Texte intégral
Q - L'intervention du Premier ministre sur France 2 qui est venu expliquer quelle était la deuxième étape de l'action du Gouvernement. On a lu partout dans la presse et entendu, à droite comme à gauche : « Mais où est passée la deuxième étape qu'on nous annonçait ? »
- « La deuxième étape c'est quand même la poursuite de la première étape. Quels étaient les objectifs depuis juin 1997 ? La lutte contre le chômage, la lutte contre les inégalités. Ces objectifs-là n'ont pas changé. En tout cas pour nous, socialistes, il faut continuer à créer des emplois et il faut continuer à lutter contre les inégalités. Peut-être que les moyens vont changer. Là, on est, notamment en matière de lutte contre le chômage, devant une étape très importante : c'est la loi sur les 35 heures, la deuxième loi, et ensuite sur l'application de cette loi. Nous, nous ajoutons qu'il faut aussi lutter contre la précarité de l'emploi. Il y a eu, c'est vrai, beaucoup d'emplois qui ont été créés – plus de 700 000 –, et un certain nombre de ces emplois sont des contrats à durée déterminée ou de l'intérim. Il y a des abus dans le recours à ces formules-là, il va falloir sans doute légiférer. Il y a aussi la formation professionnelle : on se rend compte que si on veut donner aux salariés une chance de pouvoir affronter un certain nombre de mutations, il vaut mieux les former. Et donc vous voyez que c'est toujours les mêmes objectifs, mais avec d'autres textes, d'autres moyens, d'autres instruments : formation professionnelle, lutte contre la précarité, 35 heures. »
Q - Qu'est-ce qui vous agace le plus ? Ce sont les critiques à droite qui disent : « C'est un catalogue habituel » ou bien ce sont les critiques de la gauche qui disent justement : « Où est la gauche ? »
- « Toutes les critiques sont utiles de toute façon, d'où qu'elles viennent. Mais je préfère entendre celles de gauche. La gauche, elle demande toujours qu'on aille plus loin et c'est normal. Et, en même temps, le rôle d'un gouvernement et le rôle d'un parti comme le mien, c'est quand même d'assurer qu'il y ait le plus de croissance possible et le plus d'emplois. Ce n'est pas simplement de faire plaisir à telle ou telle catégorie – il faut aussi, sur le plan fiscal, assurer une baisse d'impôts, on en reparlera –, mais c'est de permettre que la croissance qu'on retrouve maintenant, que les créations d'emplois qui sont nombreuses, continuent à se produire. »
Q - Franchement, quand on entend un Premier ministre dire aux salariés de Michelin, en gros : « Aide-toi, Matignon te soutiendra, descend dans la rue ! … » C'est un peu paradoxal ! Il n'a pas tout à fait tort, Ernest-Antoine Seillière, c'est un peu une première. Et puis, c'est un peu une arme à double tranchant, non ?
- « Je crois que c'est quand même bien de dire, lorsqu'une décision comme celle-là est annoncée brutalement - un peu cyniquement, pour complaire à des analystes financiers, sans information du personnel -, c'est quand même utile qu'un Premier ministre dise : « Non, on ne peut pas accepter une méthode pareille ! » Et d'ailleurs nous, on en tire la conclusion qu'il va falloir changer la loi et donner des droits aux salariés… »
Q - Vous dites qu'il faut changer la loi ! Parce que c'est pas ce qu'il a dit.
- « … des droits des salariés. Ce n'est pas possible que les salariés soient aussi mis à l'écart lorsqu'il y a des décisions comme celles-là. »
Q - « C'est-à-dire que vous souhaitez quoi ? Qu'ils soient informés ?
Qu'ils soient informés, qu'ils soient consultés ! Je vais revenir sur le contrôle des plans sociaux, mais qu'est-ce qu'il dit après, le Premier ministre ? Il dit : « La méthode n'est pas acceptable, la décision elle-même peut choquer. » Et à partir de là, il faut essayer de la remettre en cause. Le Gouvernement n'est saisi de rien pour le moment. Il n'y a pas de plan social qui est déposé par le groupe Michelin. Donc, il y a quand même un rapport qu'il faut installer : des salariés vis-à-vis de leur groupe, mais aussi d'un gouvernement, des pouvoirs publics, j'allais dire d'une opinion publique, vis-à-vis d'une entreprise. Rien ne nous dit – le Premier ministre a eu raison de le préciser – que c'est fait chez Michelin. Donc, il faut éviter d'abord que Michelin dépose un plan social. S'il y a un plan social, il sera regardé par les pouvoirs publics. Et nous, nous souhaitons que les pouvoirs publics mettent bien en garde le groupe Michelin qu'il ne peut pas être accepté, par exemple des préretraites, dès lors qu'une entreprise fait autant de bénéfices. Et, par ailleurs, la réduction du temps de travail, les 35 heures, doivent servir justement à éviter qu'il y ait des suppressions d'emplois. Donc, rien n'est fait. Il faut avoir un rapport avec l'entreprise. Et enfin, sur le contrôle des plans sociaux, il faut être rigoureux. »
Q - Mais il n'y aura pas de loi ?
