les emplois occupés par les immigrés le seraient difficilement par des Français.
La loi Debré n’est pas liberticide
Le Figaro Magazine : Quelles conclusions tirez-vous du débat sur la loi Debré ?
Valéry Giscard d’Estaing : Ce débat a, malgré ses excès, mis en lumière le socle politique du problème. Voyons les dates : avant 1974, on observait un flux migratoire massif. De 1974 à 1981, par une ferme gestion, ce flux a été réduit. Ceci a été bien perçu par les Français, et le Front national n’a disposé d’aucun espace politique. La preuve en est que le Front national qui avait présenté un candidat à l’élection présidentielle de 1974 a renoncé à le faire en 1981. Puis, vint l’ère Mitterrand, avec la régularisation massive des étrangers en situation irrégulière – la légalisation, en somme, de la transgression de la loi. Résultat ? Un énorme effet d’aspirateur sur l’immigration illégale. À partir de 1993, on a tenté d’inverser ce mouvement. En 1995, les résultats se sont révélés positifs pour ce qui concerne la réduction du flux légal. Mais, les mesures en matière d’immigration clandestine sont demeurées partiellement inefficaces. Les décisions de reconduite à la frontière ne peuvent être appliquées que dans 25 % des cas. 75 % des décisions restent inappliquées. C’est la perception de cette situation qui donne lieu à l’irritation, à la frustration de certains secteurs de l’opinion française, la loi qui vient d’être votée et adoptée par l’Assemblée nationale et par le Sénat est à cet égard tout à fait raisonnable. Elle n’a rien de liberticide ! Pourquoi s’indigner qu’on puisse demander leur empreinte digitale à certains immigrés alors qu’elles figurent sur notre carte d’identité nationale ! Regardez la vôtre ! Ou qu’on puisse retirer leur passeport à des immigrés en situation irrégulière alors qu’on retire leur permis de conduire à des automobilistes en infraction. Les critiques ne sont guère responsables.
Le Figaro Magazine : Le charivari sur la loi Debré n’est-il pas dû, indirectement, au succès du Front national à l’élection de Vitrolles ?
Valéry Giscard d’Estaing : Ce serait un paradoxe ! C’est précisément en montrant au pays qu’on lutte contre l’immigration clandestine qu’on prend à contre-pied le Front national, lequel n’est devenu un phénomène politique que sous Mitterrand et grâce à lui ! Vous observez une coïncidence absolue entre la montée du Front national et les prises de position de l’ancien chef de l’État sur l’immigration. Son projet d’accorder le droit de vote aux étrangers a été ressenti comme une véritable provocation, je vous le rappelle ; enfin, c’est exclusivement sous son septennat que le Front national a eu une représentation à l’Assemblée nationale. Il ne l’a eue ni avant, ni après…
Le Figaro Magazine : Pour ce qui est de l’immigration légale, on oublie le regroupement familial qui permet la pénétration en France, chaque année, de cent mille étrangers.
Valéry Giscard d’Estaing : Cela a été sans doute une mesure mal conçue et mal appliquée, je le dis d’autant plus qu’elle a été prise de mon temps. Elle partait d’un principe humain justifié : l’idée qu’un immigré en situation légale puisse vivre en France avec sa famille semblait normale. Malheureusement, on a assisté à une perversion du système. On a vu des flux qui débordaient de loin la cellule familiale proprement dite et qui, en plus, ne s’accompagnaient pas d’un retour lorsque la personne revenait dans son pays d’origine. L’équilibre s’est rompu. Mais à l’heure actuelle, cette source se réduit. Elle doit en principe se tarir.
Le Figaro Magazine : Il semble que les Français n’en aient pas conscience.
Valéry Giscard d’Estaing : Alors ils se trompent. Les chiffres montrent une assez forte réduction en 1995 et 1996. Et cela se comprend bien : si on lutte contre l’immigration clandestine, il n’y a plus de nouveau chef de famille en France, donc plus matière à regroupement.
Le Figaro Magazine : Peut-on inverser le flux migratoire ?
Valéry Giscard d’Estaing : On peut le réduire encore, bien que la marge ne soit plus considérable. Notre commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, par exemple, a envoyé une mission au Mali sur le lieu d’immigration d’une population assez nombreuse. La tradition de cette population était précisément de s’expatrier. La réponse à cela est d’essayer de créer des formes d’activité et d’emploi qui modifient les habitudes et interrompent ces flux. Beaucoup de gouvernements amis, comme ceux du Maroc ou de Tunisie, et aussi d’Afrique, au sud du Sahara, comprennent cette démarche. Ils sont demandeurs, car ils voient avec inquiétude le départ de leurs élites. Ou encore qu’après leur formation à l’étranger, ces élites ne reviennent plus. Nous devrions être plus imaginatifs sur le plan de l’aide au retour, et du maintien, au sein de leurs sociétés, de certains candidats à l’immigration...
Le Figaro Magazine : Autre sujet d’actualité, l’affaire des écoutes de l’Élysée...
