Texte intégral
La Volonté - Janvier 1998
Nos prochaines batailles
1997 aura été, pour nous, une année charnière. Auparavant, grâce à une succession de plans gouvernementaux prenant en compte nos aspirations, nous avons bénéficié de fort belles avancées. Des lois adoptées à cette époque portent des noms : Madelin, relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle ; Raffarin, relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat (équipement commercial) ; Galland, loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales (concurrence). Tout a bascule quand a été porté au pouvoir un autre gouvernement dont le programme était annonciateur de profonds changements. D'où la nécessité, pour chaque chef d'entreprise, de reconsidérer sa stratégie et de la remettre à l'heure...
Notre force vient de ce que nous sommes les seuls à créer des emplois. En quoi nous sommes irremplaçables. Nous le sommes à la condition qu'on ne nous lance pas dans les jambes ce gros bâton qui consisterait à faire fi de notre spécificité. Tant nous différons des grandes firmes, nous ne pouvons pas être traités comme allés. Nous avons là, marqué des points. Sur les 652 700 entreprises fonctionnant en régime sociétal, nous avons obtenu que 625 000 soient exemptées de la hausse de l'impôt sur les sociétés.
Les 35 heures ? Le gouvernement a admis que la date butoir d'entrée en application de cette mesure ne soit pas la même pour nous que pour les grandes entreprises et qu'il soit tenu compte de nos effectifs jusqu'à 20 salariés, seuil que nous voulons porter à 200. Nous avons obtenu également que la discussion, interrompue du fait du changement de majorité sur l'accès des PME aux marchés publics, soit reprise en vue de l'élaboration d'un code de la sous-traitance. Dont acte ; mais notre intention n'est pas d'en rester là. D'autres combats nous attendent et nous nous y préparons. Outre celui du passage à l'euro, qui bouleversera nos habitudes bureaucratiques et comptables, celui que nous pour suivons contre les 35 heures, qui condamnerait des milliers de nos entreprises à périr, nous lutterons afin de libérer nos entreprises du carcan de réglementations, de contraintes, qui nous sont imposées et nous étranglent. Moins d'Etat, rien ne saurait mieux aider à ce que nous aidions à résorber le chômage. Ces batailles, nous les gagnerons si nous formons corps, sans faille. Tout dépend de chacun de vous. Plus que jamais, le moment est venu que nous nous serions les coudes. Le, plus tôt, en ce début d'année, sera le mieux.
PMI - Actualité 35 heures - Janvier 1998
Q. : Après tout ce qui s'est déjà dit sur les 35 heures, que peut-on aujourd'hui tenter comme première conclusion ?
L. Rebuffel : Il faut aborder les 35 heures en dehors de toute référence politique, sous un angle purement technique. Il ne faut pas considérer qu'il s'agit d'un problème de gauche, ni de droite sinon cela fausse tout raisonnement.
Q. : Que mettez-vous derrière ce terme de technique ?
L. Rebuffel : il est absurde de traiter ce problème comme l'administration française l'a toujours fait jusqu'ici, c'est-à-dire sans tenir compte de la taille des entreprises. Vous pensez bien qu'on ne peut pas traiter ce problème chez Renault comme dans une PME de quartier.
Q. : Cependant la loi prévoit la date de l'an 2002 pour les entreprises de moins de 20 salariés et l'an 2000 pour toutes les autres ?
L. Rebuffel : Il est dangereux et absurde d'appliquer la même loi à deux ans près. A deux ans près, on ne le répétera jamais assez, ce sera le même régime pour tout le monde.
L'allongement du délai d'application est donc sans intérêt.
Q. : En quoi cette loi est-elle absurde ?
L. Rebuffel : D'abord parce qu'il s'agit d'une loi strictement franco-française, c'est à-dire qu'elle est conçue en ignorant complètement la mondialisation de l'économie. En clair, cette loi fait augmenter les coûts de personnel de 11 %. Or la compétition internationale porte sur les coûts de personnel avec des différences de salaires extraordinairement importantes. Beaucoup d'entreprises vont aller faire fabriquer leurs produits à l'étranger et on va donc continuer, plus que jamais, à importer ainsi le chômage des autres.
Q. : Les entreprises de quartier, celles qui servent les consommateurs français, ne souffriront pas de la même manière ?
L. Rebuffel : Elles souffriront également car le nombre de chômeurs va inéluctable ment augmenter. Il n'est pas vrai qu'il y aura augmentation du pouvoir d'achat. Donc les entreprises vivant du marché intérieur souffriront, elles diminueront leur personnel. Elles continueront ainsi, elles aussi, d'augmenter le chômage.