- « Écoutez, on ne va pas faire une loi pour le groupe Michelin ! »
Q - La baisse de la TVA, moins 20 milliards à peu près, sur les travaux à domicile : là encore, beaucoup de critiques. Forcément, ça va profiter à ceux qui sont plutôt propriétaires et qui ont les moyens pour faire des travaux chez eux.
- « Il faut des baisses d'impôts, tout le monde en convient. Il y a eu une reprise de la croissance, il y a des emplois qui sont créés, il y a des recettes qui rentrent, il faut des baisses d'impôts. Quels impôts ? Nous, socialistes, disons : « Plutôt les impôts qui touchent tout le monde : la TVA ». La TVA, tout le monde paye cet impôt indirect. Alors après, on nous dit : « Mais certains consomment plus que d'autres ! » Il est vrai que, pour les réparations au logement, ceux qui peuvent se payer des réparations au logement ce ne sont pas nécessairement les exclus, c'est évident ! Mais on pourrait le dire pour tout produit. On pourrait aussi ajouter : « Il faut baisser les produits de première nécessité ». Ils sont déjà à 5,5. Donc, on a pris la baisse de la TVA parce que c'est l'impôt qui touche tout le monde. On a pris la réparation au logement parce que c'est ce qui peut avoir le plus grand effet en matière d'emplois : c'est ce qui lutte contre le travail au noir, c'est ce qui aide un secteur économique comme le bâtiment et ce qui permet aussi d'améliorer les conditions de vie de chacun. Donc c'est quand même bien ! »
Q - Mais pourquoi ne pas avoir fait un petit quelque chose pour les ménages, les classes moyennes qui, avec notamment la réforme du quotient familial, ont vu sur leurs avis d'imposition cette année, pour certains, des mauvaises surprises et qui ne sont pas les hauts revenus ?
- « Vous ne pouvez pas à la fois nous dire : « Il ne faut pas baisser la TVA parce que ça profite aux classes moyennes » – ce qui est à démontrer – et en même temps : « Il faudrait faire encore un geste pour les classes moyennes à travers l'impôt sur le revenu ». Il y aura un geste pour l'impôt sur le revenu l'année prochaine et dans deux ans, le Premier ministre s'y est engagé et nous, nous le souhaitons. Nous souhaitons aussi qu'il y ait une baisse de la CSG, car la CSG c'est l'impôt de tous. Nous, si vous voulez, notre démarche, c'est de baisser les impôts. Ça c'est le produit de la croissance qui doit être redistribué aux Français. Mais de faire que cette baisse d'impôts profite à tous et pas simplement à quelques-uns, les plus fortunés. »
Q - « On dit que certains socialistes voudraient un petit quelque chose sur l'impôt sur la fortune. Vous êtes prêt, par exemple, à revoir le plafond ?
- « Non, on a révisé l'impôt sur la fortune l'année dernière. Je crois qu'il ne faut pas y revenir. Vous savez bien qu'on l'a renforcé l'année dernière. Je ne pense pas qu'il faudrait l'alléger cette année. »
Q - Le non-départ vers la course à la présidence du RPR de Nicolas Sarkozy ?
- « Chacun voit - mais on a connu aussi des époques comme celles-là, donc il faut être modeste - qu'il y a une crise profonde à droite. Il y a eu trois présidents du RPR en moins de deux ans : Alain Juppé qui, sous la pression de Jacques Chirac a laissé sa place à Philippe Séguin ; Philippe Séguin qui a été découragé par Jacques Chirac ; Jacques Chirac qui maintenant congédie Nicolas Sarkozy. Et on en annonce un quatrième. J'espère qu'il s'entendra bien avec le Président de la République. Je comprends qu'il s'intéresse à la retraite parce que, visiblement, il met beaucoup à la retraite les présidents du RPR. »