Articles de Mme Arlette Laguiller, porte parole de Lutte ouvrière, dans "Lutte ouvrière" des 2, 9, 16, 23 et 30 janvier 1998, sur les revendications des chômeurs, les minimas sociaux et la réduction du temps de travail.

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Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

2 janvier 1998
DES CADEAUX POUR LES PATRONS, DES AUMONES POUR LES CHÔMEURS

Les 3 000 F que réclament, à titre de prime exceptionnelle, les chômeurs qui occupent un certain nombre de locaux des Assédic constitueraient sans doute, pour nombre de sans-emplois, une bouée de sauvetage non négligeable. Le versement de cette prime ne représenterait qu'une goutte d'eau par rapport aux finances de l’État. Les dirigeants de la CGT et du PCF qui soutiennent ce mouvement le font d'ailleurs d'autant plus volontiers qu'ils savent bien que Jospin ne prendra pas cela comme une déclaration de guerre à son gouvernement.

Mais la modestie de la revendication, en regard de la situation faite aux millions de travailleurs qui se trouvent sans emploi, met d'autant plus en lumière le caractère choquant des réponses gouvernementales.

La ministre du Travail Martine Aubry, comme le Premier ministre, a certes eu quelques bonnes paroles pour les chômeurs. C'est que la plupart sont aussi des électeurs. Mais au niveau des actes, nos gouvernants se sont empressés de préciser qu'il n'y aurait pas de mesures globales, seulement quelques gestes faits en direction des « cas difficiles », comme si, pour un travailleur, le fait d'être privé d'emploi n'en faisait pas très vite un « cas difficile ». Et ils ont aussitôt repassé le problème aux préfets des départements concernés, chargés par eux « d’étudier » les situations au cas par cas,(ce qui sera en outre une manière de ne rien faire là où il n'y aura pas eu d'occupation de locaux par les chômeurs).

Mais quand il s'agit de distribuer au patronat des exonérations de charges sociales qui coûtent bien plus cher à l'Etat que ne lui coûterait une prime exceptionnelle pour tous les chômeurs, ni ce gouvernement, ni ceux, de droite ou de gauche, qui l'ont précédé n'ont fait du « cas par cas », pour rechercher les patrons « nécessiteux ». Tous les patrons, y compris ceux, les plus nombreux, qui 'n'ont jamais cessé de s'enrichir pendant que le chômage augmentait, y compris ceux qui ont contribué à développer ce chômage en procédant à des millions de suppressions d'emplois, ont perçu, et continuent à percevoir, la manne gouvernementale, car le robinet n'a pas été fermé avec le retour de la gauche au gouvernement.

Pour justifier, sans doute, son refus de satisfaire les revendications des associations de chômeurs, Jospin a de plus déclaré que « la recherche de véritables solutions ne peut relever des seules aides financières d'urgence à très court terme ».

C'est vrai. Faire reculer le chômage exigerait bien plus que des « aides d’urgence », et bien plus encore que des aumônes distribuées au compte-gouttes. Car faire reculer le chômage, cela exigerait une politique qui se donne résolument les moyens de créer les innombrables emplois utiles à la collectivité qui, non seulement permettraient de rendre leur place dans la vie active aux millions d'hommes et des femmes qui en ont été écartés, mais qui en outre permettraient d'améliorer le cadre de vie de toute la population.

Mais mener une telle politique, cela voudrait dire justement refuser de continuer dans la voie des cadeaux distribués au patronat sous prétexte de l'inciter à créer des emplois, voie qui depuis vingt ans a fait la preuve de son inefficacité. Cela ne pourrait se faire qu'en taxant les profits.capitalistes, qu'en s'en prenant aux fortunes qu'industriels et banquiers ont continué d'engranger malgré la crise.

Seulement, pour mener une telle politique, il faudrait faire passer les intérêts du monde du travail avant ceux de la grande bourgeoisie. Et c'est justement ce que manifestement ni Jospin ni aucun de ses ministres n'est prêt à faire.


9 JANVIER 1998
LES MINISTRES ONT TOUT LE TEMPS, PAS LES CHÔMEURS !

Face aux revendications de des chômeurs, Martine Aubry, bien calée dans son siège de ministre, a déclaré que le problème n'était pas de prendre des mesures partielles, mais de régler le problème du chômage. Mais, justement, ni Martine Aubry ni le reste du gouvernement ne prennent le chemin de résorber, ne serait-ce qu'un peu, le chômage. Leur rôle c'est de faire patienter, de faire supporter l’insupportable.