Q. : Pourtant, à première vue, la démarche des 35 heures parait logique ?
L. Rebuffel : L'histoire nous répond là-dessus. En 1936, on est passé de la semaine de 48 heures à la semaine de 40 heures. En un an, en 1936, le nombre de chômeurs est passé de 400 000 à 850 000. Il n'y a donc pas de lien automatique entre abaissement du temps de travail et abaissement du nombre de chômeurs.
Q. : Mais il y a des aides financières pour aider au passage des 35 heures ?
L. Rebuffel : L'expérience nous prouve que l'emploi subventionné est éphémère. Quand la subvention s'arrête, l'emploi disparaît. Donc ce sont des aides béquilles.
Q. : Alors que faire ?
L. Rebuffel : Cette loi n'est pas viable. Il faut en dispenser les PME car elles ne résisteront pas à l'augmentation des coûts de personnel. Les PME manquent de capitaux personnels. Elles sont endettées par définition. Je ne cesserai de le dire à nos gouvernants qui font là une erreur historique car cet endettement, ce manque de capitaux propres, l'absence d'une relance de la consommation les conduira au drame pour beaucoup. Et là, je veux m'adresser aux 9 millions de salariés qui travaillent dans les PME-PMI : leur sort est lié au nôtre. Nous sommes dans la même barque : patrons et salariés. Si l'entreprise coule, nous coulons tous ensemble. Non seulement, cette loi ne créera pas d'emplois, mais elle va faire diminuer l'emploi existant. " En un mot, cette loi faite pour lutter contre le chômage va accroître le chômage. Toutes les organisations patronales sont unanimes là-dessus. Il faut que le gouvernement supprime toute date butoir pour l'application de la loi. Chaque entreprise doit aller vers les 35 heures à son rythme et selon ses possibilités propres. Voilà la proposition que la CGPME fait au gouvernement : la suppression de la date butoir.
PMI - EDITORIAL - Janvier 1998
Une affaire d'Etat
L’Etat ne peut se substituer aux entreprises ». Nous ne saurions trop féliciter le Premier ministre d'en avoir fait le constat. Nous lui en sommes d'autant plus obligés que ce à quoi nous aspirons, c'est à la liberté. « Nous ne sommes pas idéologiquement opposés aux 35 heures, a dit, de passage à Paris, le président du patronat italien. Nous sommes contre une loi uniforme, contre une réduction dirigiste ». Difficile de dire mieux. Nous non plus n'acceptons pas qu'une loi nous impose, d'autorité, un horaire qui accroitrait nos charges, portant le coût de notre travail, à un point tel que nous cesserions, sur les marchés, d'être compétitifs et nous serions perdants.
Que l'Etat veuille nous donner l'exemple, il se peut ; mais c'est à rebours. Il nous indique, en premier lieu, ce que nous serions bien inspirés de nous abstenir. Prenez le cas des 350 000 emplois jeunes prévus. 40 000 de ces jeunes en ont déjà bénéficié ; mais alors qu'ils devaient répondre à des besoins nouveaux, la plupart ont été recrutés par l'Education nationale ou par la police. Et qu’adviendra-t-il dans cinq ans ?
Les congédier serait mal vu et tout nous porte à penser qu'ils seront purement et simplement intégrés à l'administration. La fonction publique a-t-elle inventé là un moyen, sans en avoir l'air, d'accroître encore ses effectifs ?
Nous n'avons pas le monopole du chômage. Les Allemands ne sont plus loin de nous avoir rattrapés. Mais alors que nous ne nous préoccupons que d'assister les sans-emplois, nos voisins d'outre-Rhin cherchent à les réintroduire dans le circuit des actifs. « Travail pour tous ». Tel est le titre du Plan que vient d'élaborer le Chancelier allemand. Ce qu'il prévoit : de demander aux municipalités d'employer à des travaux rémunérés ceux qui bénéficient d'une aide sociale. En cas de refus des intéressés, les communes réduiraient les aides ou les supprimeraient. Les Allemands ne sont-ils pas là à l'opposé de nous ?
Rien de grave, penserez-vous, il se peut ; I mais plus nous différerons d'eux, plus les Allemands auront tendance à ne pas s'accommoder de l'euro. Plus nous nous enfoncerons dans une « exception française », moins les Allemands seront disposés à faire l'Europe avec nous. Autant dire que tout un pan de notre politique s'effondrerait. Nous avec, il se pourrait tout « exceptionnels » que nous veillons être, ou même à cause de cela.