Interview de M. François Bayrou, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale et président de Force démocrate, à TF1 le 26 février 1998, sur les mesures gouvernementales en faveur des chômeurs de longue durée et sur l'enjeu local des élections régionales de mars 1998.

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Texte intégral

J.C. Narcy : F. Bayrou, vous venez d’écouter L. Jospin. Alors, votre première impression ?

F. Bayrou : J’approuve ce qui est raisonnable, et me paraissent raisonnables le rattrapage qui n’avait pas été fait depuis 1989 des allocations de solidarité. De même, j’approuve la mesure pour les chômeurs qui ont 40 annuités, et qui vont donc voir, jusqu’au moment où ils toucheront leur retraite, leurs situations nettement valorisées. Je trouve cela juste, j’approuve ce qui est raisonnable. Et j’approuve la formule, quand le Premier ministre répète qu’il est pour une société du travail et non pas de l’assistance. Mais je m’inquiète parce que cette formule est en réalité en contradiction – c’est du moins ce que nous croyons -, avec un certain nombre d’orientations qui dirigent la société française, non pas vers le travail, mais vers, je ne dis pas l’assistance -, l’idée que l’on peut créer du travail en renonçant aux efforts qui sont nécessaires pour qu’une société l’emporte. Et je pense aux 35 heures par exemple ; je pense que sur ce point, on se trompe. Donc les intentions que le Premier ministre exprime dans les mots sont des intentions justes – je ne les nie pas -, je ne suis pas là pour critiquer à tout prix ; mais je sus en désaccord profond sur les choix qui par ailleurs sont faits, et qui ne permettront pas à la société française de trouver le travail qu’elle est en droit d’attendre.

J.C. Narcy : Alors justement, dans le grand débat qu’il y a aujourd’hui sur le partage de la croissance, est-ce que vous êtes plutôt du côté des minima sociaux, est-ce que c’est la bonne méthode, ou alors, est-ce que vous dîtes qu’il faut encore supprimer un certain nombre de charges aux entreprises pour créer des emplois ?

F. Bayrou : Je suis comme le Premier ministre que ce sujet : j’attendrais que la croissance soit vérifiée, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas. Et deuxièmement, je suis de l’avis de ceux – je milite comme beaucoup, pour qu’on ne saupoudre pas les fruits de la croissance, qu’on essaie au contraire de s’en servir pour conduire les réformes profondes dont la société française a besoin… Il y a beaucoup de gens dans l’opposition, à droite et au centre, et il y a beaucoup de gens, à gauche, qui disent : faisons attention à la société française. Elle souffre du trop d’impôt, cela casse l’énergie de tous ceux qui ont besoin d’avancer en matière de travail. M. Fabius, par exemple, l’a dit, il a raison. C’est une critique un peu déguisée de l’action du Gouvernement. Mais sur le fond, je pense que le jour où la croissance sera vérifiée, il faudra se servir de ses fruits pour faire les réformes dont on a besoin.

J.C. Narcy : Sur les élections régionales, le Premier ministre a dit que c’est une élection locale, mais cela a une signification nationale. C’est vrai pour vous aussi ?

F. Bayrou : C’est vrai. C’est d’abord une élection locale, c’est-à-dire que la première conséquence du choix que les électeurs vont faire, ce sont les équipes qui dirigeront les régions. Et je voudrais observer ceci – que vous avez noté aussi : c’est formidable, on a 20 régions qui étaient gouvernés par l’UDF et le reste RPR. Est-ce que vous avez entendu critiquer le bilan des équipes sortantes ? Et puis on s’aperçoit qu’en réalité, il y a de la part des électeurs, des citoyens, le sentiment que ces régions ont été plutôt bien gouvernées. D’ailleurs, le contraire serait étonnant, pare qu’il y a un classement qui vient de sortir, dans un grand journal économique, de la gestion de ces régions. Su 22 régions, les seize premières sont des régions gouvernées par l’UDF et le RPR. La région socialiste ne vient que dix-septième, et l’autre vingtième. C’est-à-dire que l’on est très loin. Donc, je crois qu’il y a à défendre les équipes qui, pendant six ans – c’est long six ans -, vont avoir à gouverner les régions. Et deuxièmement, il y a un signe national et ce signe national, pour moi, il va plutôt dans le sens de ce que j’ai indiqué. Bien sûr, les sondages sont bons, et pour le Gouvernement, il y a un moment où il y a une espèce d’euphorie. Il faut qu’on fasse de cette euphorie – il y a de moments où les minorités ont raison contre les majorités…Et donc il me semble que les électeurs doivent se saisir de cette occasion des élections régionales pour donner au Gouvernement le signal salutaire qui lui permettra de réfléchir aux mauvaises options qu’il est en train de prendre. Et elles sont, à mon avis, plus nombreuses que celles qui sont acceptables.