Ce ne sont pas les 350 000 emplois-jeunes, qui sont d'ailleurs loin d'être tous créés, qui vont régler le problème des chômeurs de longue durée tombés dans la misère, ni les 35 heures qui vont permettre de créer les trois ou cinq millions d'emplois qui manquent.

Mais le gouvernement considère qu'il a le temps et que les chômeurs doivent l'avoir aussi. L'actuelle majorité a encore quatre ans et demi à gouverner, alors elle n'est pas à la rue.

La bourgeoisie non plus n'est pas pressée car la valeur des actions cotées en Bourse a augmenté de 30 % durant l'année 1997 : six mois sous Juppé, six mois sous Jospin ! En effet, la droite et la gauche ne sont que deux façons de servir la bourgeoisie, l'une avec anesthésie pour les classes populaires, l'autre à vif. Mais au bout du compte, les travailleurs se retrouvent découpés de la même façon.

De son côté, la secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat affirme cyniquement que les chômeurs sont manipulés. Bien sûr, elle est présidente de l'UNEDIC et les revendications des chômeurs la prennent pour cible. Mais est-il besoin de manipuler des chômeurs pour qu'ils se mettent en colère ? Des gens qui n'ont plus rien à perdre que leurs indemnités de chômage pour passer au RMI, qui ont déjà perdu leur place et qui n'ont à craindre à plus ou moins court terme qu'une misère absolue, ont mille raisons d'exploser, voire de tout casser.

Bien sûr, le Parti Communiste, au travers des organisations de chômeurs de la CGT, a trouvé là un moyen de se démarquer du gouvernement socialiste sans risquer de se voir accusé de rompre la solidarité gouvernementale. Mais ce n'est qu'un moyen de se dédouaner, de se montrer à bon compte préoccupé des chômeurs sinon du chômage, mais pas vraiment un moyen de changer les choses.

Alors à quoi cela sert que le PCF ait des ministres au gouvernement ? A faire avancer les choses dans le bons sens, comme le dit Hue ? Mais alors c'est avancer à tout petits, à trop petits pas.

Avec le soutien aux chômeurs et même l'organisation de ces actions, le PC et Dominique Voynet pour les Verts peuvent dire : « Il faut qu'il y ait la pression des actions revendicatives pour que nous, au gouvernement, prenions conscience des nécessités ». Mais justement - et c'est de cela qu'il est question – pour la lutte contre le chômage, eux, qu'exigent-ils du gouvernement auquel ils appartiennent ? Des aumônes ? Des bonnes paroles ?

Robert Hue sait bien dire que satisfaire la totalité des revendications des chômeurs ne représenterait que 5 % du trou du Crédit Lyonnais que l'Etat va compenser. Mais il y a aussi, et ce n'est qu'un exemple parmi bien d'autres, le trou des banques du Sud-Est asiatique, que l'Etat français va contribuer à financer pour que les financiers d'ici, qui ont placé des capitaux là-bas, n'y perdent pas. Il y en a, là, des fortunes que l'on pourrait taxer pour fournir aux chômeurs des emplois utiles pour subvenir aux besoins de la population.

L'année dernière, le nombre des assujettis à l'impôt sur la fortune a diminué de 20 %. Parce qu'il y a moins de riches en France ? Non ! Parce qu'il y a eu, entre temps, une autre façon de calculer la valeur des biens, appartements, propriétés, entrant dans leur patrimoine et qui fait que maintenant deux sur dix d'entre eux échappent à cet impôt pourtant modéré.

Alors, à jouer avec le feu des promesses non tenues, à jouer avec le feu des mouvements organisés là où cela ne peut pas nuire à la bourgeoisie car cela ne fait que demander de l'argent aux Assedic et pas au patronat, un de ces jours, les chômeurs et les travailleurs prendront le coup de sang ensemble. Et alors ils ne se laisseront pas arrêter par des miettes ou des promesses.


16 Janvier 1998
Ce sont les patrons qui licencient et entretiennent le chômage

POUR CRÉER DES EMPLOIS IL FAUT PRENDRE SUR LES PROFITS

Après avoir reçu les organisations syndicales et les associations de chômeurs et annoncé le déblocage d'un milliard de francs pour aider les sans emploi les plus nécessiteux, Jospin a annoncé qu'il n'irait pas plus loin et a fait intervenir les CRS pour déloger les chômeurs qui occupaient les locaux de divers centres ASSEDIC. II a justifié sa politique, le 13 janvier, en déclarant que l'hôtel Matignon resterait un « pôle de stabilité » qui ne se laisserait pas influencer. Et d'invoquer « l'autorité de l’État » et « les formes d’action » qui devraient être « respectueuses de la loi »…

Mais même le peu qu'ils ont obtenu, les chômeurs ne l'auraient pas eu s'il n'y avait pas eu les occupations des bureaux d'ASSEDIC car le gouvernement, d'après Jospin, est « habité par des gens calmes », autrement dit qui ont tout le temps devant eux et ne voyaient aucune urgence à répondre aux chômeurs dans la détresse. Occuper un bureau d'ASSEDIC n'est peut-être pas légal, mais comme l'a dit un chômeur, « et laisser crever les gens, est-ce que c'est légal ? ».

