Texte intégral
O. Mazerolle
Vous menez actuellement les négociations sur le statut final de la Nouvelle-Calédonie. Hier, M. Rocard, qui était le père des accords de Matignon, a dit que les indépendantistes du FLNKS avaient raison de se montrer fermes. Vous avez le sentiment qu’il vous donne un coup de main en disant cela ?
J.-J. Queyranne
– « Nous discutons actuellement avec le FLNKS. Nous allons terminer tout à l’heure en mi-journée. »
O. Mazerolle
Oui, mais sur le contentieux colonial, la France a quelque chose à se faire pardonner ?
J.-J. Queyranne
– « Ce que le FLNKS appelle le contentieux colonial, ce sont les conséquences à ses yeux de la perte d’identité des canaques qui étaient les premiers habitants de la Nouvelle-Calédonie et l’exigence d’un retour de dignité. Il y a eu au cours de cette semaine un examen en particulier de la façon dont la coutume, les traditions, la culture canaques pouvaient être mieux revalorisées et placées au centre des perspectives d’avenir. »
O. Mazerolle
Il n’y a pas de sentiment de contrition du côté français, alors ?
J.-J. Queyranne
– « Il y a du côté français réexamen de ce qu’a été cette période de la colonisation, qui a été marquée aussi par des révoltes, par une volonté des canaques de retrouver toute leur place dans la société calédonienne. C’est un premier pas qui a été accompli avec les accords Matignon. Il faut aller plus loin. Le FLNKS défend ses positions. Nous aurons l’occasion… »
O. Mazerolle
M. Rocard vous rend service en lui disant qu’il a raison d’être ferme ?
J.-J. Queyranne
– « Il nous rend service surtout parce qu’il donne l’esprit de ce que devraient être les conclusions, je l’espère, c’est-à-dire de trouver une nouvelle étape pour vivre ensemble en Nouvelle-Calédonie avec l’ensemble des communautés. »
O. Mazerolle
Cette formule d’États associés peut vous convenir ?
J.-J. Queyranne
– « C’est la position d’entrée dans les discussions du FLNKS. On sait que du côté du RPCR, du côté européen, il y a une demande qui est de nature différente. Il faut rapprocher les points de vue. Nous avons dit, avec le Premier ministre, lorsque nous avons reçu les deux délégations qu’il ne fallait pas s’enfermer dans des concepts juridiques mais essayer de voir réellement ce qu’il y avait concrètement pour avancer des propositions en matière de compétences, de responsabilités sur la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique toujours en relation avec la France. »
O. Mazerolle
Les régionales : la gauche dans votre région Rhône-Alpes comme dans beaucoup d’autres régions en France fait la course en tête si on en croit les sondages. Est-ce que vous serez comme les sportifs qui sont parfois paralysés par la peur de la victoire ?
J.-J. Queyranne
– « Non pas du tout. Au contraire, ici, il y a une dynamique qui joue à gauche. Lors des dernières élections en 1992, la gauche était divisée. Là, elle est rassemblée dans les huit départements. Et puis, vous savez, Rhône-Alpes a plutôt la tradition d’être une région conservatrice, une région à droite. Donc les choses peuvent basculer, peuvent changer : ce sera un événement. »
O. Mazerolle
Dans la cohabitation le président de la République et le Premier ministre sont au plus haut dans les sondages. Pourquoi cela semble-t-il bénéficier plus à la gauche qu’à la droite ?
J.-J. Queyranne
– « Parce que nous gérons le pays. Le président de la République est à sa place à travers ses responsabilités mais les actions qui ont été mises en place, les réformes engagées sont, au niveau de la population, bien ressenties. Certes il y a des difficultés – nous l’avons vu en début d’année avec le mouvement des chômeurs – mais quand M. Aubry présente le projet de loi contre les exclusions, il y a la démarche sur les 35 heures, il y a les actions menées dans le domaine éducatif ; je pense que beaucoup de Français s’y reconnaissent. Et moi, je sens une mobilisation plus forte à gauche à travers ces élections régionales. »
O. Mazerolle
Vous voulez dire qu’en fait ces élections régionales vont constituer un test national beaucoup plus qu’un test local ?
