Déclarations de M. Michel Barnier, ministre délégué aux affaires européennes, sur l'identité européenne de défense, les modalités de la coopération entre l'Union européenne, l'UEO et l'OTAN et sur les ambitions de la France pour l'exercice de la présidence de l'UEO, Ostende le 19 novembre 1996.

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Circonstance : Conseil des ministres de l'UEO à Ostende (Belgique) le 19 novembre 1996

Texte intégral

Conseil des ministres de l’UEO, déclaration du ministre délégué aux affaires européennes, M. Michel Bernier, sur la future présidence française de l’UEO (Ostende, 19 novembre 1996)

Mes premiers mots sont pour la président belge, dont je tiens à saluer l’engagement et la détermination qui ont permis à l’UEO, au cours des cinq mois passés, d’enregistrer des avancées significatives qui complètent, amplifient et densifient les progrès faits par la présidence britannique. De toute évidence, nos travaux n’ont de sens que s’ils s’inscrivent dans la continuité, et l’innovation ne prend corps que si elle s’appuie sur un héritage.

La présidence française entend bien assurer l’héritage que lui lègue la président belge et poursuivre les efforts entrepris depuis les réunions ministérielles de Birmingham, Bruxelles et Berlin.

Elle entend aussi donner un nouvel élan au développement de l’identité européenne de sécurité et de défense dans le cadre de l’UEO.

Bien sûr, cet effort n’est pas indépendant des résultats qui sont recherchés tant dans le cadre de la rénovation de l’Alliance que dans celui de la CIG, étant donné que l’UEO a un rôle charnière entre l’UE et l’OTAN.

Notre conviction est qu’aucun effort ne doit être négligé, tant à l’Alliance que dans le cadre de la CIG, pour parvenir aux trois objectifs que nous nous sommes fixés.

Pour autant, nous ne voulons pas négliger le potentiel qu’offre l’UEO, les ressources et les capacités dont elle dispose déjà, la flexibilité qu’elle offre. La France souhaite que 1997 permette à l’UEO de devenir pleinement opérationnelle : l’organisation s’est dotée d’organes politico-militaires qui ne demandent qu’à servir : la Cellule de planification, le Centre de situation, le Centre d’imagerie satellitaire.

Des forces, nationales et multinationales, relèvent d’elle, dont il convient de vérifier les conditions d’utilisation.

Le conseil permanent doit jouer tout son rôle et d’abord celui d’impulsion, de contrôle, d’arbitrage, tant il est vrai qu’il ne peut y avoir de mouvement ans volonté politique.

Il nous importe que UEO, que ce soit avec les moyens de l’Alliance, ou avec ses moyens propres, ou encore avec les moyens collectifs autour de plusieurs nations pilotes, devienne un ensemble cohérent prêt à servir, en fonction des choix politiques qui seront alors faits.

La France souhaite aussi que 1997 permette à l’UEO de travailler efficacement avec l’UE. Sans anticiper sur les résultats de la CIG, il est clair que les deux organisations ont vacation à se rapprocher.

Des efforts ont déjà été entrepris, que je salue, pour renforcer les relations de travail.

Il me semble urgent de ne pas attendre que la CIG se soit prononcée et de demander à l’UEO qu’elle se tienne prête, qu’elle se prépare donc à jouer, le moment venu, le rôle qui sera le sien.

Dans cette entreprise, il me paraît important que les procédures entre l’UE et l’UEO soient clarifiées, mais aussi que les hommes, car c’est en définitive d’eux que dépend le succès de ce rapprochement, œuvrent ensemble.

Enfin 1997 devrait permettre à l’UEO de devenir un véritable cadre de dialogue et de coopération entre les Européens dans le domaine de la sécurité. L’UEO a vocation à être le forum où se discutera et s’élaborera une réflexion sur ce que les Européens perçoivent comme leurs intérêts de sécurité et la façon dont ces intérêts doivent aussi prendre en compte la sécurité des autres.

C’est ainsi que l’UEO apportera sa contribution – déterminante – au développement de la capacité des Européens à définir et à faire respecter leurs intérêts en Europe et dans le monde. Je me félicite, à cet égard, du signe politique fort que les ministres de l’UEO ont donné en acceptant de placer leurs contributions au règlement du drame du Kivu sous les auspices de notre organisation.

 

Intervention du ministre délégué aux affaires européennes, M. Michel Barnier, sur la mise en œuvre des décisions de Birmingham, Berlin et Bruxelles (Ostende, 19 novembre 1996)

Monsieur le président,

Les réunions de Birmingham et de Berlin constituent à nos yeux deux volets indissociables d’un même projet : permettre aux Européens de mieux assurer leurs responsabilités en matière de sécurité en rendant enfin l’UEO pleinement opérationnelle.

La réunion de Birmingham a rappelé les engagements que nous avions tous pris de développer une véritable identité européenne en matière de sécurité et de défense, et elle a développé un catalogue opérationnel de mesures à prendre pour donner corps à ces engagements.

