Interview de M. Jean-François Mancel, secrétaire général du RPR, à RMC le 28 janvier 1997, sur l'emploi des jeunes, la loi Robien sur la réduction du temps de travail et la préparation des élections législatives de 1998.

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Texte intégral

P. Lapousterle : Le Président de la République a appelé hier à « une croisade pour l'emploi des jeunes. » Ça fait 21 mois que le Président est élu, que le Gouvernement est en place. Ça fait 21 mois qu'on affirme que l'emploi est la priorité absolue et 21 mois pendant lesquels le nombre des chômeurs a augmenté et le nombre de jeunes au chômage a augmenté. Pourquoi croire à ces nouvelles promesses, 21 mois après ?

J.-F. Mancel : D'abord, parce que, pendant les 21 mois que vous évoquez, nous avons tout mis en œuvre pour préparer la décrue du chômage. La baisse des taux, la diminution des dépenses de l'État, un certain nombre de décisions fortes en matière de réforme de la protection sociale. Tout cela nous permet, après avoir remis de l'ordre dans le pays, de créer toutes les conditions nécessaires pour que le chômage puisse diminuer. En revanche, ce que dit à juste titre le Président de la République, c'est que la baisse du chômage ça n'est pas uniquement, et loin de là, le rôle de l'État. C'est le rôle de tout le monde. C'est le rôle des employeurs, de tous les Français dans leur action quotidienne, et notamment en ce qui concerne les jeunes.

P. Lapousterle : Mais c'est quand même le rôle de l'État de permettre que ça…

J.-F. Mancel : L'État a fait ce qu'il devait faire ; il a recréé les conditions de la prospérité économique. À partir de là, ça va, en 1997, se traduire par des résultats que chacun pourra constater dans sa vie quotidienne, et notamment les entreprises, mais aussi les salariés. Et à partir de là, je suis convaincu que nous allons enfin voir évoluer positivement les choses dans ce domaine. Le chômage des jeunes est la priorité, pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas laisser une génération complète à la porte de l'activité professionnelle et à la porte de la place qu'elle veut prendre dans la nation. Il faut que chacun se mobilise. Il faut que tous ceux qui ont un rôle à jouer – employeurs, collectivités locales –, tous ceux qui peuvent employer un ou plusieurs jeunes, se décident à le faire. Ça provoquera le déclic nécessaire. Et vous savez, ce déclic-là c'est celui de la confiance, c'est celui qui redonne confiance en l'avenir, qui permet de se dire que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Et à ce moment-là, tout redémarre.

P. Lapousterle : Ce déclic, on l'attend toujours.

J.-F. Mancel : Je crois qu'il va se produire à partir de 1997, car il a fallu attendre que les mesures prises par le Gouvernement dans la ligne fixée par le Président de la République, portent leurs fruits. Des mesures économiques, il faut au moins 18 mois pour qu'elles deviennent concrètes dans la vie des gens.

P. Lapousterle : Ce n'est pas ce qu'on avait compris pendant la campagne, mais enfin…

J.-F. Mancel : Je vous rappelle que le Président de la République est élu pour sept ans.

P. Lapousterle : F. Hollande a eu un mot cruel hier, il a dit : « Le Président n'est pas parti en croisade, il est parti en campagne électorale. » A-t-il tout à fait tort ?

J.-F. Mancel : Le Président de la République est élu pour sept ans. Il n'est donc pas en campagne électorale. La seule campagne que mène J. Chirac, c'est une campagne pour l'intérêt des Français.

P. Lapousterle : Travaux pratiques Monsieur Mancel, sur ce problème de l'emploi et de l'obligation pour l'État de mettre en place ce qui permettra l'emploi des jeunes. C'est la fameuse loi Robien, une loi qui est approuvée par pas mal de gens mais qui est critiquée par certains, y compris au RPR, puisque Monsieur Péricard, qui est président des députés RPR à l'Assemblée nationale, pense que cette loi est trop chère. Est-ce qu'il faut appliquer la loi Robien intégralement à toutes les entreprises, y compris publiques ?

J.-F. Mancel : Je pense que la loi Robien est le bon exemple des problèmes que l'on rencontre quand on veut diminuer la durée du travail pour créer de l'emploi. Quand il s'agit de dispositions qui sont appliquées dans certaines entreprises, ça va toujours bien. Quand il s'agit de généraliser, ça pose des problèmes. La loi Robien a été la généralisation, dans un certain nombre de cas, de l'abaissement de la durée du travail pour créer des emplois. La conséquence c'est qu'effectivement, ça coûte cher aux entreprises et ça coûte cher à l'État.

P. Lapousterle : Ça marche ?

J.-F. Mancel : Mais ça marche ; il y a eu des créations d'emplois qui sont incontestables. D'autre part, en ce qui concerne le secteur public, rien n'empêche qu'on puisse imaginer que la loi Robien s'applique au secteur public. Il faut cependant se rendre compte que ça coûtera encore plus cher dans ces conditions-là. Et je crois qu'il serait sage que, sans remettre en cause le bien-fondé général de la loi Robien, on regarde les modalités d'application, on vérifie d'abord si on doit en changer certaines pour que ça coûte moins cher. Et puis, par ailleurs, qu'on regarde également si on doit ou non l'appliquer au secteur public. Je pense qu'il n'y a aucun mal, après avoir vérifié dans quelles conditions s'applique un texte de loi, à le reprendre et à le réadapter aux circonstances.

P. Lapousterle : Peut-on continuer à dire que ça coûte cher si la personne trouve du travail, et qu'il y a des cotisations sociales à...