Valéry Giscard d’Estaing : … de l’Élysée sous François Mitterrand ! J’entendais l’autre jour un responsable de ces pratiques dire pour sa défense : « Les écoutes, ça a toujours existé ! » Eh, bien non ! Quand j’étais à l’Élysée, « ça » n’a pas existé. Je mets au défi quiconque de prétendre le contraire. Chacun sa culture. J’ai horreur de ces méthodes qui d’abord ne servent à rien, et qui dégradent ceux qui les utilisent, créant entre victimes et espions une relation honteuse. Quand j’ai été élu en 1974, j’ai décidé qu’on interromprait toutes les écoutes téléphoniques sauf, bien sûr, celles qui font l’objet d’une procédure judiciaire (concernant notamment le grand banditisme et le terrorisme), et celles qui sont exigées par la défense nationale, c’est-à-dire, en fait, des réseaux étrangers. Hormis ces deux cas, il n’y a eu, je le répète, aucune écoute d’hommes politiques, d’acteurs, de journalistes, de personnalités privées ou publiques quelles qu’elles soient. Et j’ai pris garde à ce que ma décision soit respectée. Je souhaite que ces pratiques soient condamnées par la justice.
Le Figaro Magazine : Ces derniers jours, au fil des manifestations, Vichy est revenu comme une référence historique lancinante et mal comprise des nouvelles générations...
Valéry Giscard d’Estaing : Je souhaite, pour ma part, qu’on laisse s’exprimer sur Vichy les historiens et les témoins. Cette période a été vécue bien différemment de ce que l’on peut imaginer aujourd’hui ! Quel jeune ou moins jeune peut concevoir ce qu’était la vie dans Paris occupé par une armée étrangère ? On entendait le bruit des bottes, le chant des soldats le matin dans les rues quand ils se rendaient sur leurs terrains d’exercice, et on savait que toutes les décisions suprêmes étaient prises par les autorités militaires d’occupation qui annonçaient les exécutions par des affiches cerclées de noir... Le peuple français n’était pas au balcon, simple spectateur attendant on ne sait quoi. C’était un peuple occupé par la force et opprimé, mais aussi digne et courageux ! La plupart des Français n’ont, pendant les cinq ans d’occupation, jamais adressé la parole une seule fois à un soldat allemand et les « collaborateurs » étaient honnis. Beaucoup d’entre eux, comme ma mère, écoutaient, tous les soirs à la radio, les messages de la France libre. Un des plus grands succès littéraires des années cinquante, le Silence de la mer, de Vercors, fait précisément cet éloge des Français sous l’Occupation, montrant le courage et la dignité remarquables de notre peuple.
Le Figaro Magazine : Que pensez-vous du « retour » de Boris Eltsine ?
Valéry Giscard d’Estaing : Les Français sont les Français, les Russes... sont les Russes ! Et ce qui est surprenant aux yeux des premiers, ne l’est pas aux yeux des seconds. Dans l’histoire de ce pays chaleureux et merveilleux, les éclipses de pouvoir, les disparitions et réapparitions des dirigeants n’ont pas la même consistance que dans notre culture. Voyez Boris Goudounov ! Si Eltsine n’avait pu revenir sur le devant de la scène, il y aurait eu une crise politique suivie d’une élection présidentielle. Mais le très long intérim tout au long de sa maladie a été géré de façon raisonnable, par les responsables politiques de toutes tendances. Il n’y a pas eu de tentative de déstabilisation du système politique. Les hommes qui ont géré cet intérim ont montré une réelle capacité d’exercice du pouvoir.
Le Figaro Magazine : Autre actualité judiciaire, le dossier Tibéri : faites-vous vôtre la « jurisprudence Balladur » qui veut qu’un haut responsable public démissionne sitôt qu’il est mis en examen ?
Valéry Giscard d’Estaing : Pour un membre de l’exécutif, un ministre, et à condition que la mise en examen concerne directement la personne, j’y souscris. Il doit partir.
Le Figaro Magazine : Et s’il s’agit d’un maire ?
Valéry Giscard d’Estaing : Il doit se poser lui-même la question : sert-il mieux les intérêts de sa ville et de la tendance qu’il représente en restant ou en quittant sa fonction ?
Le Figaro Magazine : Cette semaine est celle du Salon du livre. Que lisez-vous, qu’écrivez-vous ?
Valéry Giscard d’Estaing : Je lis beaucoup et lentement. Je viens d’achever un ouvrage de Michel Antoine sur l’exercice du pouvoir au XVIIIe siècle, ainsi que le dernier roman de Didier Van Cauwelaert, « la Vie interdite », ainsi que le livre de Yung Chang, « les Cygnes sauvages ». Par ailleurs, je travaille à la suite de mes mémoires, bien sûr, et à un roman qui se passe au XIXe siècle en Russie...
Le Figaro Magazine : Jacques Chirac a dialogué lundi sur France 2 avec les jeunes. La meilleure nouvelle de la semaine ne fut-elle pas le sondage accompagnant l’émission et révélant que 62 % d’entre eux se déclarent « optimistes » ?
