Texte intégral
La Lettre Confédérale CGC : 21 octobre 1996
Action syndicale...sans état d'âme
Au premier degré, si la CFE-CGC était présente dans les manifestations du 17 octobre – notamment à Paris avec la participation de son Comité exécutif – c'était pour soutenir les revendications de l'encadrement, parfaitement définies dans la plate-forme de notre Union fédérale des cadres des fonctions publiques (UFCFP), face à l'État employeur.
En particulier, la défense du pouvoir d'achat en est un élément essentiel, un indicateur de valeur générale pour nous qui voulons restaurer une croissance économique pérenne, assise sur une consommation intérieure soutenue, elle-même appuyée sur un meilleur partage de la valeur ajoutée en faveur des revenus du travail.
Pour les fonctionnaires et agents publics CFE-CGC, ce n'était pas une grève du refus pur et simple. Ils savent que pour garantir un service efficace de l'État, il lui faut s'adapter, se moderniser, se redéployer sans augmenter indéfiniment les coûts de fonctionnement. Ils savent que le service public d'aujourd'hui, et encore plus de demain, ne s'exercera pas en maintenant simplement les modèles du passé.
Mais moderniser n'est pas démanteler.
Mais adapter n'est pas précariser.
Mais redéployer n'est pas supprimer les moyens.
D'ailleurs, sert-on l'intérêt de l'emploi en supprimant dans l'Hexagone certains postes immédiatement recréés dans l'eurocratie Bruxelloise ?
La porte est donc ouverte à une vraie négociation pour autant, qu'elle soit débarrassée de préalables, d'a priori ou d'arrière-pensées !
Au deuxième degré, notre participation visait à envoyer des signaux d'alerte et d'urgence sociale en direction du patronat du secteur privé.
Si, selon les sondages, 54 % des Français se sentent solidaires de ces manifestations pour lesquelles 64 % éprouvent de la sympathie, ce n'est pas un hasard. Bien au cela doit faire réfléchir.
Le désintérêt total de 94 % des patrons pour la gestion des ressources humaines (« Expansion »-IFOP), reléguée au dernier rang de leurs préoccupations, n'est qu'une illustration de cette logique centrée sur la rentabilité immédiate.
Les rapports de force, lourdement appuyés sur la peur du chômage, sont souvent les seuls arguments mis en avant. Jusqu'où ? Jusqu'à quand ? Où se situera la limite qui fera que la révolte l'emportera sur l'acceptation ?
La place, là aussi, est donc à l'action syndicale forte et claire.
Porteurs que nous sommes des exigences et des attentes de l'encadrement, nous sommes prêts à discuter, toutes affaires cessantes, des solutions que nous proposons (contrôle des plans sociaux, cotisation sociale des entreprises, contrat de générations pour les jeunes…) avec le patronat et le gouvernement, ou les deux, en fonction des sujets.
Chacun à sa place, sans biais, et pour ce qui nous concerne sans confusion des rôles et sans état d'âme.
La Lettre Confédérale CGC : 12 novembre 1996
Tout pour L'emploi
Septembre noir, nouvelle hausse du chômage, l'emploi des jeunes se dégrade, nouvelle chute des offres d'emploi… autant de titres de journaux qui sont l'expression d'une dure réalité que les appels à l'optimisme ne sauraient effacer.
Pas plus que ne sont gommés les plans sociaux – que j'appellerais plus volontiers de licenciements – dont chaque jour nous apporte son lot et contre lesquels nos sections syndicales, nos fédérations professionnelles ou les régions nous demandent de les aider par l'intervention auprès des Pouvoirs publics, par l'assistance à l'expertise économique, par l'appui judiciaire ou le soutien dans l'action.
Je dis STOP, on ne joue plus. Mais qui joue ? Qui peut « jouer » avec 3 112 800 demandeurs d'emplois – dont 625 000 moins de 25 ans – en progression de 170 000 en un an ?
