Texte intégral
Le Figaro - 26 février 1997
122 milliards d'excédents pour notre commerce extérieur en 1996.
Ce chiffre résume à lui seul la France qui gagne. La France compétitive et moderne qui, depuis quatre ans, a inversé la situation dramatique d'un déficit commercial qui nous minait. La France des technologies performantes, qui sont respectées dans le monde et qui progressent avec détermination. La France qui réussit la mondialisation et qui nous interpelle pour que nos réformes s'adaptent à l'évolution des marchés et aux exigences nouvelles de nos entreprises.
Comment alors cacher mon étonnement et mon incompréhension devant la tonalité et le contenu de certains commentaires, qui accompagnent régulièrement la publication des chiffres de notre commerce extérieur ?
Notre excédent serait artificiel, parce qu'il intègre le solde des échanges commerciaux de la métropole avec les DOM-TOM, ce qui majore notre excédent de moins de 30 milliards de francs. Argument d'une curieuse actualité, pour une situation qui dure depuis des décennies et dont l'impact est resté constant, tandis que notre solde global est passé de – 29 milliards en 1991 à + 122 milliards en 1996.
Il faudrait ensuite s'inquiéter de notre excédent, dû à la faiblesse de la croissance française et donc à la baisse de notre demande intérieure et de nos importations. Bref excédent de récession. Le grand mot est prononcé, aussi dramatisant qu'erroné.
Bilan positif
La vérité, c'est que nous ne sommes aucunement en récession. Que notre croissance, certes encore insuffisante, est réelle, et qu'elle doublera en 1997, avec, j'en suis sûr, une progression de nos excédents. Que nos importations de biens d'équipement professionnel, qui sont un oigne de la reprise de nos investissements, ont progressé de 6 % l'an passé. Que nous avons môme eu, au mois de décembre, un niveau record d'importations.
Il faudrait enfin s'inquiéter, au motif que nos parts de marché diminuent. La réalité, c'est que, sur le long terme, elles sont, dans le monde, en légère progression (5,5 % en 1985, 5,6 % en 1996).
La réalité, c'est une formidable pénétration dans l'Union européenne, où notre part de marché sur la môme période est passée de 7,9 % 19,4 %, justement là où les marchés sont le plus âprement disputés. De même, dans l'OCDE, nous avons maintenu nos positions.
Certes, notre présence reste insuffisante dans les pays émergents, dont le commerce infrarégional se développe très rapidement. Nous avons, dans ces pays, un retard historique qui ne peut pas et ne doit pas nous laisser indifférents, en particulier en Amérique latine et en Asie, où nos exportations augmentent, mais très insuffisamment.
Voilà un sujet fondamental qui doit nous motiver et qui constitue pour notre pays une chance et un défi.
Depuis quatre ans, notre paye et notre économie se sont adaptés à des conjonctures variées, à la fois monétaires et économiques. Ils se sont adaptés au handicap considérable qu'ont représenté le niveau du dollar, celui de la lire et celui de la livre. Nous avons surmonté, en 1996, l'augmentation des cours du pétrole, qui a alourdi notre facture énergétique de 18 milliards de francs.
Contre vents et marées, nos excédents depuis quatre ans ont progressé, grâce à notre nouvelle compétitivité. Voilà ce qui mérite d'être souligné.
C'est ainsi que nous retrouvons un excédent sur les biens de consommation courante, pour la première fois depuis dix-sept ans. Nous avons des excédents exceptionnels sur les biens d'équipement professionnel, dont le solde a progressé de 79 milliards en six ans, sur les produits agricoles et agroalimentaires, qui dégagent un excédent record de 57 milliards.
Plus d'exportations, plus d'excédent, c'est également plus d'emplois. Une étude récente, montra qua 116 000 emplois ont été créés en 1995 en raison des résultats de notre commerce extérieur. Je suis convaincu que nous atteindrons 150 000 en 1996 et plus encore en 1997.