Valéry Giscard d’Estaing : Oui ! C’est intéressant, mais cela ne me surprend pas du tout. Voyez la récente victoire du Clermont-Foot sur le PSG : une équipe de jeunes amateurs de vingt à vingt-deux ans, qui bat des professionnels ! Ceux-là travaillent dans la journée, ils s’entraînent à l’heure des repas, ils sont de tous les milieux sociaux, et ils entretiennent entre eux des relations beaucoup plus simples que celles que nous avons connues naguère. Il s’agit d’une jeunesse différente, dotée d’une extraordinaire vitalité.
Le Figaro Magazine : Comment voyez-vous l’an 2000 ?
Valéry Giscard d’Estaing : L’an 2000, c’est déjà fini ! Je l’ai évoqué lorsque j’étais président de la République, en 1978. Il aurait fallu utiliser la période 80-95 pour nous préparer. À brève échéance, on ne peut plus rien faire d’important...
Il faut raisonner en songeant à 2020, le temps de former une nouvelle génération, et surtout de la former différemment. Un exemple ? On explique actuellement aux jeunes qu’ils doivent se préparer à changer plusieurs fois d’emploi au cours de leur existence. Il est possible que cela se produise. Mais ce n’est certainement pas un objectif de société, parce que dans l’esprit humain existe aussi le désir de continuité et de sécurité. L’idée « d’instabilité obligatoire » est très menaçante. Dans l’appréhension devant le chômage coexistent deux craintes : celle de n’avoir pas de travail, et celle de devoir changer. Nous devons trouver un mode de fonctionnement de notre économie, assurément plus flexible, mais dont l’objectif ne serait pas seulement de dire : « On vous prévient que vous changerez trois fois de métier dans votre vie. » On pourra rester dans la même entreprise ou dans le même métier, mais en travaillant différemment – des durées différentes ou des postes de travail différents – selon les phases de sa vie.
Et puis, il faut aller plus loin. Si l’heure est à la mondialisation, il est curieux de constater qu’elle ne s’accompagne pas d’une civilisation. Les « mondialisations antérieures », celles des Égyptiens, des Grecs ou des Romains s’accompagnaient d’une civilisation. De même pour l’Europe de la Renaissance. Or, la France d’aujourd’hui a perdu ses repères. Il faut les lui rendre, imaginer un projet, un projet moderne qui s’inscrive dans sa tradition et sa continuité. Il faut, en 2020, devenir, non pas les plus puissants, mais les meilleurs en Europe, que soient reconnues nos capacités, nos performances, notre culture, et que la France, fidèle à elle-même, soit la terre de la douceur de vivre.
Le Figaro Magazine : L’actualité, c’est aussi l’Albanie qui s’enfonce dans l’anarchie. Quel peut être le rôle de l’Europe ?
Valéry Giscard d’Estaing : L’Albanie a une existence propre, due à son histoire et à son isolement. Il ne faut pas comparer sa situation avec celle de pays qui sont des créations politiques artificielles telles que la Yougoslavie. Dernière enclave de l’Empire ottoman dans les Balkans, l’Albanie a connu une alternance de périodes dans lesquelles le Nord gouvernait le Sud, et le Sud gouvernait le Nord. Chacune de ces deux moitiés du pays supporte difficilement le règne de l’autre. Du temps des communistes, le Sud avait pris le dessus. C’est aujourd’hui le tour du Nord, et le Sud veut reprendre le pouvoir avec l’aide d’un scandale financier qui a ruiné à blanc tous les petits épargnants. C’est donc une lutte historique avec des antagonismes très forts, internes à ce pays, et dans laquelle nous n’avons pas de raison d’intervenir. L’Europe ne peut apporter qu’un concours – désintéressé d’ailleurs – à la démocratie et au développement économique de ce pays.
Le Figaro Magazine : Le Centre européen de volcanisme qui sera réalisé à votre initiative par le conseil régional d’Auvergne...
Valéry Giscard d’Estaing : À Saint-Ours-les-Roches, près de Clermont-Ferrand, au milieu de la chaîne des puys. Nous sommes en butte pour l’instant à une procédure lancée par un petit groupe de personnes systématiquement hostiles à toute tentative d’entreprendre. Démarche à laquelle j’assiste comme à une leçon de choses... Quand cette procédure sera close, nous aurons perdu un an, soit 500 000 visiteurs, puisqu’il s’agit du chiffre minimal auquel nous nous attendons. Mais, j’en viens au projet lui-même qui est beaucoup plus intéressant : le volcanisme fait chanter les imaginations. Il sera présenté dans un musée souterrain – situé sur un parc de 57 hectares – grâce à des aménagements scéniques et un parcours d’expositions. L’entrée se fera à pied par une longue pente descendante, trajet initiatique, jusqu’à une grande spirale. On franchira ensuite une passerelle au-dessus d’un gouffre de 35 mètres d’où jailliront flammes et fumées. On s’avancera vers une grotte. Puis ce sera l’enfilade des salles dont la structure à vif laissera apparaître les parois de basalte. Serres froides du « jardin endormi », galeries aux livres sonores, cinéma grand écran, bornes informatiques interactives, multimédias... Tout sera prêt pour l’an 2000.