On a dit que la politique gouvernementale obéissait au triptyque «l'écoute, les mesures, l’autorité ». Mais « les bonnes paroles, les miettes, le bâton » serait plus juste, tant est dérisoire ce déblocage d'un milliard de francs (c'est à-dire 333 F par chômeur officiellement recensé) en regard de la situation désastreuse que connaissent des centaines de milliers d'entre eux.

Le mouvement des chômeurs jouit, d'après tous les sondages, de la sympathie de la majorité de la population. Et cette intervention policière décidée par un Premier ministre qui se dit de gauche, contre des chômeurs qui réclament simplement de quoi vivre décemment, a suscité quelques critiques dans les rangs des partis qui soutiennent le gouvernement et des organisations syndicales - dont par ailleurs de nombreux militants, en particulier à la CGT, sont engagés à fond dans le mouvement. Mais Dominique Voynet et Jean-Claude Gayssot qui représentent respectivement les Verts et le Parti Communiste Français dans ce gouvernement, ont fait preuve quant à eux d'une solidarité totale avec Jospin, reprenant à leur compte les propos hypocrites selon lesquels il était dans l'intérêt même des chômeurs de faire évacuer les ASSEDIC. Et d'affirmer que le gouvernement s'est engagé dans la bonne voie, mais qu'il ne peut pas tout faire tout de suite. Comme si, depuis sept mois qu'il est à Matignon, Jospin avait entrepris quoi que ce soit de sérieux contre le chômage !

Ce double langage des politiciens qui prétendent défendre les intérêts de la population laborieuse, en participant à un gouvernement dont la fonction essentielle est de défendre les intérêts des possédants, est dans l'ordre des choses. Mais pour les travailleurs, et pour tous ceux qui se veulent dans leur camp, le choix est clair. Ils ne peuvent être que du côté des chômeurs en lutte, contre ce gouvernement d'hypocrites, sans la moindre réserve.

Chaque travailleur sait qu'il peut se retrouver demain sans emploi. L'augmentation des cadences, la détérioration des conditions de travail que connaissent la plupart des salariés, le chômage total ou partiel que subissent cinq millions d'hommes et de femmes, ne sont que les deux faces d'une même médaille. Ce sont les conséquences de la rapacité de la classe capitaliste qui, pour augmenter ses profits, cherche à réduire sans cesse la masse des salaires, en compensant les suppressions d'emploi auxquelles elle procède par la surexploitation de ceux qui ont gardé un travail.

Et le chômage ainsi créé sert en plus, sous prétexte de permettre la création d'emplois, de justification au patronat pour réclamer sans cesse des aides, des dégrèvements de charges sociales, auprès desquels le milliard des chômeurs est plus que dérisoire. Ces aides que tous les gouvernements successifs, y compris celui de Jospin, lui ont largement accordées.

C'est parce que le chômage qui sévit depuis plus de vingt ans est le résultat de cette folle logique économique qu'il n'est pas possible de lutter vraiment contre lui sans s'en prendre aux profits capitalistes.

Mais c'est aussi pour cela que tous les travailleurs doivent être aux côtés des chômeurs en lutte, dans les manifestations de solidarité qui s'organiseront, à commencer par celle du samedi 17 janvier.

Car même si, pour le moment, le mouvement des chômeurs est loin de rassembler tous les sans-emploi, même si les organisations qui appellent à ces manifestations n'affirment pas clairement, loin de là, que le problème essentiel est de faire supporter le poids de la crise économique à ceux qui en ont profité depuis plus de vingt ans, c'est-à-dire aux industriels et aux banquiers, il n'y a qu'une lutte commune de toute la classe ouvrière, de ceux qui ont un emploi comme de ceux qui n'en ont pas, qui pourra un jour battre en brèche la rapacité de la bourgeoisie.

 

23 JANVIER 1998,
Jospin et les « contraintes budgétaires »

DES MILLIARDS POUR LES PATRONS MAIS RIEN POUR LES CHÔMEURS !