D’autre part, en définissant des orientations précises pour mettre à la disposition de l’UEO des moyens et capacités de l’Alliance atlantique, afin de mener à bien certaines opérations, la réunion ministérielle de l’OTAN à Berlin s’est adressée en fait tout autant à l’UEO qu’à l’OTAN.

Il nous appartient désormais à nous Européens de faire ne sorte que la mise en œuvre de ces décisions aboutisse à la réalisation d’une nouvelle structure de sécurité, adaptée aux nouvelles missions, permettant le développement de l’identité européenne de sécurité et de défense, contribuant à la rénovation du lien transatlantique et conciliant coût et efficacité.

Dans cette entreprise, notre vision doit être réaliste et notre démarche pratique : il faut faire en sorte que nous disposions des instruments adaptés, pour répondre aux différents types de crises, plus variés et plus imprévisibles aujourd’hui d’hier. Nous devons pouvoir réagir efficacement, que ce soit dans le cadre de l’Alliance, dans celui de l’UEO avec les moyens et capacités de l’Alliance, dans le cadre de l’UEO seule, ou dans le cadre d’opérations collectives autour d’une nation pilote. L’important est de disposer de l’éventail des outils appropriés en fonction des choix politiques que nous ferons.

Depuis Birmingham et Berlin nous avons fait des progrès. La présidence belge a permis des avancées qui complètent les progrès enregistrés sous la présidence britannique.

L’UEO a ainsi défini et transmis à l’OTAN une liste de situations –types où elle pourrait estimer devoir recourir aux moyens de l’Alliance.

C’est à partir de cette liste que pourraient s’établir les modalités précises d’une coopération effective entre les deux organisations.

Le conseil des ministres de l’UEO a aussi manifesté clairement sa volonté de participer à l’offre qui lui était faite de travailler à la rénovation de la planification de défense de l’OTAN, notamment en intégrant les missions conduites par l’UEO.

Enfin, sous la présidence belge a été engagé un travail de réflexion sur la façon dont l’UEO assurerait le contrôle politique et la direction stratégique d’une opération pour laquelle elle recourrait aux moyens de l’OTAN.

Lors de sa présidence, la France souhaite poursuivre les efforts entrepris par le Royaume-Uni et la Belgique et donner un nouvel élan au développement de l’identité européenne de sécurité et de défense dans le cadre de l’UEO. Selon l’ordre du jour de notre réunion, je serai amené à vous préciser ultérieurement nos propositions.

La France souhaite que 1997 permette à l’UEO de devenir pleinement opérationnelle : l’organisation s’est dotée d’organes politico-militaires qui ne demandent qu’à servir : la cellule de planification, le centre de situation, le centre d’imagerie satellitaire. Des forces, nationales et multinationales, relèvent d’elle, dont il convient de vérifier les conditions d’utilisation.

Le conseil permanent doit jouer tout son rôle et d’abord celui d’impulsion, de contrôle, d’arbitrage, tant il est vrai qu’il ne peut y avoir de mouvement sans volonté politique.

Il nous importe que l’UEO, que ce soit avec les moyens de l’Alliance, ou avec ses moyens propres, ou encore avec les moyens collectifs autour de plusieurs nations pilotes, devienne un ensemble cohérent prêt à servir, en fonction des choix politiques qui seront alors faits.

La France souhaite aussi que 1997 permette à l’UEO de travailler efficacement avec l’Union européenne.

Sans anticiper sur les résultats de la CIG, il est clair que les deux organisations ont vocation à se rapprocher.

Des efforts ont déjà été entreprise, que je salue, pour renforcer les relations de travail. Il me paraît important que les procédures entre l’UE et l’UEO soient clarifiées, mais aussi que les hommes, car c’est en définitive d’eux que dépend le succès de ce rapprochement, œuvrent ensemble.

Enfin 1997 devrait permettre à l’UEO de devenir un véritable cadre de dialogue et de coopération entre les Européens dans le domaine de la sécurité.

L’UEO a vocation à être le forum où se discutera et s’élaborera une réflexion sur ce que les Européens perçoivent comme leurs intérêts de sécurité et la façon dont ces intérêts doivent aussi prendre en compte la sécurité des autres.

C’est ainsi que l’UEO apportera sa contribution – déterminante – développement de la capacité des Européens à définir et à faire respecter leurs intérêts en Europe et dans le monde.

 

Intervention du ministre délégué aux affaires européennes, M. Michel Barnier, sur le thème du « Futur de l’architecture de sécurité Européenne » (Ostende, 19 novembre 1996)

La question de la sécurité du continent européen a toujours constitué une préoccupation fondamentale pour nos gouvernements. Mais elle revêt aujourd’hui une importance particulière car nous sommes aujourd’hui parvenus à un carrefour. Un certain nombre de perspectives se dessinent en effet, qui préfigurent ce que pourrait être – pour de longues années – l’architecture européenne de sécurité : l’élargissement à l’Est de l’Union européenne et de l’Alliance, la rénovation des structures de cette dernière, la redéfinition du rôle de l’UEO, le renforcement de l’OSCE et l’établissement d’un partenariat de sécurité avec la Russie. Les mois et les années qui viennent seront donc décisives et nos États doivent s’engager de manière volontariste dans la construction d’un équilibre de paix durable en Europe.

