Texte intégral
L'ONIC célèbre son soixantenaire l'année même où la récolte céréalière française enregistre un niveau historique.
Cette récolte jamais égalée répond pour partie à des conditions naturelles, notamment climatiques favorables ; elle traduit aussi l'évolution des techniques et en particulier l'utilisation de nouvelles variétés.
Ce résultat consacre surtout les efforts de toute une profession pour promouvoir, développer, organiser et gérer une filière depuis maintenant 60 ans.
Cette récolte est le fruit de la volonté politique de tous les partenaires, producteurs, coopératives, transformateurs, industriels, utilisateurs ou négociants pour développer une céréaliculture française puissante et pérenne dotée d'un cadre économique et juridique stable.
L'ONIC est un élément clé de cette construction patiente et ambitieuse, il est également le reflet.
Conçu vous l'avez rappelé, pour réguler le marché dans un contexte de surproduction et de chute des cours, l'ONIC a su pendant 60 ans, s'adapter à tous les environnements économiques.
Il a ainsi été amené à gérer aussi bien des situations d'excédents, que des situations de pénurie. Il a su aussi s'adapter, un peu plus tard, à la constitution du marché commun au niveau européen.
Adaptation d'autant plus facile que l'ONIC a inspiré pour une large part ce qui allait devenir la future organisation commune du marché des céréales.
Pendant 30 ans ensuite, l'ONIC a été un acteur essentiel de l'expansion de la céréaliculture française et la cheville ouvrière de la mise en oeuvre de la politique agricole commune, en participant à la gestion de l'intervention et au soutien des exportations.
Plus récemment, l'ONIC a montré avec le même succès qu'il savait assumer les conséquences de la réforme de la politique agricole commune, en permettant en relation avec les D.D.A.F. que plus de 99 % des 450 000 agriculteurs demandeurs de paiements compensatoires soient payés dès le 1er jour autorisé par la réglementation communautaire.
Ce tour de force n'a pas d'autre exemple en Europe et je profite de l'occasion pour remercier les agents de l'ONIC qui s'y emploient chaque année.
Dans le contexte de la réforme de la PAC, l'Office a été amené à renforcer la concertation avec d'autres organismes d'intervention.
Le rapprochement fonctionnel opéré avec la SIDO est très efficace pour les agriculteurs. C'est plus sûr pour le budget de l'Etat.
Ces succès engrangés depuis 60 ans, l'Office les doit à son statut original. Lieu privilégié de concertation et instrument d'une politique sectorielle.
Il reste le plus sûr atout de la céréaliculture française devant les grandes échéances qui attendent ce secteur.
Le secteur évolue aujourd'hui dans un cadre stabilisé : celui de la réforme de la PAC, tant en matière de prix que d'aides.
Le bilan que l'on peut dresser au bout de quatre ans de réforme de la PAC est satisfaisant ; les principaux objectifs de la réforme ont été atteints.
Tout d'abord, le revenu des producteurs a pu être préservé voire conforté après plusieurs années consécutives de baisse.
Ce résultat, il s'agira de le maintenir, la partie n'est jamais jouée d'avance.
Vous me permettez d'insister un peu car cette situation plutôt favorable sur la durée, nous devons nous en féliciter.
Je constate qu'en terme de rééquilibrage, la réforme a été un succès. Les céréales ont pu effectivement récupérer les parts de marché qui avaient été perdues dans l'alimentation animale.
Ainsi au niveau communautaire, ce sont à peu près 100 Millions de tonnes de céréales qui sont consommés par les animaux contre 75 MT dans la C.E.E. en 1992/1993 (à 12).
En France, l'utilisation par les industries de l'alimentation animale est en passe d'atteindre les 9,5 MT alors que seulement 6 MT étaient utilisées avant la réforme.
Cet acquis il s'agira de le préserver et là aussi les choses ne sont pas gagnées d'avance. Maintenir voire améliorer ce résultat suppose que nos céréales restent très compétitives par rapport à leurs concurrents PSC.
Les stocks enfin. Ceux-ci ont été diminués puisqu'ils sont passés de plus de 30 MT en 1993 à 3,5 MT au 30 juin 1996.
Le résultat a été exceptionnel, trop peut-être. Il a mis en lumière les tensions auxquelles on est exposé quand on est privé de tout instrument de régulation du marché.
