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France-Elections : guerre en Yougoslavie est aussi une guerre médiatique qui se joue sur tous les registres. Sur Internet, les sites d'informations, de documentation côtoient des centaines de sites officiels ou non, pro-serbes, pro-kosovars, pro-Otan. Quelle analyse faites-vous de ce déferlement mondialise d'informations non triées et de propagande ?
François Hollande : Concernant le Kosovo, vous avez raison de le signaler, de nombreux sites ne relèvent pas de l'information, mais de la propagande pure et simple. Ce qui révèle d'ailleurs que, sur certains aspects, l'Internet est bien un média comme les autres. Plus généralement, l'Internet est par définition un média de liberté. Tout particulièrement de liberté d'expression. Je note d'ailleurs que son développement accroît les possibilités techniques d'accès à cette liberté pour les individus aussi bien que pour les groupes. Cette liberté est légitime, et en dehors d'un certain nombre de cas qui relèvent juridiquement d'un traitement pénal dans la plupart des sociétés contemporaines – prostitution, pédophilie, incitation à la haine raciale, appels au meurtre ou à la violence, terrorisme, trafics illicites, « négationnisme »... – il n'y a aucune raison de restreindre la liberté d'expression ou d'accès au réseau mondial. L'adoption récente d'un amendement issu des travaux de réflexion du Parti Socialiste à la réforme de la loi relative à la liberté de communication va dans ce sens : concilier les libertés publiques et individuelles et établir les responsabilités. Le gouvernement prépare de son côté une loi sur les nouveaux services de l'Internet.
France-Elections : Alors qu'en matière audiovisuelle, l'Union européenne tente de préserver son identité culturelle propre, nous voyons cet effort contourné par le biais de l'Internet qui est livré au leadership culturel et commercial américain en matière de technologies, de logiciels, de commerce électronique. Pensez-vous qu'une politique volontaire européenne soit possible sur l'Internet ?
François Hollande : Les sites « Web » permettent par nature la mise à disposition de toutes les formes de contenus, y compris audiovisuels, ce qui rend délicate l'application par exemple de quotas en faveur de la production audiovisuelle française, ou de chansons francophones. Mais faut distinguer les usages des médias de masse comme la télévision et la radio et ce nouveau média qui suppose de chacun une démarche « positive » en allant chercher lui-même les différents contenus. Il est indispensable de soutenir une identité culturelle plurielle sur le réseau, ce qui passe au plan européen par une participation systématique et active à toutes les négociations internationales relatives à la société de l’information, et par une politique dynamique en matière de nouvelles technologies. C'est à ces conditions que la société de l’information mondiale fera toute sa place aux identités et aux valeurs européennes, je pense à la solidarité.
France-Elections : En Europe, la France n'est pas la mieux lotie dans ce domaine malgré les déclarations d'Hourtin de Lionel Jospin. A peine 4 000 emplois créés en un an contre des dizaines de milliers dans le monde anglo-saxon. Y a-t-il une frilosité française à entrer dans ces nouvelles technologies ?
François Hollande : La France, comme la plupart des Etats européens, a pris un certain retard qui est en voie d'être rattrapé grâce à la volonté réaffirmée au début de l'année de réussir le « Programme d'action gouvernemental pour la société de l'information ». La France n'en est pas moins la quatrième puissance mondiale en matière de nouvelles technologies. Nous savons désormais que ce secteur réalise entre 1/6 et 1/3 de la croissance économique, que le nombre d'entreprises créé dans ce domaine est un vivier pour l'emploi – pas seulement en ce qui concerne les emplois directs à forte qualification, mais aussi en matière d'emplois indirects (commercialisation, logistique, etc.) qui permettent notamment aux jeunes peu qualifiés de trouver un travail. Par ailleurs, dans beaucoup de domaines connexes, la France dispose des meilleures technologies de pointe (TVHD, TV interactive, création multimédia, jeux vidéo, imagerie numérique, réseaux téléphoniques, etc.) ; dans d'autres, elle doit se donner les capacités de disposer d'une industrie puissante et compétitive ; ce qui ne se fera qu'en coopération avec les autres pays européens.
France-Elections : Depuis le câblé de François Mitterrand jusqu'à la conférence de presse pionnière de Lionel Jospin sur Internet en passant par le mulot de Jacques Chirac, les hommes politiques ont voulu donner des signes de leur intérêt pour ces technologies. Vous-même, êtes-vous internaute ?
François Hollande : Je ne suis pas internaute. Mais cela ne m'empêche pas d'avoir un véritable intérêt pour le développement des nouvelles technologies et des réseaux. J'ai d'ailleurs souhaité que le Parti Socialiste se dote d'un site web sur l'Internet – c'est le cas également pour la campagne en vue des élections européennes, avec un site spécial – et à l'intérieur même du parti, les connexions à l'Internet, qu'il s'agisse du web ou des échanges de courrier électronique, se développent.