Ambitieuse et globale, l’approche française dans ce domaine obéit à un grand dessein, tout en étant profondément imprégnée de pragmatisme.

Le grand dessein, c’est la poursuite de la construction européenne dans le champ politique et l’affirmation progressive d’une Europe de la défense, tout en renforçant la relation transatlantique, essentielle pour la sécurité de notre continent. À cet effet, l’Union européenne de sécurité et de défense doit s’affirmer au sein d’une Alliance atlantique rénovée.

Le grand dessein, c’est aussi la création d’une architecture pan-européenne de sécurité, faisant une juste place aux intérêts de sécurité des pays jouant un rôle particulier dans le concert européen, la Russie et l’Ukraine.

La France souhaite donc à la fois préserver et renforcer les capacités de défense collective des Alliés et instaurer un véritable régime pan-européen de sécurité collective, dont personne ne serait exclu. Ces deux ambitions sont pour nous indissociables.

Le pragmatisme, c’est notre volonté de bâtir ce cadre pas à pas, en s’appuyant sur les organisations existantes, qui ont fait leur preuve : l’Union européenne, l’OTAN, UEO et l’OSCE. Mais ces institutions devront être adaptées à la nouvelle donne politico-stratégique en Europe et leurs relations mutuelles devront être redéfinies afin de parvenir à une architecture pan-européenne de sécurité véritablement cohérente. Nous devrons aussi tenir compte de contraintes budgétaires qui s’imposent à tous et éviter toute duplication inutile des structures.

C’est en fonction de ces principes que la France s’est fixé quatre objectifs prioritaires :

1. – Faire de la conférence intergouvernementale de l’Union européenne un succès marquant un progrès réel dans la construction européenne.

L’Europe doit désormais disposer d’une influence politique et de moyens en matière de sécurité à la hauteur de sa puissance économique.

L’UEO, bras armé de l’Union européenne, doit pouvoir mener sous sa responsabilité des opérations militaires européennes y compris avec des moyens de l’Alliance.

Elle doit pour cela développer des capacités autonomes d’aide à la décision telles que la cellule de planification, le centre de renseignement, le centre satellitaire de Torrejon ainsi que des capacités de projection

Le rapprochement de l’UEO et de l’Union européenne doit être accéléré, dans la perspective de l’insertion à terme de la première dans la seconde.

Au sein de l’Union, la compétence du Conseil européen pour définir les principes orientations et priorités de la politique de défense commune doit être affirmée ; le processus de décision de l’Union européenne doit être rendu plus efficace ; enfin une clause de solidarité politique engageant les Quinze doit être introduite dans le traité.

L’Europe de la défense, c’est aussi pour nous la recherche d’une réelle complémentarité entre nos industries de défense, aujourd’hui en cours de restructuration.

Afin de faire face à la diminution des budgets militaires et à l’intensification de la concurrence mondiale dans le domaine de l’armement, l’Europe doit en effet disposer d’une base industrielle et technologique performante, permettant à nos forces armées d’acquérir leurs équipements au meilleur rapport coût-efficacité.

2. – Faire aboutir la rénovation de l’Alliance atlantique par la mise en œuvre des décisions de Berlin. Nous voulons une OTAN modernisée, plus souple, moins coûteuse, conservant son efficacité militaire et donnant toute sa place à l’identité européenne de défense et de sécurité.

3. – Conduire avec succès l’élargissement de l’Alliance et de l’Union européenne. Ces deux processus s’inscrivent dans un même mouvement : celui de la reconstitution de la famille des États européens. Les modalités de l’extension de ces organisations seront certes différentes, mais une approche globale demeure pour nous essentielle.

4. – Renforcer la sécurité coopérative dans le cadre de l’OSCE au profit de tous.

Il s’agit là d’un élément important de la future architecture de sécurité du continent. Il faut que les moyens de renforcer l’OSCE soient définis et mis en œuvre, et que cette organisation définisse les principes de sécurité coopérative, auxquels tous les États européens, qu’ils soient membres de l’OTAN, qu’ils soient candidats ou non, devront se conformer. C’est la raison pour laquelle nous accordons une importance particulière au prochain sommet de l’OSCE à Lisbonne.

Le président de la République française a proposé un sommet pan-européen consécutif au sommet de l’OTAN, de façon à prendre en compte ces différents objectifs et à répondre de façon cohérente aux exigences de la nouvelle donne stratégique en Europe.

Les mois qui viennent vont être cruciaux.

Nous devons être à la hauteur de nos responsabilités. C’est l’occasion pour les Européens de manifester qu’ils peuvent être un élément moteur dans la définition d’une nouvelle architecture de sécurité garantissant à l’Europe la paix et la stabilité.