J.-J. Queyranne
– « Elles sont d’abord des élections régionales mais évidemment elle auront une dimension nationale parce que l’on regardera les résultats et puis aussi, évidemment, la droite détient 20 régions sur 22, donc il y a besoin d’un rééquilibrage. Je crois qu’il va être marqué le 15 mars si les électeurs suivent la tendance actuelle. »
O. Mazerolle
Vous ne pouvez pas accuser votre adversaire de droite, le président sortant, C. Millon, de vouloir s’entendre avec le FN comme on entend souvent les leaders de gauche le faire à l’égard de leur adversaire, puisque le FN dit lui-même que C. Millon est inacceptable pour lui ?
J.-J. Queyranne
– « Oui, mais je souhaite que C. Millon se prononce et ses amis et ses colistiers dans les jours qui viennent. On sent qu’il y a à droite plusieurs tendances. Celle de M. Balladur qui dit : si je ne suis pas en tête en Île-de-France, si la gauche est en tête, je ne serai pas candidat, il n’y aura pas de candidat de droite ; puis celle de M. Vasseur qui, hier, déclarait : je suis prêt à prendre les voix d’où qu’elles viennent. Vous voyez qu’une clarification est nécessaire et je crois qu’ici comme dans toutes les régions la droite doit se prononcer clairement. »
O. Mazerolle
Vous ne croyez pas que ceux qui souffrent le plus de la présence du FN sont davantage les candidats de droite que ceux de gauche ?
J.-J. Queyranne
– « Ils ont à se démarquer de façon nette. C’est ce que souhaite une grande majorité de leur électorat si j’en crois les sondages : quatre électeurs de droite sur cinq ne sont pas prêts à une collusion avec le FN. La droite a tout intérêt à la clarté. »
O. Mazerolle
Est-ce que la coalition de gauche dans votre région a mis les choses au net sur Superphénix : vous êtes pour la fermeture du surgénérateur ?
J.-J. Queyranne
– « En ce qui me concerne : oui. Moi, j’ai totalement adhéré à la position du Gouvernement que nous avons prise à l’occasion des élections de 1997. Je crois que Superphénix représente une aventure industrielle, une aventure nucléaire qui, aujourd’hui, doit être arrêtée parce que c’est un instrument qui n’a pas fait ses preuves, qui est dangereux. Mais il faut penser aussi aux reconversions dans le canton de Morestel, dans toute cette zone qui a connu un développement économique autour de Superphénix. »
O. Mazerolle
TEO, cette rocade lyonnaise recommence à fonctionner avec un péage partiel à 10 francs. Donc vous, élu de gauche, vous avez admis le principe du péage urbain ?
J.-J. Queyranne
– « J’ai approuvé cette position. Nous l’avons eu ici au sein de la communauté urbaine depuis plus d’un an maintenant en disant qu’on ne pouvait pas payer pour traverser le Rhône sur un pont, on ne pouvait pas réduire la circulation et imposer aux automobilistes d’acquitter un péage. Par contre pour un grand ouvrage, ici c’est un tunnel de plus de trois kilomètres qui représente une charge financière lourde : la communauté urbaine a déjà payé beaucoup, et les Lyonnais à travers leurs impôts – trois milliards de francs. Il reste une facture de l’ordre de trois milliards : je trouve assez équitable qu’on la répartisse entre les contribuables et ceux qui en bénéficient parce qu’il y a un réel gain de temps. »
O. Mazerolle
En cas de victoire de la gauche, vous souhaitez devenir président de région plutôt que de rester ministre : c’est une fonction discréditée la fonction ministérielle ?
J.-J. Queyranne
– « Pas du tout. La fonction ministérielle, surtout à l’Outre-mer est très intéressante, passionnante. Il y a le pari du développement des régions : Rhône-Alpes est une grande et belle région avec 5 millions et demi d’habitants avec un territoire aussi grand que la Suisse. Il y a ici beaucoup de choses à faire aussi. Donc c’est un choix qui dépend maintenant de la décision des électeurs, le 15 mars. »