Cette année, nos performances vont encore s'améliorer grâce aux grands contrats civils conclus depuis un an, qui sont nos excédents de demain et qui progressent de 40 % par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Grâce à l'évolution des parités monétaires constatées depuis le début de l'année qui entraîneront un surcroit d'excédent de 7 milliards en 1997 et de 25 milliards en 1998.
Mobilisation
Dans un an, nous devrions réaliser un excédent en progression d'au moins 15 %. Cela suppose, de la part de tous, entreprises et pouvoirs publics, une forte mobilisation.
Mobilisation sur les marchés émergents, où seule une volonté politique et économique sur la durée nous permettra de l'emporter. C'est tout le sens de mon engagement sur les huit pays d'action prioritaire que j'ai identifiés pour notre commerce extérieur : l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, la Corée, l'Inde, l'Indonésie, le Mexique et la Russie.
Mobilisation pour appuyer les 100 000 PME-PMI, qui représentent 6 % de nos exportations et qui peuvent, grâce à des réformes sans précédent, développer leurs exportations de 150 milliards, nous apportant 2 % de croissance et 400 000 emplois.
Mobilisation pour développer l'expatriation des Jeunes, atout déterminant pour la réussite de nos ambitions.
Oui, face à ces enjeux, la présence et l'influence de la France dans le monda méritent autre chose qu'une délectation morose et inadaptée. Oui, nous avons mieux à faire que de pratiquer l'autoflagellation ou l'autosatisfaction. La tâche est immense et exaltante.
Je souhaite que nous l'abordions avec l'esprit de conquête qui anime le président de la République, fiers de ce qui e été accompli, confiants dans les capacités de notre économie et mobilisés pour que la performance de la France s'améliore encore dans le monde de demain.
L’Express - 27 février 1997
L'Express : Depuis 1990, notre excédent commercial ne cesse de s'améliorer. Mais le chômage ne s'arrête pas, lui non plus, de grimper.
Yves Galland : Avant tout, n'oublions pas que le fait d'avoir un commerce extérieur excédentaire est un formidable révélateur du dynamisme de l'économie française. Malgré une conjoncture monétaire difficile – faiblesse de la livre, de la lire, de la peseta et aussi du dollar – nos entreprises ont montré leur compétitivité. Et, sans cet excédent record de 1996, notre croissance aurait été négative. Un Français sur quatre travaille pour l'exportation et leur nombre augmente toujours.
L'Express : Comment expliquer cette remontée de nos exportations ?
Yves Galland : D'abord, par cette amélioration de la compétitivité, mais aussi parce que, voilà vingt-cinq ans, il y a eu un sursaut français. D'un commerce extérieur orienté vers les pays en voie de développement, nous nous sommes recentrés sur les pays industrialisés. Cependant, ce commerce est surtout resté l'apanage des grands groupes : les 250 premières entreprises du pays réalisent plus de la moitié de nos exportations, et 140 000 PME en assurent seulement 3 %. C'est là qu'est le potentiel, c'est là le nouveau sursaut qu'il nous faut. Si ces PME réalisaient à l'exportation les mêmes performances que leurs concurrentes allemandes ou italiennes, cela nous apporterait 400 000 emplois supplémentaires.
L'Express : Comment y parvenir ?
Yves Galland : Il faut surmonter notre handicap culturel, nous engager dans le monde et les pays émergents, appuyer les PME. J'ai ainsi créé 162 postes de responsables PME dans le monde entier. Avec Partenariat France, 56 grandes entreprises françaises ont promis de soutenir les PME sur le plan international. Nous mettons également en place un guichet unique d'information et d'orientation au niveau départemental pour le commerce extérieur, Enfin, il faut améliorer les aides financières aux PME.
L'Express : Vous avez coutume de dire que Jacques Chirac est le premier vendeur de France.
Yves Galland : Oui, il est vraiment sur tous les coups. Il se bat sur tous les contrats qu'on lui signale, à tous les niveaux et avec une efficacité qui épate ses interlocuteurs. A l'image de Bill Clinton, qui n'hésite jamais à décrocher son téléphone, il nous fallait un président qui se batte. Nous l'avons. Ce sont au moins 15 milliards de francs de contrats qui, cette année, ont été signés avec son appui.