Interview de M. Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la santé et à la Sécurité sociale, dans "Le Parisien" le 4 février 1997, sur le rôle de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) dans l'évaluation de la qualité des soins dans les hôpitaux.

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Média : Le Parisien

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Le Parisien : Qu'est-ce que celte évaluation nationale va changer pour l'hôpital ?

Hervé Gaymard : C'est une réforme très importante car pour la première fois la France se dote d'un outil moderne pour veiller â la qualité des soins dans ses établissements de santé, et pour l'améliorer.

Le Parisien : Est-ce que ce système va fonctionner comme un couperet pour les établissements qui seraient mal jugés ?

Hervé Gaymard : Pas du tout ! Il s'agit d’une évaluation médicale et scientifique, externe aux hôpitaux, faite par des professionnels chargés de mettre en œuvre une démarche globale d'évaluation. Ce n'est pas une procédure d'autorisation ni d'agrément. Son objectif est seulement d'aider l'hôpital à améliorer la qualité de ses soins, pour le bénéfice des patients.

Le Parisien : Vous croyez que le corps médical français va accepter que l'on mette son nez dans ses affaires, comme c'est le cas aux Etats-Unis ?

Hervé Gaymard : Nous sommes assez éloignés, dans l'esprit, de l'expérience américaine, qui est surtout comptable et budgéta ire. I l y a d'ailleurs assez peu d'exemples étrangers en la matière. En France, cette réforme était attendue de beaucoup des professionnels de santé – et pas seulement des syndicats de médecins hospitaliers, mais aussi des personnels soignants et administratifs. Avec Jacques Barrot, le ministre des Affaires sociales, nous avons beaucoup consulté, depuis un an. Ce que nous faisons est conforme à ce que souhaitent les hospitaliers.

Le Parisien : Est-ce que la qualité ne sera pas un bon prétexte pour fermer, par la suite des lits jugés pléthoriques ?

Hervé Gaymard : D'abord, la notion de lit ne veut pas dire grand-chose. Entre 1985 et 1995, 50 000 à 60 000 lits ont terne, et pourtant 50 000 emplois ont été créés dans les hôpitaux dans le même temps ! Ensuite, notre démarche d'accréditation n'est pas du tout reliée à des préoccupations budgétaires, je le répète. Il n'y a aucun lien organique entre l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, dont nous parlons, et les agences régionales de l'hospitalisation qui répartiront les budgets régionaux entre chaque hôpital.

Le Parisien : Quel est votre calendrier ?

Hervé Gaymard : Nous voudrions avoir accrédité les 4 000 établissements de santé publics et privés dans les cinq ans qui viennent. Cela fait 800 visites par an. Après chaque visite un compte rendu qualitatif et exhaustif sera fait. Il donnera lieu à des recommandations pour la direction de l'hôpital, et éventuellement à un calendrier de nouvelles visites, selon les services et l'état des lieux constatés. Ce document sera accessible au public dans son intégralité.

Le Parisien : Justement, puisque ce rapport d'évaluation sera disponible pour tout le monde, les établissements mal « notés » seront boycottés par les malades…

Hervé Gaymard : Il ne s'agit pas vraiment de noter les établissements. C'est la transparence de l'information, et le professionnalisme de l'accréditation qui sont le meilleur moyen de tordre le cou aux rumeurs. Actuellement, comme élu local, je vois courir des rumeurs sur tous les hôpitaux, souvent infondées. Nous entrons dans une phase adulte d'évaluation de la qualité des soins,

Le Parisien : Mais alors, chaque hôpital pourra se servir de ce document pour se faire, en quelque sorte, de la publicité comparative : nous sommes les meilleurs en chirurgie orthopédique, etc.

Hervé Gaymard : Mais cela existe déjà Je passe mon temps à recevoir des gens qui nie disent tel hôpital est scandaleux sur tel ou tel sujet. Et le plus souvent, ce jugement ne repose sur rien de sérieux. En revanche, grâce à la procédure, on a pour la première fois un jugement objectif sur la qualité des soins et les actions à mener pour améliorer cette qualité.