Texte intégral
Q - Les élections présidentielles au RPR ont éliminé le « national-républicain » Fillon et le « libéral » Devedjian. Quel que soit le vainqueur, Delevoye ou Alliot-Marie, le futur président du RPR ne sera pas très éloigné des thèses de l'UDF. Cela ouvre-t-il des perspectives sur la configuration future de l'opposition ?
- « Les affaires du RPR concernent le RPR. Dès 1998, l'UDF a inauguré la voie de l'élection directe de son président par les militants. Le RPR nous suit sur cette voie, la seule qui permette aux partis de ne plus être des machines à applaudissements. Pour que les partis de l'opposition puissent de nouveau travailler ensemble, il faut attendre que le RPR fasse clairement ses choix, en particulier en matière européenne, qui demeure la grande ligne de partage, au sein de la droite comme de la gauche. »
Q - Les deux candidats du RPR n'ont aucune intention de se démarquer sur ce sujet des positions prises par le Président de la République, qui ne sont guère éloignées de celles défendues par l'UDF. A terme, entre RPR et UDF, il y a donc un parti de trop ?
- « Les élections européennes ont rendu à l'UDF son identité européenne et lui ont permis de retrouver sa cohérence politique. Il est vrai que le RPR doit, lui aussi, répondre aux questions qui se posent à l'ensemble de l'opposition. Sur la défense européenne, par exemple, est-il favorable à la constitution d'une force d'action rapide européenne ? Est-il favorable à une réunion fédérative des États ? Est-il favorable à l'extension du vote à la majorité qualifiée dans de nombreux domaines, et son corollaire inévitable, la lente désuétude du vote à l'unanimité et du compromis de Luxembourg ?
L'an 2000 sera une année très particulière : sans élections en France, elle sera aussi celle qui verra la France présider l'Union européenne. Nous attendons donc que le RPR et son nouveau président prennent des positions claires sur tous ces sujets. »
Q - De nombreux députés de base, UDF comme DL, ont la nostalgie de l'ancienne Union organique. Vous aussi ?
- « On ne construit pas une dynamique sur une nostalgie, mais sur une volonté. Ce n'est qu'en travaillant ensemble, sur des sujets précis, que nous retrouverons l'unité d'action perdue. Je souhaite que demain, sur un sujet aussi essentiel pour les salariés que l'entreprise, et pour la société française que la participation et l'actionnariat salarié, nous fassions des propositions communes. »
Q - Face au projet de réforme constitutionnelle sur la justice, on sent le groupe UDF, comme tout le reste de l'opposition, gêné aux entournures. Voterez-vous ce texte ou ne le voterez-vous pas ?
- « Ce texte présente des aspects positifs, mais comporte aussi de graves insuffisances. On nous demande de nous prononcer sur un texte de révision constitutionnelle, alors que d'autres textes, en particulier sur la responsabilité des magistrats, ne seront présentés que plus tard devant les Assemblées. Nous devons obtenir au préalable des garanties du Gouvernement. Nous ne pouvons admettre que la responsabilité des magistrats ne soit pas la contrepartie de l'indépendance du parquet. Nous souhaitons donc que le pouvoir disciplinaire des magistrats soit, en plus du ministre de la Justice, déconcentré au niveau des présidents de Cours d'appel et autres juridictions. De même, en ce qui concerne les préjudices que peut causer la lenteur de la procédure, nous demandons que la responsabilité de l'État soit engagée pour toute faute simple avérée. Pour l'instant, seule une faute lourde engage la responsabilité de l'État, en dépit des jugements répétés de la Cour européenne des Droits de l'homme, qui condamne régulièrement la France à ce sujet.
Nous souhaitons également que le Conseil supérieur de la magistrature puisse mener des inspections dans les parquets, comme c'est le cas dans tous les autres corps de l'État. Enfin, nous demandons que la mise en examen ne puisse pas être décidée sans un débat contradictoire.
Le risque pour le Gouvernement, c'est qu'à un projet incomplet réponde un vote incomplet, et ce qu'un bout à l'autre de l'hémicycle. »
Q - Que pensez-vous des dernières révélations des commissions d'enquête parlementaire sur la Corse concernant les complicités dont aurait bénéficié l'assassin du préfet Erignac au plus haut niveau de la hiérarchie policière ?
- « Depuis l'arrivée du préfet Bonnet sur l'île, le Gouvernement a instauré en Corse un véritable régime d'exception. Or je crois que tout régime d'exception déroge aux principes de la République et conduit au mieux à une impasse, au pire au naufrage de l'État. On s'en aperçoit aujourd'hui. Devant les révélations les plus récentes des deux commissions d'enquête parlementaire, l'immobilisme et le silence du Gouvernement mettent en danger l'intégrité de l'État. Le rétablissement de l'état de droit ne sera pas possible si l'État ne se montre pas droit avec ses fonctionnaires.