Ainsi donc Jospin a annoncé, dans un premier temps devant les députés, en prenant des poses de chef d’État, puis le lendemain dans son intervention télévisée, à TF1, en adoptant un ton plus patelin, qu'il refusait en fait d'accéder à la principale exigence des chômeurs, la revalorisation de 1 500 F des minima sociaux, prenant prétexte que cela ferait exploser « les contraintes budgétaires ». Car cela représenterait, disait-il, 70 milliards, et le gouvernement ne les as pas. Mais ces milliards existent, et bien plus qu'il n'en faudrait pour répondre aux revendications des chômeurs, et sont distribués au patronat, sans que Jospin et son équipe lèvent les bras au ciel en signe d’impuissance ! A la situation d'urgence, Jospin a donc répondu par des mots, et par quelques promesses qui, à terme – mais dans combien de temps ? - permettront aux plus démunis des démunis de toucher quelques centimes supplémentaires. Jospin essaye de gagner du temps, comme si les millions d'hommes et de femmes au bout du rouleau, en avaient, eux, du temps.

Et pourtant personne ne peut plus ignorer aujourd'hui, parce que les chômeurs ont su élever la voix et se faire entendre, que plus de 10 % de la population française vit en dessous de ce qui est considéré, dans les pays industrialisés, comme le seuil de pauvreté. Des millions de gens doivent vivre avec moins de 3 500 F et souvent pas plus de 2 500 F par mois. Une majorité de la population a été, directement ou dans sa famille proche, touchée par le chômage. 7 millions de travailleurs soit sont au chômage, soit doivent vivre avec des emplois précaires, soit travaillent à temps partiel non choisi, c'est-à-dire dans l'un et l'autre cas avec des salaires inférieurs au SMIC.

Cela n'était pas secret, mais il devient largement public que telle est la situation dans la quatrième puissance industrielle mondiale qu'est la France, à l'aube du XXe siècle !

Et ce qui gêne le gouvernement, c'est de voir largement révélé qu'il n'avait rien prévu dans son budget 1998 pour tous ceux qui sont en dessous du seuil de pauvreté. Pour ce gouvernement qui se dit « socialiste », c'est évidemment gênant de révéler le même cynisme que le gouvernement précédent.

On nous dit, pour justifier le refus de revaloriser les minima sociaux qu'il ne faudrait pas que tous les travailleurs qui ne gagnent que des SMIC partiels aient intérêt à ne pas travailler. Il ne faudrait pas, nous dit-on, que les minima sociaux rejoignent le SMIC. Mais qui donc a fixé ces « minima » avec lesquels les travailleurs privés de leur salaire crèvent ? D'ailleurs ceux qui disent qu'ils ne faudrait pas que ceux qui travaillent touchent autant que ceux qui ne travaillent pas omettent de dire qu'actuellement il existe plusieurs centaines de milliers de travailleurs et surtout de travailleuses qui travaillent mais ne touchent pas plus que ceux qui ont perdu leur boulot ou n'en ont jamais eu. Curieux quand même que l'on entende l'argument que dans l'autre sens !

Et surtout, pourquoi le SMIC est-il si bas ? Pourquoi a-t-on pesé, depuis des années, sur les salaires au point que ceux qui ne gagnent que le SMIC représentent une part de plus en plus grande des salariés ? Pourquoi y a-t-il tant de bas salaires ?

On nous a dit, pendant des années, qu'il fallait abaisser le code du travail pour que les entreprises créent des emplois. Les entreprises ont vécu, et même bien vécu, si on en croit les bénéfices et les cours de la Bourse. Le coût du travail a baissé et ce sont le grand patronat, les financiers, les spéculateurs qui ont largement profité de cette situation. On leur a même fait des cadeaux supplémentaires, comme par exemple de diminuer de 20 % l’impôt sur les bénéfices des entreprises.

La gauche a relevé un tout petit peu cet impôt, mais bien trop peu pour donner au budget de l’Etat de quoi subvenir aux besoins de ceux que le capitalisme a laissés pour compte ou jette sur le pavé.

Pourtant, rien qu'en rétablissant l'impôt sur les bénéfices au niveau où il était il y a 15 ans, il y aurait de quoi relever ces minima sociaux et aussi de quoi créer plu sieurs millions d'emplois dans les transports, l’Education nationale, les hôpitaux ou dans la construction de logements à loyers modérés.

Mais le gouvernement n'est pas là pour cela, il n'est là que pour faire patienter. Or, justement, les chômeurs, les plus pauvres, ne peuvent pas patienter. C'est chaque mois qu'ils doivent payer leur loyer et tous les jours qu'ils doivent se nourrir et nourrir leur famille.

Alors le gouvernement Jospin est bien embarrassé par ce mouvement qui l'empêche d'avoir l'image d'un gouvernement qui, au moins, aménage un peu la misère à défaut de changer la société.

