Interview de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat chargée des PME du commerce et de l'artisanat, dans "Libération" du 20 mars 1998, sur les problèmes de l'étiquetage et de la traçabilité des produits contenant des OGM.

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Média : Emission Forum RMC Libération - Libération

Texte intégral

Q. Comment les consommateurs perçoivent-ils les plantes génétiquement modifiées ?

R. On sent une inquiétude, sans doute due aux dernières crises sanitaires. Ils ont l’impression que les choses vont trop vite. Mais cette inquiétude a évolué depuis six mois. Le débat s’est ouvert. On se dit que si les OGM permettent de lutter contre les parasites en utilisant moins d’insecticides, c’est tant mieux pour l’environnement. Pour autant, les consommateurs n’ont pas encore clairement compris ce que sont les biotechnologies. L’opinion ne fait pas toujours la différence entre clonage et génie génétique.
Peut-être que nous, les politiques, n’avons pas bien mesuré le choc du clonage. Pour l’instant, les gens disent : « Les biotechnologies, pour soigner, je veux bien, mais pour manger, je veux pouvoir choisir. » Le débat citoyen des 20 et 21 juin devrait leur permettre d’avoir une vision plus juste et plus complète des choses.

Q. Et les associations de consommateurs, que disent-elles ?

R. Leur plus grande peur, c’était que les autorisations d’importation ou de mise en culture soient données petit à petit et sans bruit.

Q. Mais est-ce que ce n’est pas le cas ? En autorisant la mission en culture d’un maïs dont le précédent gouvernement avait permis l’importation, ne mettez-vous pas l’opinion devant le fait accompli ?

R. Notre décision d’autorisation a été prise dans la transparence. En plus, il n’est pas question de cultiver ce maïs dans n’importe quelles conditions. Pour pouvoir suivre l’évolution de ces productions, on va demander aux agriculteurs d’identifier les parcelles. Un système de biovigilance est par ailleurs mis en place. De surcroît, je vous signale que, mercredi, la France a voté contre une décision de l’Union européenne d’autoriser l’importation d’un colza génétiquement modifié et s’est abstenue pour les trois maïs proposés.
Pour nous, les choses sont claires. On arrête les autorisations et on attend de s’être mis d’accord au niveau européen sur les règles de traçabilité et de transparence.

Q. Vous parlez de transparence, mais la question de l’étiquetage est toujours en panne. En théorie, tout produit alimentaire contenant des OGM doit être étiqueté. En pratique, ça n’est pas le cas. Or, il semble qu’on trouve déjà des aliments contenant des OGM dans les magasins.

R. L’étiquetage est difficile à mettre en place. Pour les produits importés, par exemple, il faut qu’il soit fait dans le pays d’origine.
Mais il faut que nous ayons, nous, les moyens de vérifier. Or, on ne sait pas encore, aujourd’hui, découvrir la séquence ADN d’un OGM, si on ne la connaît pas en amont. La solution, c’est la traçabilité. Du distributeur à l’industriel de l’agroalimentaire, chacun doit s’assurer de ce qu’il achète : personne ne peut se dire contrait d’acheter un produit dont il ne connaît pas l’origine.

Q. Certes, mais comment pourra-t-on vérifier la véracité des informations fournies ?

R. C’est effectivement un problème. C’est pourquoi il nous fait renforcer nos capacités de recherche sur les méthodes de détection. Parallèlement, nous mettons en œuvre des contrôles documentaires (certificats, documents comptables, factures…) auprès de tous les acteurs de la chaîne alimentaire.

Q. Il semble qu’il y ait également des divergences, au niveau européen, sur les mentions à apposer sur l’étiquette. Quelle est votre position ?

R. Nous proposons deux mentions : « contient des OGM » ou « ne contient pas d’OGM ». La mention « peut contenir des OGM », en revanche, n’est pas acceptable.

Q. La conférence de consensus doit se tenir le 20 et 21 juin. Pensez-vous que l’Union européenne sera arrivée à une position commune d’ici là ?

R. Tout le laisse à penser, d’autant qu’on a des alliés de poids, comme Emma Bonino, la commissaire européenne chargée notamment de la consommation.

Q. Mais la traçabilité à un coût. Les analyses coûtent cher. Les producteurs ne risquent-ils pas de répercuter ces coûts sur le prix des produits ?

R. On peut craindre que la mention « ne contient pas d’OGM » ne conduise certains à augmenter leur prix. Certes, les contrôles peuvent nécessiter des analyses qui, aujourd’hui, coûtent cher, mais qui deviendront moins onéreuses du fait de leur vulgarisation. Cependant, la traçabilité n’est pas, loin de là, qu’une affaire d’analyses. C’est d’abord le suivi du produit dans tous ses composants, de la culture jusqu’à l’aliment final.