Texte intégral
RTL : Est-ce que vous étiez à applaudir M. Juppé à l’Assemblée ?
L. Poniatowski : Je trouve, en tout cas, qu’il a eu raison d’annoncer qu’il acceptait que l’on modifie cet article 1. Je voudrais simplement rappeler, parce que je viens d’entendre comme vous M. Fabius, que c’est quand même le gouvernement socialiste de 1982 qui a créé ces certificats d’hébergement et le décret est signé par MM. Mauroy, Badinter, Deferre et Fabius. Ce certificat d’hébergement n’a rien d’extraordinaire puisque cela existe à l’entrée, pas à la sortie. Chez nous, c’est le volet sortie qui était exigé et surtout que devait présenter la personne qui hébergeait. Je me permets de le rappeler parce que vous savez que dans les pays voisins du nôtre, le contrôle est beaucoup plus sévère qu’en France : on exige, de la part de l’hébergeant, qu’il se porte garant financièrement pour l’immigré qui vient, que ce soit 15 jours ou trois mois, s’il y a des dettes, ou s’il y a une couverture sociale ou médicale, des frais qui sont engagé. Donc c’est beaucoup plus sévère que nous. Nous avons commis une erreur. Quand on le commet, il faut le dire. On n’avait pas été vigilants. Peut-être qu’on aurait dû écouter un petit peu plus le Conseil d’État qui avait émis un avis négatif au moment où nous avons débattu. Et malgré cela, je dirais, nous avions laissé dans cet article 1 du projet de loi Debré, le volet sortie obligatoire – je le contestais, je ne voudrais pas le remettre en cause maintenant – pour une raison d’efficacité tout simplement. Qu’est-ce que cela veut dire d’exiger de la part de quelqu’un qui a envie de rentrer dans notre pays et d’y rester frauduleusement, qu’il rende un papier à la sortie. De toutes les façons, celui qui vient 15 jours et qui est décidé à disparaître dans la nature et à rester dans notre pays trois ans – et vous savez très bien même beaucoup plus, cela existe -, que l’on exige ou non de sa part de remettre un papier, cela ne fonctionne pas. Donc c’était en plus absurde. Donc, je me réjouis, même si c’est recul, peu importe, il faut appeler les appeler les choses par leur nom, je me réjouis que…
RTL : Faut-il considérer cela comme un recul ou comme une ouverture, le fait qu’A. Juppé se soit déclaré prêt à accepter une meilleure formule ?
L. Poniatowski : Il y a un recul sur cet article 1, peu importe le nom qu’on lui donne. Par contre, ce que je souhaite, c’est que le texte d’ensemble – qui rentre dans une logique de politique de lutte à la fois contre l’immigration clandestine et pour l’intégration des immigrés qui veulent s’intégrer dans notre pays, adopter nos lois et nos mœurs – reste. Je dis cela parce que j’ai entendu des hommes politiques, de gauche notamment, qui veulent tout retirer. Et, ce qui est cocasse, c’est que ce sont ceux qui ont signé les décrets instituant ces certificats d’hébergement qui en demandent le retrait que l’on fait aujourd’hui.
RTL : Vous êtes député mais aussi maire, êtes-vous favorable comme l’a dit A. Juppé à ce que l’État puisse décider de prendre le relais des maires dans le contrôle des certificats d’hébergement pour lutter contre l’immigration clandestine ?
L. Poniatowski : Je suis maire mais d’une petite commune rurale. Je connais tous mes habitants. Une commune de 1 500 habitants, on connait tout le monde et je sais quand un étranger arrive chez moi et quand il en repart. Cela n’a rien à voir avec là où se posent ces problèmes, c’est-à-dire ces banlieues difficiles. Par contre, pour répondre à votre question, c’est une mission de l’État, à mon avis, et pas une mission de maire. C’est un problème national. Contrôler les étrangers qui rentrent dans notre pays et qui doivent en ressortir mais qui n’en ressortent pas, ce n’est pas le problème du maire. Maintenant, le maire, on le met à toutes les sauces. On lui met tout sur le dos. On lui met beaucoup de charges financières en plus. Du coup, l’impopularité lui retombe sur le nez. Mais là, franchement, cette mission-là, il n’y a aucune raison que cela lui incombe. Alors j’espère que dans les amendements, il sera institué ce que vous rappeliez (commentaire de B. Hadjadje, ndlr) ce double volet à l’américaine et puis, le fait que l’on donnera dorénavant la responsabilité au préfet ou à un organisme d’État le rôle de contrôler et non plus aux maires.
RTL : En tout cas, si rien ne changeait, estimez-vous, comme M. Fabius, que ce projet de loi fait peser la menace d’une fracture morale sur la France ?
