Interview de M. Jacques Godfrain, ministre délégué à la coopération, dans "Le Figaro" du 4 mars 1997, sur le sous-développement, facteur d'immigration clandestine.

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Le Figaro : Quand le président de la République dénonce « les forces de haine », comment réagissez-vous ?

Jacques Godfrain : C’est un rappel nécessaire. Les dérives de certains milieux d’extrême droite peuvent devenir dangereuses. Mais la façon dont d’autres milieux, ceux-là tiers-mondistes, veulent à tout prix ouvrir les portes de l’immigration peut aussi nourrir un certain rejet de l’étranger. En clair, le racisme se nourrit aux deux extrêmes.

Le Figaro : Le débat sur le projet de loi Debré à l’Assemblée a montré que le rapporteur RPR Pierre Mazeaud était assez isolé au sein d’une majorité favorable à davantage de fermeté en matière d’immigration.

Jacques Godfrain : Le Parlement a parfaitement joué son rôle, grâce à l’autorité morale, à la compétence et à l’esprit d’ouverture de Pierre Mazeaud, et à l’attitude rectiligne du Gouvernement. Il y avait une carence grave chez les manifestants contre ce texte. É aucun moment ils ne se sont préoccupés du problème de développement des pays d’immigration. Sur les banderoles, je n’ai lu aucune inscription : « Non au sous-développement ». Ce qu’ils ont oublié de dire, nous, nous le faisons. Je conduis personnellement de nombreuses expériences de développement local dans les pays d’Afrique, par une coopération de proximité.

L’état d’indigence dans certains régions d’Afrique pousse leurs habitants à chercher ailleurs leur bonheur, pas seulement en France, mais aussi sur leur propre continent, dans des pays plus riches que le leur. On mesure ce que serait la gravité de la situation, si les pays industrialisés coupaient leur aide au développement. Heureusement, au dernier sommet du G 7, comme au sein de l’Union européenne, Jacques Chirac l’a emporté sur les « isolationnistes ».

Le Figaro : L’expulsion récente de Maliens en situation irrégulière a provoqué, sur l’aéroport de Bamako, de gros dommages, et plusieurs blessés chez les forces de l’ordre. Certains parlent d’un « guet-apens »…

Jacques Godfrain : Il est très probable que des comités d’action pour les étrangers en situation irrégulière « chauffent » les expulsés avant leur départ, et leur font croire qu’ils sont des héros. En réalité, ils nuisent à la bonne réputation de leur pays, et à l’image des étrangers en situation régulière, qui doivent, eux, se considérer absolument sous notre protection. Tout gouvernement africain sait que la réputation de son pays tient à la bonne conduite de ses ressortissants à l’étranger. Je fais confiance aux autorités maliennes pour agir.

Quant aux bonnes âmes, qui regrettent au nom des droits de l’homme que les délinquants soient menottés dans l’avion, je constate qu’elles ne se sont jamais souciées des emprisonnements d’inculpés présumés innocents, qui ont lieu en France, tous les jours !

Le Figaro : Faut-il considérer le Front national comme l’adversaire numéro un, comme le disent de nombreux élus de la majorité ?

Jacques Godfrain : Je m’oppose, de toutes façons, à tous ceux qui veulent nous abattre. Mais, moins on parle du FN, mieux ça vaut.

Le Figaro : Partagez-vous l’avis de Pierre Mazeaud, qui estime que Catherine Mégret doit être poursuivie en justice pour ses propos sur l’inégalité des races ?

Jacques Godfrain : S’il doit y avoir plainte, il y a des associations pour les déposer.