J.-F. Mancel : Mais tout le problème est là. C'est de trouver l'équilibre qui consiste à dire – ce que J. Chirac a dit pendant toute sa campagne présidentielle : mieux vaut quelqu'un qui travaille que quelqu'un qui est au chômage. D'autant plus que, lorsque ce quelqu'un est au travail ça coûte généralement moins cher à la collectivité que quelqu'un qui est assisté sans avoir d'emploi. Tout le problème est là. Encore faut-il évidemment que ça n'atteigne pas des coûts qui soient insupportables, tant pour l'entreprise que pour la collectivité. Car alors, vous retombez dans l'excès inverse qui fait qu'en alourdissant les charges fiscales et sociales, vous portez atteinte à la prospérité économique et donc à la lutte contre le chômage.

P. Lapousterle : Remaniement ? On en parle. C'est Monsieur Péricard qui en parle.

J.-F. Mancel : Depuis très longtemps je dis que ça peut intéresser 1 500 personnes dans le microcosme parisien, mais à mon avis ça n'intéresse aucun de nos compatriotes aux quatre coins de la France. Ce qui les intéresse, ce sont leurs problèmes - ils ont bien raison -, et les solutions qu'on peut y apporter.

P. Lapousterle : Front national : comment allez-vous, pendant la campagne électorale, pouvoir mener la double bataille contre la gauche et le Front national avec des chances de réussite ? C'est possible ?

J.-F. Mancel : Je suis convaincu que c'est tout à fait possible. D'une part, nous allons nous battre comme nous le faisons actuellement, très fortement contre le PS puisque c'est notre concurrent direct. Le PS estime qu'il a la possibilité d'assumer demain la responsabilité gouvernementale. Nous, nous considérons que c'est peu vraisemblable, mais surtout que ce serait très mauvais pour les Français. Donc, nous le dirons pendant toute cette période qui nous sépare des élections législatives. Quant au Front national, en tant que gaullistes, tout nous sépare d'eux. En ce qui concerne à la fois l'idée que nous nous faisons de l'homme et l'idée que nous nous faisons de la République. Donc, ça aussi nous le dirons très clairement et nous soulignerons aussi qu'il y a des solutions à apporter aux préoccupations qui sont celles d'électeurs qui se sont laissé entrainer à voter Front national. C'est la lutte contre le chômage, c'est la lutte contre l'insécurité et c'est la lutte contre l'immigration clandestine. Et dans ces trois domaines, le Gouvernement aura fait la preuve, en mars 1998, qu'il a déjà beaucoup avancé.

P. Lapousterle : Travaux pratiques : Vitrolles, élection municipale dimanche prochain. Si le candidat de la majorité, le vôtre, est en troisième position par exemple à l'issue du premier tour, doit-il se maintenir ou doit-il se désister ?

J.-F. Mancel : La liste UDF-RPR qui est dirigée par notre ami Guichard à Vitrolles, est une excellente liste. Aujourd'hui, ce que je souhaite vivement, c'est que tous les électeurs de Vitrolles prennent conscience que ni le candidat socialiste et ni la candidate du Front national ne régleront leurs problèmes. Et que c'est Guichard et les siens qui pourront le faire. Donc il faut qu'ils votent pour eux.

P. Lapousterle : Élections de 1998 ? Il y en a plein : des régionales, des législatives, des cantonales, des sénatoriales. La bonne date, selon vous, pour les régionales ?

J.-F. Mancel : Je pense que la bonne date pourrait être celle des élections législatives, c'est-à-dire faire les deux en même temps, dans la mesure où ce sont des élections qui ont un caractère assez politique – il faut dire les choses comme elles sont. Les élections régionales ne sont pas vraiment des élections locales, mais des élections à connotation politique. Donc, pourquoi ne pas les faire avec les grandes élections politiques que sont les élections législatives ? Mais enfin, le calendrier électoral c'est un problème qui n'est pas majeur. À mon avis, ce qui compte c'est ce que nous proposons aux Français et ce que nous faisons pour eux.

P. Lapousterle : Ce soir, vous allez réunir le Conseil national du RPR. Ça va être la première étape de la mise en place du programme RPR. Vous n'êtes pas plus en avance que les socialistes dont vous vous moquez régulièrement, par parenthèses.

J.-F. Mancel : Nous sommes, nous, au Gouvernement d'abord. Nous assumons la responsabilité de redresser le pays que les socialistes ont mis en panne et la France à genoux. Par ailleurs, nous avons un projet, c'est celui de J. Chirac. C'est celui que J. Chirac a développé pendant sa campagne présidentielle, celui notamment de "la France pour tous." Et ce projet, nous le mettons en œuvre, jour après jour, mois après mois dans les difficultés qui ont été créées par nos prédécesseurs. C'est un projet que nous mettrons vraisemblablement sept ans à accomplir dans son intégralité. Donc, qu'est-ce qui va nous rester à faire en 1998 ? À préparer un programme de législature qui soit la concrétisation d'un certain nombre des engagements que J. Chirac a pris dans sa campagne présidentielle, et qui nous permettra de franchir la deuxième partie de ce que je souhaite être le premier septennat de J. Chirac.

P. Lapousterle : Donc, votre projet c'est continuer ?

J.-F. Mancel : C'est de continuer mais vraisemblablement aussi dans d'autres domaines, car à partir de 1998, nous aurons franchi l'étape du redressement.

P. Lapousterle : Si vous êtes élu…

J.-F. Mancel : Mais j'en ai la conviction car je suis persuadé que les Français nous feront confiance.