Cette leçon de la campagne 1995/1996 n'a cependant pas surpris les fondateurs de l'office national interprofessionnel du blé qui avaient vu les avantages de pouvoir disposer de mécanismes de gestion et de régulation.
Mais un gros point négatif à apporter au bilan de la réforme ; le recul très préoccupant des exportations vers les pays tiers. Cela tient plus à des raisons de manque de disponibilités qu'à des contraintes liées au contingentement GATT de nos exportations subventionnées.
Nous avons tous oeuvré et milité en France pour que l'Union Européenne comprenne rapidement, à quel point il était indispensable d'ajuster de manière substantielle le taux de gel des terres aux conditions du marché.
Nous n'avons sur ce point été que partiellement suivis et nous l'avons été un peu tard.
Nous poursuivrons sur cette voie, je l'espère en commun, pour que dans le futur, l'approche malthusienne de limitation de plus en plus rigide du volume de production communautaire ne soit pas retenue.
Mais il est vrai que l'Europe se trouve dans un système de maîtrise de l'offre.
Et si l'offre a été, à juste titre, libérée pour la campagne de production 1996/1997, il faut s'attendre à des discussions difficiles à Bruxelles, pour la campagne suivante… A court terme mais aussi à moyen terme nous sommes confrontés à de nombreux pays qui plaident pour une maîtrise du marché par le seul taux de gel, au motif de la contrainte sur les exportations subventionnées, de la baisse des droits à l'importation ou de l'arrivée d'un nouveau potentiel de production avec les PECO.
D'après ce pays, le renforcement des contraintes ne peut se traduire que par un renforcement de la maîtrise quantitative afin d'éliminer les excédents.
Choisir cette option me semblerait être une grave erreur. Elle nous empêcherait de profiter de l'expansion des marchés mondiaux attendues dans les prochaines années.
La demande mondiale entraînée par la démographie devrait connaître un accroissement considérable. Selon les experts, les échanges de céréales suivront cette tendance ; le marché mondial du blé pourrait augmenter de 20 à 30 % d'ici en 2010.
L'Union européenne et la France se doivent de participer à cette expansion. Pour elles-mêmes, sans aucun doute, mais aussi pour les pays importateurs. C'est ce que je considère comme la nécessaire participation de l'Europe à la sécurité alimentaire mondiale.
Il ne doit pas y avoir de doute, l'objectif politique et économique que doit avoir l'Europe en matière d'alimentation c'est bien que chacun ait les moyens, ou de produire ce qu'il lui faut, ou de se procurer ce qu'il faut sur le marché. Et c'est bien cet objectif qui est le premier.
Ce n'est que devant la difficulté structurelle à long terme que cela pose et devant le nécessaire recours au marché pour de nombreux pays que l'Europe a une place à tenir dans l'approvisionnement du marché mondial.
L'Union européenne, de par sa situation dans une zone climatique privilégiée, bénéficie de conditions favorables : elle n'est pas sujette à des aléas de productions importants et peut de ce fait être l'élément et le facteur d'équilibre et de régulation du marché mondial.
Il n'est pas question que le marché mondial dépende d'un seul fournisseur.
Nous sommes à un tournant dans l'évolution de l'organisation du marché des céréales ; il est essentiel de négocier ce tournant au mieux des intérêts communautaires. Tout le monde en Europe ne partage malheureusement pas ce point de vue.
A toute approche fondée sur une excessive maîtrise quantitative, j'oppose une approche dynamique de la compétitivité de la céréaliculture française.
Au niveau français, je m'efforce dans le contexte de la préparation de la loi d'orientation agricole de renforcer les instruments qui permettront de faire jouer la compétitivité de la céréaliculture française.
Au niveau bruxellois, je plaide pour que nos partenaires reconnaissent cette nécessité.
Cette approche offensive et volontariste suppose que nous ayons la capacité et le désir d'anticiper ; c'est en effet à cette seule condition que nous serons en mesure d'orienter les décisions communautaires dans le sens des légitimes ambitions de la céréaliculture française.
Je fais confiance à votre profession pour être une fois encore au rendez-vous, fidèle en cela à l'esprit qui a animé la création de l'ONIC et à l'histoire de l'office dont nous fêtons aujourd'hui le soixantenaire.
Je vous remercie.