L. Poniatowski : C’est le volet que je contestais, de toutes les façons, personnellement. Mais je le contestais pour des raisons d’efficacité. On met une croix dessus, tant mieux. Adoptons un système qui va ressembler à ce qui se passe à l’étranger mais moi, j’aimerais bien pouvoir le durcir sur un point, c’est-à-dire adopter ce qui se passe en Autriche, en Allemagne, en Italie et en Belgique, c’est-à-dire cette garantie financière demandée à l’hébergeant. Si vous et moi, nous allons à l’étranger, très souvent, nous prenons une assurance en cas de pépin de santé. Ces immigrés qui rentrent très souvent pour 15 jours ou trois semaines, n’ont aucune assurance, aucune garantie s’il y a un pépin. Le fait qu’en Allemagne, on demande à celui qui héberge qu’il s’engage à prendre à sa charge d’éventuelles dépenses médicales, je trouve cela tout à fait naturel. Et j’aimerais beaucoup que nous puissions déposer cet amendement bien que M. Juppé, lorsqu’il est venu ce matin devant notre groupe UDF, a souhaité qu’il n’y ait des amendements que sur l’article 1 – ce volet contestable – et pas sur le reste. Mais j’aimerais que l’on rediscute. Cela passe en Commission des lois jeudi, cela vient à l’Assemblée la semaine prochaine.
RTL : Et vous évaluez cette somme à combien ?
L. Poniatowski : Oh non, tout simplement prendre l’engagement d’être un garant financier. Il n’y a pas de somme comme en Allemagne. C’est celui qui héberge qui dit : si celui que j’invite à venir un mois ou trois mois dans ce pays a des dettes ou à un accident et n’est pas capable de payer l’hôpital, c’est moi qui vais payer ses factures. Il n’y a pas de montant, pas de limites.
RTL : Vous ne craignez pas que cette affaire avec les manifestations qui s’annoncent, dérape et aggrave la fracture sociale en France ?
L. Poniatowski : C’est là où l’on verra si ce sont des manifestations honnêtes ou non. Je pense que les démarches de beaucoup de gens – les premiers qui se sont manifestés, ces professions du cinéma et autres – étaient tout à fait sincères et honnêtes intellectuellement. Alors, nous allons voir si, maintenant que le Premier ministre a annoncé qu’il était d’accord pour que l’on modifie ce texte, il y a toujours des manifestations ; on verra si c’était sincère ou si c’est un peu politisé et s’il n’y a pas quand même un certain amalgame entre ce problème-là et d’autres problèmes graves dans notre pays.
RTL : Deux autres questions concernant ces problèmes. La stratégie à adopter vis-à-vis du FN continue à alimenter le débat au sein de la majorité. Etes-vous favorable au front républicain ou pour le maintien au second tour des candidats de la majorité lors d’élections opposant la gauche et le FN ?
L. Poniatowski : Je ne suis pas favorable au front républicain. Qu’est-ce que cela veut dire ? À Vitrolles, nous savions tous pertinemment qu’au second tour, c’était Mme Mégret qui allait remporter l’élection. J’aurais préféré que mon candidat reste. Au moins il serait dans le conseil municipal avec quatre ou cinq de sa liste et il pourrait contrôler l’action municipale, contester, se faire entendre et faire valoir ses propositions. Le front républicain est une chose que ne comprennent pas les électeurs. Les socialistes et la majorité ne proposent pas la même chose pour diriger notre pays. Nous nous combattons t brusquement, nous ferions ami-ami. Je crois que ce n’est pas clair. Je préfèrerais que nous restions dans l’avenir s’il y a d’autres situations similaires.
RTL : Le Premier ministre a annoncé que les élections législatives et régionales seraient couplées en 1998, l’UDF y était hostile et surtout vous étiez favorables à une réforme du mode de scrutin. Vous êtes déçu ?
L. Poniatowski : Oui, je suis déçu. Nous souhaitions que cela ne se passe pas en même temps pour une raison très simple : les élections législatives sont des élections politiques, le débat, l’enjeu sont nationaux. Du coup, tout le débat régional, tout ce que font les présidents et les majorités de région pour équiper leurs lycées, pour équiper leurs infrastructures, va passer à l’as. On ne va pas les entendre et je le regrette très sincèrement. Voilà pourquoi nous avions souhaité que les régionales aient lieu en même temps que les cantonales qui sont également des élections locales et que les législatives soient à part. Nous avions aussi souhaité qu’il y ait une réforme du scrutin car il n’est pas bon que dans certaines régions, telle ou telle majorité ai besoin de l’appui de minorité, parfois du FN, parfois des Verts, de gens qui ne partagent pas le même programme. Je préfère que la majorité perde deux, trois, quatre régions, mais qu’au moins, à la tête de chacune des régions françaises, il y ait un exécutif, de droite ou de gauche, qui puisse gérer majoritairement sa région. Je pense que nous commettons une erreur. Nous allons voir, comme on l’a vu pour l’Ile-de-France, comme on le voit pour la Haute-Normandie, des majorités qui ne peuvent pas gérer leur région, ne peuvent pas proposer un budget qui est imposé et géré par le préfet, ce qui est très mauvais d’un point de vue démocratique.