À quel niveau de désespérance, de blocage social faudra-t-il arriver pour que le patronat accepte d'ouvrir les yeux, de descendre de son Aventin ?
S'il y a une crise des valeurs et du sens dans notre pays, elle est bien là : l'économisme contre la dignité humaine. L'entreprise, c'est du profit, mais ce doit être aussi de l'EMPLOI. L'un sans l'autre, c'est le délitement du tissu du pays et demain l'explosion sociale.
Pour le moment, le patronat est aux abonnés absents. Le 28 octobre, j'ai demandé au président du CNPF de réunir – comme c'était prévu depuis longtemps – les partenaires sociaux pour négocier, pour agir, pour décider. « TOUT POUR L'EMPLOI », ai-je écrit, et rapidement car il y a urgence.
Je rédige ces lignes alors que je sors tout juste de l'Élysée où le président de la République a reçu le bureau national de la CFE-CGC.
De cet entretien, nous ressortons avec la conviction renforcée que se battre pour l'emploi et pour l'intégration des jeunes dans l'entreprise relève d'un devoir national, auquel nul ne doit avoir la possibilité de se soustraire.
C'est pour cette raison que nous avons clairement indiqué au président qu'à défaut de pouvoir progresser par la voie contractuelle, celle qui a notre préférence, celle qui nous est la plus naturelle, mais qui ne peut servir d'alibi à l'impuissance, à défaut donc, nous emprunterons des voies plus radicales et contraignantes.
Aujourd'hui, j'en identifie deux : des manifestations, à la condition qu'elles soient unitaires et clairement ciblées sur l'emploi, et le recours au législateur.
La rencontre prévue pour décembre à Matignon ne pourra pas être un théâtre d'ombres. Qu'il soit clair pour tout le monde que la CFE-CGC ne joue pas, elle agit.
OUI, maintenant, tout de suite, TOUT POUR L'EMPLOI.
La Lettre Confédérale CGC : 25 novembre 1996
Je t'aime, moi non plus…
Le projet de loi de finances pour 1997 poursuit son bonhomme de chemin.
Bonhomme c'est beaucoup dire quand on (...) allègrement dans ce que d'aucuns osent appeler les avantages fiscaux des salariés ou du moins de la partie, la moitié d'entre eux qui contribue à l'impôt sur le revenu. Et donc très majoritairement de l'encadrement.
Je rencontre chaque jour de ces commerciaux qui devront – au-delà d'horaires de travail délirants – consacrer une partie de leur temps encore libre à justifier leurs frais professionnels réels, alors que l'abattement forfaitaire est si simple à gérer. Pourquoi faire simple… ?
Les patrons de PME se sentiront moins seuls à l'avenir pour dénoncer les contraintes de la « paperasserie ».
Tracasserie sans aucun gain pour le budget car les frais réels sont bien au-delà des plafonds de déduction non revalorisés depuis des décennies.
Je sais aussi que nos collègues des Forces de vente ont la mémoire longue.
Tout comme est tenace celle des journalistes, dont les employeurs, aux entreprises souvent fragiles, ont profité de prétendus avantages fiscaux pour tirer leurs salaires vers le bas.
Ne parlons pas de la fiscalisation des indemnités d'accident du travail, ni de l'impôt qui sera prélevé sur les allocations de maternité, ni du plafonnement des abattements des retraités…
Mais puisque la chasse aux niches fiscales des salariés moyens est ouverte, pourquoi n'examine-t-on pas sérieusement celles qui abritent de grands dirigeants à l'avenir assuré par le biais de stock-options abusifs ? Tout comme l'assiette de l'ISF, les quirats ou autres investissements similaires dont il est permis de se demander s'ils répondent à des objectifs de développement économique ou relèvent de l'évasion fiscale.
Et l'on voudrait que l'encadrement, les cadres soient heureux et contents ! Décidément, Monsieur le ministre des Finances, en leur nom, je dois vous le dire : je t'aime moi non plus.