Et on peut se demander pourquoi les députés du Parti Communiste, parti qui est partie prenante - et c'est à son honneur - de la lutte des chômeurs, ont voté le budget du gouvernement Jospin, dans lequel Ils ont des ministres, budget qui justement ne prévoyait ni le relèvement des minima sociaux ni la moindre aide supplémentaire pour les chômeurs.


30 JANVIER 1998
Vaincre le chômage c'est possible…

SI ON PREND L'ARGENT SUR LES PROFITS PATRONAUX

L'Assemblée nationale a commencé à discuter des 35 heures, une loi qui n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2000 dans les entreprises de plus de vingt salariés et qui ne concerne pas du tout la fonction publique. Et ceux qui travaillent dans des entreprises de moins de 20 salariés devront attendre jusqu'en 2002.

D'aujourd'hui à début 2000, deux ans auront passé et beaucoup d'eau sous les ponts aura coulé. Le gouvernement a même décidé de rediscuter de cette loi, fin 1999, afin d'y apporter d'éventuelles modifications avant de l'appliquer... ou, pourquoi pas, de la reporter. D'ici qu'elle entre en application, quel que soit son contenu réel, bien des chômeurs auront connu la misère et bien des salariés, actuellement au travail, seront au chômage.

Jospin, en tant que Premier: ministre, a refusé de relever les minima sociaux car, a-t-il dit, il faut avant tout régler le problème du chômage. Et Robert Hue, en tant que dirigeant du PCF, a ajouté que c'est sur le chômage que la gauche réussira ou échouera.

C'est vrai, mais justement que proposent-ils de sérieux pour régler ce problème, si l'essentiel, c'est le problème du chômage ? A qui va-t-on faire croire que les 35 heures vont entraîner la création des 3 à 5 millions d'emplois qui manquent ?

En fait, on agite les 35 heures devant les yeux des travailleurs pour les faire patienter. Mais on ne fait rien pour résoudre vraiment la question du chômage et les chômeurs ne peuvent pas patienter.

Quant aux salaires réels, ils baissent continuellement, au point que la pro portion de salariés payés au SMIC pro grosse sans cesse alors qu'il est bien difficile, de nos jours, de vivre avec un SMIC. En plus des millions de chômeurs, ce sont des millions de travailleurs qui sont proches de la misère tout en travaillant.

Oui, c'est le chômage qu'il faut réduire, mais pour cela il faut empêcher le grand patronat de diriger l'économie à sa guise. Par exemple, ce patronat nous dit aujourd'hui qu'il y a crise dans l'automobile. Mais pourquoi les travailleurs de l'automobile devraient ils être sacrifiés pour maintenir des bénéfices ? Même si les entreprises de l'automobile avaient cessé de faire des bénéfices, ce qui n'est pas le cas, ceux qu'elles ont faits dans les dix dernières années sont bien engrangés quelque part ! Pourquoi les actionnaires qui ont reçu cet argent ne sacrifient-ils pas, eux, un peu de leur fortune pour sauver la collectivité ?

Le chômage est une catastrophe pour la majorité du pays. Quand une catastrophe touche tout le pays, on prend des mesures radicales. Si le patronat ne peut pas se sentir solidaire de tout le pays, il faut l'y obliger.

Or l'Etat fait le contraire. D'après les statistiques officielles, rien que les plus grandes entreprises font, chaque année, un bénéfice total, une fois tout déduit et les impôts payés, de plus de 1 300 milliards de francs ; c'est presque le budget de l'Etat dont elles reçoivent, par ailleurs, 182 milliards d’aides.

Alors il faut interdire les licenciements collectifs, réquisitionner sans indemnité ni rachat les entreprises qui passeraient outre. Il faut supprimer les secrets bancaire et commercial qui permettent de cacher où va l’argent.

Mais tant que les travailleurs et les chômeurs, tous unis, ne prendront pas un véritable coup de colère, les patrons ne desserreront pas les cordons de leur bourse pour sortir le pays de la misère où ils l'ont plongé.

Il ne faut pas se laisser lanterner par les 35 heures pour la Saint-Glin-Glin. Si les 35 heures doivent changer quelque chose au chômage, il les faut tout de suite. Et surtout, il faut que ce soit sans contrepartie du côté de la flexibilité des horaires de travail, sinon cela ne créera même pas un seul emploi.

La lutte que nous devons mener c'est la lutte contre le chômage, c'est la lutte contre le grand patronat pour lui faire cracher une partie des milliards de francs de bénéfices qui ont été faits sur notre dos. Souvenons-nous en dans nos manifestations et nos luttes.